Malgré quelques revers, l’Etat islamique se porte bien

Rien ne semble remettre en question l’existence future de l’Etat islamique : ni les Kurdes, ni l’armée irakienne, ni les frappes aériennes américaines.

Malgré quelques revers, l’Etat islamique se porte bien (photo credit: REUTERS)
Malgré quelques revers, l’Etat islamique se porte bien
(photo credit: REUTERS)
La brutalité sauvage de l’Etat islamique (EI) est apparue une fois de plus au grand jour avec l’assassinat de Steven Sotloff. Le journaliste israélo-américain, enlevé il y a un an à Alep, en Syrie, a été égorgé en « représailles » aux bombardements américains sur sa zone de contrôle en Irak, selon les déclarations du groupe terroriste.
Mais si l’EI reste quasiment sans rival dans le domaine de la cruauté, les événements sur le terrain en Irak et, dans une moindre mesure en Syrie, indiquent en revanche ses limites sur le plan militaire. Cependant, pour le moment du moins, ces revers tactiques ne remettent pas sérieusement en cause l’existence future de l’Etat islamique.
Avance et recul djihadiste
Début août, l’EI effectue une percée notable en Irak, lors d’une offensive éclair qui l’amène à 45 km de la capitale kurde d’Erbil, après avoir conquis la ville de Mossoul et son barrage, fournisseur en eau et électricité pour le Nord du pays et la capitale. Les combattants islamistes humilient l’armée irakienne avec la prise de Mossoul et les forces Peshmerga kurdes dans la capture de la région montagneuse de Sinjar.
Ils continuent également à commettre des atrocités contre la population yézidie de la zone de Sinjar, et les chrétiens de la région de Mossoul, entraînant l’exode d’un grand nombre de réfugiés. Seules les frappes aériennes de l’armée de l’air américaine, à partir du 8 août, ont permis d’empêcher la chute d’Erbil.
L’Etat islamique reste cependant déployé près de la capitale kurde. Un reporter a visité, la semaine dernière, l’une des positions de première ligne des Peshmerga kurdes, à Khazer, au Nord-Ouest d’Erbil. Les lignes tout autour de la ville sont étrangement calmes pour le moment.
L’EI sait en effet que, s’il tente de parcourir le terrain nu et plat en direction de la ville, la réponse de l’aviation américaine ne se fera pas attendre, rapide et féroce. Avec pour résultat l’effacement de la force djihadiste.
L’arrêt de l’avance djihadiste vers Erbil témoigne de la puissance des armes américaines, quand celles-ci sont dirigées par une volonté et un objectif clair.
Les Etats-Unis se sont également engagés, en coopération avec les Peshmergas, les milices chiites et l’armée irakienne, à freiner les progrès de l’Etat islamiste dans l’Ouest irakien.
Cette semaine, le siège de la ville d’Amerli a été levé par les milices irakiennes et chiites, ouvrant la voie à la reconquête de la province de Salahuddin. L’avance a été précédée par des frappes aériennes américaines sur les positions de l’EI dans la ville.
Les Peshmerga ont également connu quelques succès. Le barrage stratégique de Mossoul a été repris fin août, dans une opération conjointe avec les forces irakiennes. Cette semaine, la ville de Zumar a été reconquise.
Les forces d’opérations spéciales américaines semblent, de plus, être également engagées dans les combats en Irak. Leur rôle précis n’est pas très clair, mais leur présence a sans aucun doute contribué à la progression relativement importante des forces irakiennes et kurdes de ces derniers jours.
Question de volonté
Tout tend à prouver que les tactiques de l’Etat islamique – elles lui ont permis d’accomplir des progrès rapides en Irak au cours de l’été – sont de moindre effet quand il s’agit de défendre des positions contre un agresseur déterminé. Les djihadistes possèdent une infanterie rapide, mobile et légère et utilisent la terreur pour faire pression sur les populations. Leur main-d’œuvre est cependant limitée et leurs capacités tactiques ne sont pas particulièrement originales en matière de défense, en dehors de la volonté des combattants prêts à sacrifier leur vie.
Plus à l’Ouest, en Syrie, quand les combattants islamistes se sont retrouvés face à la milice kurde YPG, hypermotivée et déterminée, ils n’ont pas réussi à gagner du terrain. Dans la province de Hasakeh, et plus à l’Ouest dans l’enclave de Kobani assiégée, les combattants YPG, légèrement armés mais très motivés et bien entraînés, ont réussi à arrêter les djihadistes (malgré de lourdes pertes côté kurde). Et ce, en dépit du déploiement de systèmes d’armes américains capturés à Mossoul, utilisés par l’EI contre les Kurdes à Kobani. L’enclave est restée intacte.
L’Etat islamique n’est donc pas invulnérable. Son existence n’est néanmoins pas menacée pour le moment. Et ceci pour des raisons stratégiques et non pas tactiques.
Ceux qui voudraient détruire l’Etat islamique ne le peuvent pas, et ceux qui le pourraient ne le souhaitent pas.
Les frappes aériennes peuvent s’avérer utiles pour permettre aux forces irakiennes et aux Peshmerga de grignoter les limites orientales du territoire de l’Etat islamique en Irak. Mais la force aérienne seule ne peut pas éradiquer les djihadistes de leurs bastions syriens, ou même de leurs conquêtes irakiennes dans leur ensemble. Seules des forces terrestres seraient en mesure d’y parvenir.
L’armée d’Assad aimerait certainement réunir l’Est de la Syrie au reste du pays. Mais les forces du président syrien ont perdu du terrain face à l’EI dans la province de Raqqa, avec la dernière défaite qui a vu la chute de la base aérienne de Tabqa et le massacre de sa garnison.
L’armée irakienne et ses alliés des milices chiites aimeraient également reconquérir les territoires perdus au profit de l’Etat islamique, mais rien ne laisse croire que leurs troupes possèdent actuellement la capacité offensive d’y parvenir. Les Iraniens cherchent probablement à transformer ces forces, de manière similaire à ce qui s’est passé avec les combattants d’al-Assad fin 2012-début 2013. Encore une fois, l’influence des chiites irakiens ne concerne que l’Irak. Mais le cœur de l’Etat islamique reste en Syrie.
Survie assurée ?
Les Etats-Unis n’ont pas de stratégie apparente vis-à-vis de l’EI, si ce n’est de placer des limites claires et infranchissables avant Erbil et Bagdad, et de soutenir l’armée irakienne et les Kurdes. Et la Syrie demeure largement en dehors de son terrain d’action, apparemment, en dépit de la nature de plus en plus fictive de la frontière entre l’Irak et le pays situé à l’Ouest de celui-ci.
Il n’existe pas de volonté politique pour l’engagement de forces occidentales nécessaire à l’anéantissement de l’Etat islamique. Quant aux Kurdes (YPG ou Peshmerga confondus), leur unique intérêt est de défendre et maintenir leurs propres territoires sous leur contrôle, et non pas de se lancer dans des opérations offensives.
Cela signifie que, malgré les revers subis récemment, la survie de l’Etat islamique ne semble pas actuellement remise en question. L’Etat islamique existera jusqu’à ce que quelqu’un ait la capacité et la volonté de le détruire. Et cela ne semble pas être pour demain.
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