Une nuit pour les femmes

Envisager les fondations d’un monde commun : telle est l’ambition d’un événement unique organisé par l’Institut français de Tel-Aviv

Florence Aubenas, journaliste et écrivain (photo credit: DR)
Florence Aubenas, journaliste et écrivain
(photo credit: DR)
Il y a environ 2 500 ans, le philosophe grec Platon suggérait que la pensée était « le parler de l’âme avec elle-même ». Avec La Nuit des idées, des femmes peu communes pour un monde commun, événement présenté par l’Institut français d’Israël jeudi 26 janvier au musée d’Art de Tel-Aviv, les dialogues promettent d’être animés et enrichissants.
La soirée gratuite d’accès qui se tiendra de 18 h 30 à minuit, en français et en hébreu, proposera des tables rondes, des conférences et des divertissements musicaux afin d’aborder la vie d’un point de vue féminin, mais pas exclusivement. Les allocutions de Suzanne Landau, directrice du musée, et de Barbara Wolffer, conseillère culturelle et directrice de l’Institut français, ouvriront l’événement.
Un impressionnant panel est attendu, dont les députées israéliennes Stav Shaffir et Merav Michaeli, la fondatrice de l’association pour le respect des droits de l’homme Yesh Din Ruth Kedar, la contrôleure générale des lieux de privation de liberté Adeline Hazan, et la philosophe et psychanalyste française Clotilde Leguil. De célèbres femmes de lettres sont également invitées : la romancière française Marie Darrieussecq et l’écrivaine israélienne Alona Kimhi, ainsi que les journalistes bien connues, Florence Aubenas et Laure Adler.
Cette dernière n’est pas étrangère à nos rivages : issue d’une famille juive hongroise, Laure Adler proclame sans ambages son attachement pour l’Etat juif dans lequel elle se rend chaque année. Elle avait même envisagé de devenir israélienne. « Quand j’étais jeune, j’ai travaillé dans un kibboutz en Galilée », se rappelle-t-elle. « J’avais même projeté de vivre ici. » Laure Adler officiera comme modératrice au cours d’une table ronde sur la situation globale des femmes.
«Nous parlerons aux Israéliennes et aux Françaises de la situation des femmes dans les deux pays », explique la journaliste, ajoutant que des symposiums similaires auront lieu parallèlement dans d’autres grandes villes du monde comme Tokyo, New York ou Los Angeles.
Laure Adler est éminemment qualifiée pour contribuer à l’événement telavivien : elle a à son actif plus de 40 ans de reportages culturels ainsi que des biographies remarquées sur Hannah Arendt, Françoise Giroud et Simone Veil. Elle a également publié un certain nombre d’ouvrages sur le féminisme.
Générer de l’espoir
Qu’attend-elle de cette soirée ? « Un peu plus d’espoir pour la condition féminine », répond-elle. Avec la devise liberté, égalité, fraternité, gravée dans la psyché de chaque citoyen, on pourrait penser que les femmes françaises jouissent d’un statut égal à celui de leurs homologues masculins. Malheureusement, ce n’est pas le cas. « Je ne connais pas vraiment la situation de la femme en Israël, mais en France elle n’est pas très bonne. » « Il y a beaucoup de chômage », poursuit-elle. « Quand la société ne peut pas fournir de travail pour tous, c’est toujours la femme qui paie. L’homme obtient le travail et la femme est censée rester à la maison avec les enfants. »
Apparemment, la situation offre peu d’espoir. « Le domaine de la politique n’est pas tellement meilleur », dit Laure Adler. « Il n’y a pas de candidate aux prochaines élections présidentielles. Il n’y a pas de ministre importante dans le gouvernement Hollande, ni ministère ou secrétariat d’Etat à la Condition féminine. »
Lors de la soirée, les débats aborderont divers domaines, avec Stav Shaffir et Florence Aubenas dialoguant sur le thème Fragilités sociales : dessiller un monde aveugle, tandis que Ruth Kedar, Adeline Hazan et la militante socialiste Samah Salaime Egbariya discuteront de la dignité humaine. En tant que leader du mouvement de protestation sociale en 2011, Stav Shaffir est qualifiée pour parler sur la façon d’amener les gens à réagir sur les questions sociales les plus sérieuses.
Laure Adler estime que la France et d’autres pays seraient bien inspirés de suivre l’Amérique, faisant référence à la marche des femmes prévue à Washington le 21 janvier, au lendemain de la cérémonie d’investiture du nouveau président des Etats-Unis. « Les femmes sont toujours les premières à descendre dans la rue, à lutter pour les droits de l’homme, pour les droits civils », dit-elle. « Là, elles vont protester contre Trump et son attitude dénigrante envers les femmes. Seulement l’Amérique est loin d’avoir le monopole de ces problèmes.
Un monde misogyne
« Il y a beaucoup d’hommes de par le monde qui croient que les femmes ont trop de droits », observe la journaliste, notant que cette situation se retrouve aussi dans l’Hexagone. « Je pense qu’il y a un très grand mouvement misogyne en France aujourd’hui. L’homme n’accepte pas que la femme soit intelligente et encore moins qu’elle puisse être son égale. »
« L’idée de cette soirée est d’offrir un marathon de cinq heures de débats, mais aussi de la musique en live », explique Barbara Wolffer. « Nous avons décidé de donner la parole aux femmes afin de parler de la façon dont elles pensent et agissent, et contribuer ainsi à l’émergence d’un monde commun. » Un large éventail de thèmes sociaux et éthiques seront discutés. « Il y aura notamment une table ronde sur le monde commun ou, plutôt, sur l’absence de monde commun des hommes et des femmes ; ce panel dédié à la famille analysera la situation du point de vue juridique et politique. » La notion de couple sera également abordée en incluant le couple homosexuel.
Un monde commun n’est pas exclusivement consacré aux discussions sérieuses. Les participants profiteront également d’un divertissement musical de qualité offert par des artistes comme Liron Meshoulam, alias Flora, qui rendra hommage à la grande pianiste et chanteuse de jazz américaine Nina Simone. Son œuvre sera également salué par la violoncelliste juive américaine Sonia Wieder-Atherton, qui se joindra au pianiste israélien Yuval Zorn. 
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