Une avocate en lutte contre la terreur islamique

La dynamique avocate Nitsana Darshan-Leitner mène campagne contre ceux qui financent les auteurs d’attentats terroristes. Au nom des victimes de la terreur, avec ou sans le soutien du gouvernement

La dynamique avocate Nitsana Darshan-Leitner (photo credit: SHOURAT HADIN)
La dynamique avocate Nitsana Darshan-Leitner
(photo credit: SHOURAT HADIN)
Le 13 janvier dernier, s’est ouvert à New York le procès de Sokolow contre l’Autorité palestinienne (AP), plus de 10 ans après le septième d’une série d’attentats terroristes en Israël, perpétrés, selon le parquet, par les Palestiniens sous l’égide de l’OLP, du Hamas et de la Brigade des martyrs d’al-Aqsa. 33 personnes avaient trouvé la mort et plus de 450 ont été blessées suite à ces attentats suicides dévastateurs.
Nitsana Darshan-Leitner, du Centre de droit israélien Shourat Hadin, s’est battue, avec d’autres, pour que l’affaire contre l’AP soit entendue. Avec son organisation, Darshan-Leitner mène une guerre contre le terrorisme par le biais des tribunaux internationaux. Elle a remporté plusieurs succès notables contre la Banque centrale d’Iran, la Banque libano-canadienne, et d’autres qui ont permis à ce jour de recouvrir 150 millions de dollars, transmis directement aux victimes de la terreur et à leurs familles.
Grâce à son action, plus de 600 millions de dollars d’avoirs terroristes ont été gelés par les tribunaux américains, au cours des dernières années, dans les jugements contre divers commanditaires du terrorisme. Des actifs destinés au Hamas, au Hezbollah, au Djihad islamique et au Fatah, pour financer de nouvelles attaques terroristes contre des cibles israéliennes.
Plus récemment, un bâtiment de 700 millions de dollars, situé sur la 5e avenue de New York et détenu par une banque iranienne, a été confisqué par le gouvernement américain, suite aux poursuites engagées. Le produit de la vente de l’immeuble servira à l’indemniser les victimes du terrorisme parrainé par l’Iran.
Une maman célèbre
Interrogée pour savoir si, après les récentes attaques terroristes à Paris, Darshan-Leitner craint pour sa vie, elle sourit : « Je ne m’inquiète pas pour ma sécurité – certainement pas ici en Israël. C’est différent quand je me rends à l’étranger, où je dois parfois prendre quelques précautions sécuritaires. »
Mariée à l’avocat Aviel Leitner, Nitsana est mère de six enfants, âgés de 6 à 16 ans, dont des triplés de 9 ans. Pour la plupart des mères, s’occuper simplement de six enfants au quotidien est déjà énorme, mais elle avoue travailler 24 heures/24. « Si je ne suis pas physiquement au bureau ou à poursuivre un cas ici et là, je pense à mon travail quasiment à chaque minute de la journée », raconte-elle.
Elle reconnaît qu’être si souvent loin de chez elle peut parfois être difficile. Ses parents, arrivés d’Iran en Israël après la création de l’Etat hébreu, apportent un soutien considérable à sa famille. Sans eux, elle serait incapable de gérer la situation. Ses déplacements réguliers à l’étranger ont été particulièrement durs pour ses enfants lorsqu’ils étaient plus jeunes.
« Lorsque votre tout-petit regarde par la fenêtre et demande si maman est dans chaque voiture qui passe (maman est en fait à des milliers de kilomètres à travailler aux Etats-Unis), cela peut être un challenge. Heureusement, la plupart de mes enfants sont maintenant assez grands pour comprendre ce que je fais, et sont même fiers d’avoir une maman “célèbre” ».
Enfant, cette jeune femme orthodoxe, « mais sans ultra », qui a acquis une solide réputation dans le monde juridique, semblait destinée à une carrière très différente de pianiste classique. « J’ai joué du piano pendant douze ans », se souvient-elle. « J’avais un professeur russe et j’ai participé professionnellement à des concerts classiques. Malheureusement, je n’ai pas continué à cause de mon service militaire. Puis je suis allée étudier le droit à Bar-Ilan, et je me suis mariée pendant ma première année. J’ai obtenu mon diplôme, effectué mon apprentissage, terminé mon MBA via un cours de l’université de Manchester ici en Israël, puis j’ai eu mon premier enfant. »
Le prix du sang
La jeune avocate commence alors, en dehors de son travail régulier, à prendre bénévolement des dossiers pour le compte de tous types de victimes. « J’ai représenté la danseuse du ventre violée par l’ambassadeur d’Egypte. Ou les cas d’extradition de juifs, ici en Israël, extradés pour des actes commis aux Etats-Unis et au Canada, comme ce devrait l’être. J’ai représenté des femmes violées dans des établissements psychiatriques. Il y a eu aussi le scandale d’Abou Kabir, où des parties du corps ont été vendues ou échangées, etc. Ainsi, lorsque la deuxième Intifada a éclaté, c’était pour moi tout naturel de me saisir de l’affaire au nom des victimes du terrorisme, afin de voir si nous pouvions poursuivre les auteurs de ces attaques. »
« En 2000, personne ne savait qu’il était possible de poursuivre une organisation terroriste. Il n’y avait aucun précédent. En fait, nous avons même été approchés, par la suite, par un groupe venu en Israël pour apprendre comment poursuivre les militants irlandais de l’IRA. »
Darshan-Leitner explique aux victimes du terrorisme ou à leurs familles qu’il existe un moyen de se battre devant les tribunaux. La plupart acceptent de la voir agir en leur nom et la jeune mère poursuit les auteurs d’attentats devant les tribunaux.
« Certains ont accepté parce qu’ils avaient besoin d’argent, des enfants qui avaient perdu leurs parents, quelqu’un dont le conjoint avait été tué. C’était vital pour eux. D’autres ne voulaient pas d’argent – qu’ils considéraient comme le prix du sang – mais souhaitaient punir les organisations terroristes. »
Son premier cas est l’infâme lynchage de soldats israéliens, à Ramallah, en octobre 2000, orchestré par des policiers palestiniens. Près de 15 ans plus tard, cette affaire n’a toujours pas été réglée.
Elle n’a aucun scrupule à engager des actions contre les ennemis d’Israël, même si bien souvent, le gouvernement israélien lui-même, pour des raisons politiques ou diplomatiques, n’est pas disposé à poursuivre ouvertement ces affaires.
Le scandale de la Banque de Chine
Certaines ont fait du bruit car elles allaient à l’encontre de la ligne gouvernementale. Par exemple, récemment, le procès contre la Banque de Chine. Celle-ci est poursuivie, aux Etats-Unis, par les victimes d’attentats commis contre des cibles israéliennes, par des organisations terroristes qui ont obtenu des fonds transférés par l’établissement bancaire chinois.
Bien que les dossiers d’origine contenant des informations détaillées sur les malversations de la Banque de Chine lui aient été transmis par des fonctionnaires israéliens, en 2008, Darshan-Leitner ne se fait pas d’illusions. Il est peu probable que le gouvernement aille jusqu’au bout dans cette affaire. « Il leur est déjà arrivé de reculer lors de poursuites antérieures », se souvient-elle. « Vous savez, les intérêts de l’Etat peuvent varier avec le temps. Parfois, l’Autorité palestinienne est leur ennemi, parfois leur allié. Parfois, Arafat est persona non grata, parfois c’est la seule personne avec qui l’on peut négocier. »
Avec une équipe d’avocats américains, Shourat Hadin avait réuni des arguments convaincants contre la Banque de Chine, avec de nombreuses ramifications. La déposition d’un haut responsable israélien, appelé à la barre à New York, devait surtout apporter un témoignage accablant. Mais, de but en blanc, le témoin s’est vu refuser l’autorisation de témoigner pour de pseudo-raisons de « sécurité nationale » (comme par hasard juste avant le voyage officiel du Premier ministre, Benjamin Netanyahou, en Chine). La décision a fait scandale car l’affaire devait permettre de frapper un grand coup contre le financement du terrorisme international.
« Le procès contre la Banque de Chine va totalement dans le sens des préoccupations sécuritaires, de la lutte contre le terrorisme. Le but est de bloquer l’argent qui transite par la banque chinoise », explique Darshan-Leitner. « Et même si certains politiciens au gouvernement veulent faire obstruction sous prétexte qu’il est aujourd’hui de bon ton d’être prochinois, je ne suis pas d’accord. D’abord parce que je sais que les services de sécurité sont derrière moi. Nous avons lancé cette affaire pour de bonnes raisons et nous devons aller jusqu’au bout. »
« Honnêtement, je ne sais pas quel poids on peut accorder à ce voyage en Chine. Tout cela s’est passé sans nous consulter. Cela aurait pu se faire de manière à servir la lutte contre le terrorisme, sans compromettre les nouveaux intérêts diplomatiques israélo-chinois. »
« Quand je me lance dans une affaire, je ne peux pas laisser tomber, changer ou abandonner les victimes, simplement parce que la Chine est devenue soudain l’amie d’Israël », explique-t-elle, visiblement frustrée par une situation qui a également bouleversé beaucoup de monde aux Etats-Unis.
« La juge elle-même voulait entendre l’affaire commencée en 2008. Le témoin lui-même voulait témoigner. On ne peut pas abandonner les victimes. On ne peut pas laisser la Chine s’en tirer sans payer. »
Les milliards de l’Iran
Quelques jours après cette discussion et à la veille de l’ouverture du procès contre l’Autorité palestinienne à New York, Netanyahou était sur la scène de l’assassinat de quatre juifs devant l’Hypercacher de Vincennes. « Si le monde ne s’unit pas maintenant contre le terrorisme », déclarait-il, « les coups portés par le terrorisme ici vont augmenter d’une ampleur difficilement concevable ».
Un aspect non négligeable de l’affaire qui a tant secoué la République populaire de Chine, mais aussi certains hauts responsables israéliens, selon Darshan-Leitner, c’est que malgré les révélations de transfert de fonds à des groupes terroristes islamistes, en toute connaissance de cause, un changeur de monnaie de Cisjordanie a été inculpé en 2012 pour virement d’argent à Gaza, via la même Banque de Chine.
« Cela ne leur a manifestement pas servi de leçon », déclare-t-elle.
« Je pense qu’après cet épisode, Israël ne permettra plus à quiconque de témoigner dans de telles affaires », soupire Darshan-Leitner.
Alors, que faut-il en conclure quant au rôle très médiatisé d’Israël sur la ligne de front dans la guerre contre le terrorisme islamiste radical ?
« Cela signifie qu’Israël renonce à un outil très, très important dans la guerre contre le financement du terrorisme. C’est une grave erreur. Ce n’est pas seulement mon avis personnel, mais les agents de la sécurité avec qui je suis en contact l’affirment également. L’unité créée spécialement pour lutter contre le financement du terrorisme n’est plus active et cela aussi nuit à la lutte contre le terrorisme. »
Darshan-Leitner fait allusion à l’unité spéciale de renseignement Harpoon, mise en place par l’ancien chef du Mossad Meir Dagan. Elle espère que celle-ci sera relancée, après sa mise en sommeil il y a quelque temps. L’unité a pu accomplir ce que ni l’armée israélienne ni les services de sécurité ne pouvaient faire, en utilisant les poursuites et la menace de poursuites pour atteindre leurs objectifs.
Par exemple, quand la Deutsche Bank a sciemment tenu un compte bancaire d’un milliard de dollars au profit de la Banque centrale d’Iran, avant que des sanctions financières soient prises contre Téhéran. L’unité Harpoon soupçonnait cet argent d’être utilisé pour le financement de divers groupes terroristes soutenus par l’Iran. Elle a donc demandé à la Deutsche Bank de fermer le compte. Celle-ci a refusé.
Harpoon est alors retourné à la banque allemande et leur a expliqué qu’il y avait des avocats, avec des jugements de centaines de millions de dollars contre l’Iran, désireux de poursuivre les banques qui détiennent des fonds pour le compte de Téhéran. La Deutsche Bank a reconsidéré la question en toute hâte et fermé le compte iranien en moins d’un mois.
« Cela ne fait aucun doute : la menace juridique est un outil vraiment efficace », explique Darshan-Leitner.
L’erreur fatale d’Abbas
L’affaire contre l’Arab Bank de Jordanie est un autre procès retentissant que Shourat Hadin entend mener à bien, en collaboration avec ses collègues américains. Même si, une fois de plus, cela semble hérisser le poil de politiciens réticents à tout changement de statu quo entre Israël, la Jordanie et les Etats-Unis.
Le cas tourne autour de transferts de fonds gérés par l’Arab Bank, pour financer des attaques terroristes mortelles, qui ont fait de nombreuses victimes, israéliennes et américaines. Pour certains observateurs, si l’Arab Bank est reconnue coupable, les répercussions pourraient entraîner l’effondrement de l’économie jordanienne et compromettre la coopération américano-jordanienne en matière de sécurité, ainsi que l’accord de paix entre Israël et la Jordanie.
Les dernières poursuites de Darshan-Leitner visent le chef du Hamas, Khaled Mashaal, accusé de crimes de guerre pour l’exécution de 39 Palestiniens au cours de la récente guerre à Gaza.
Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne, est également dans le collimateur de l’infatigable avocate. Avec trois autres proéminentes figures du Fatah, il a été cité à comparaître pour avoir supervisé le lancement aveugle de roquettes contre des civils israéliens.
Quant à la demande d’adhésion de l’AP à la Cour internationale de justice, Darshan-Leitner estime qu’il s’agit d’une grave erreur tactique. « Abbas sait qu’il a tout à perdre en s’engageant dans cette voie, mais il n’en a cure tant qu’il entraîne les autres dans sa chute. Il croit pouvoir obtenir davantage en siégeant à la Cour de justice et en accusant Israël de crimes de guerre que par la voie de la négociation. C’est une erreur fatale. »
Dans le sillage des récents attentats parisiens, Darshan-Leitner pense-t-elle que l’Europe a enfin ouvert les yeux ? Comprend-elle désormais la teneur de son combat pour couper les lignes d’approvisionnement financier des organisations terroristes ?
Sa réponse fuse sans la moindre hésitation. « Quand l’Amérique a-t-elle entamé ouvertement sa lutte contre le terrorisme ? Seulement après le 11 septembre. Malheureusement, l’Europe n’a pas encore subi d’attaque terroriste assez importante. Aux Etats-Unis, le World Trade Center avait été par deux fois la cible d’attentats avant le 11 septembre, et il y avait déjà eu plusieurs attaques terroristes ici et là auparavant. Mais c’est seulement après le 11 septembre que la réalité de la lutte contre le terrorisme a fini par frapper. »
Pour enfoncer le clou, conclut-elle, « actuellement, si vous voulez faire valoir votre opinion contre l’Iran ou la Syrie en Europe, vous rencontrerez encore porte close ».
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