« Le temps est venu pour que la communauté internationale dise clairement : non
à l’agression, les implantations et l’occupation », a lancé le chef de
l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas devant la salle comble de l’Assemblée
générale de l’ONU. « Nous ne sommes pas là pour délégitimer un Etat établi
voilà des années, à savoir Israël, mais au contraire pour affirmer la
légitimité d’un Etat qui doit aujourd’hui parvenir à son indépendance, à savoir
la Palestine », a-t-il déclaré.
Et de continuer : « Nos efforts ne sont pas destinés à achever ce qui reste
aujourd’hui des négociations de paix, qui ont perdu leur objectivité et leur
crédibilité, mais plutôt à essayer d’insuffler un nouveau souffle au processus
et le consolider à la base, grâce aux résolutions internationales, afin que les
négociations aboutissent ».
Selon Abbas, les Palestiniens n’accepteront rien de moins que « l’indépendance
de la Palestine, avec Jérusalem-Est pour capitale, sur tous les territoires
palestiniens occupés en 1967 et une solution pour les réfugiés sur la base de
la Résolution 194, afin de vivre en paix et en sécurité aux côtés de l’Etat
d’Israël ».
Le Premier ministre Binyamin Netanyahou a condamné la violente charge d’Abbas
contre Israël, la qualifiant d’« hostile et empoisonnée » et de « fausse
propagande ». « Je n’entends pas les propos d’un homme qui souhaite la paix »,
a rétorqué Netanyahou dans un communiqué. Le dirigeant palestinien n’a en effet
pas manqué de réitérer ses accusations de crimes de guerre, nettoyage ethnique
et dépossession de biens envers l’Etat hébreu.
Les 8 pays opposés à la démarche palestinienne étaient : les Etats-Unis,
Israël, le Canada, la République tchèque, les îles Palaos, la Micronésie, la
République de Nauru, le Panama et les Iles Marshall.
Une défaite pour la
diplomatie israélienne
Le vote signe l’isolement de Jérusalem sur la scène
internationale. Analyse.
Ce n’est pas une surprise. Mais cela n’en demeure pas
moins une cuisante défaite pour Israël. Cuisante parce que Jérusalem avait
notoirement tenté de faire échouer la démarche palestinienne. Des membres du
gouvernement avaient même évoqué un bloc de 40 à 50 Etats, composé des «
démocraties dites de qualité », qui auraient accepté de s’abstenir, voire de
voter contre l’initiative.
Si l’Etat hébreu avait adopté, il y a plusieurs mois, la ligne établie trois
jours avant le vote, qui consistait à minimiser la manoeuvre en la faisant
passer pour inutile, la défaite aurait été moins lourde. Mais plus grandes sont
les attentes et plus dure est la chute. En l’occurrence, il y avait l’espoir
que l’Union européenne, en tant que bloc, s’abstienne et que d’autres grandes
nations telles que le Japon et la Corée du Sud – voire même l’Australie - se
laissent convaincre de voter contre.
C’était plus qu’un espoir. Le Premier ministre Binyamin Netanyahou et le
ministre des Affaires étrangères Avigdor Liberman ont ardemment plaidé leur
cause au cours des derniers mois. Bibi a appelé plusieurs de ses homologues
pour leur demander de ne pas soutenir l’initiative palestinienne, tandis que
Liberman a sillonné les capitales étrangères pour tenter de bâtir ce que le
ministre adjoint aux Affaires étrangères Danny Ayalon avait un jour surnommé «
une minorité morale ».
Renforcer Mahmoud Abbas
Que ces efforts aient échoué soulèvent une seule et
unique question : pourquoi ? Réponse : pour deux raisons principales. La
première a trait avec le récent conflit armé à Gaza et la seconde avec les
implantations et la stagnation du processus de paix en général. Concernant
Gaza, l’opération et « Pilier de défense » et le fait que Mahmoud Abbas soit
apparu comme le grand perdant de cette crise ont contribué à convaincre les
grandes démocraties de voter en faveur de l’adhésion palestinienne.
L’UE, qui soutient Abbas et l’Autorité palestinienne à raison de milliards
d’euros, ne peut pas rester sans rien faire face au déclin de Ramallah. Les
dirigeants européens répètent depuis des années que davantage doit être fait
pour soutenir le leader palestinien, et ces appels se sont fait plus pressants
encore après la campagne à Gaza. Abbas y est en effet apparu comme sur le point
de tomber dans l’insignifiance. L’UE, voulant lui redonner une stature, s’est
dit qu’une victoire à l’ONU pourrait précisément atteindre l’effet recherché.
Car si le dirigeant palestinien s’était heurté à la résistance des grandes
puissances à l’ONU, il serait rentré tête basse à Ramallah. Le Hamas a clamé
une victoire militaire après « Pilier de défense », mais après le 29 novembre,
le Fatah peut, lui, revendiquer une victoire diplomatique. Certes, ces deux
succès sont illusoires car un Etat « perçu » virtuel n’est pas véritablement un
Etat. Un Etat véritable a de vraies frontières, une vraie autorité et une vraie
souveraineté.
Lassitude européenne
Mais la défaite d’Israël est ailleurs. Après avoir
systématiquement repoussé les demandes de l’EU, l’Etat hébreu s’attendait
pourtant à obtenir le soutien de ses membres. Or, l’Europe a récemment pris la
décision stratégique de s’opposer avec force, cris et vociférations à toute
nouvelle construction dans les implantations, y compris dans les quartiers
post-1967 de Jérusalem, tels que Ramot, Guilo et Pisgat Zeev.
En réponse, l’Etat juif a délibérément choisi d’ignorer ces protestations. Une
stratégie payante jusqu’à un certain point : le moment où Israël a eu besoin de
l’Europe.
On peut débattre de la légitimité de l’attitude israélienne face aux requêtes
européennes, mais on ne peut certainement pas s’étonner que l’EU n’apporte plus
son soutien à Jérusalem en des échéances comme celles-ci. La construction des
implantations et l’absence d’initiative diplomatique israélienne a érodé le
soutien d’Israël à un point que certains ne font que réaliser à présent.
Ce qui ne signifie pas pour autant que, s’il n’y avait pas de construction dans
les implantions et que Netanyahou avait fait une offre généreuse aux
Palestiniens, l’Europe aurait répondu présente. Israël serait bien mal avisé de
compter sur des Etats tels que l’Irlande, le Luxembourg, l’Espagne, le
Portugal, la Belgique, l’Autriche ou encore la Suède dans ses batailles
diplomatiques. Mais que l’Allemagne, l’Italie, les Pays-Bas ou la Bulgarie ne
soutiennent plus l’Etat hébreu devrait tirer la sonnette d’alarme.