Reprise des négociations : le coeur y est-il ?

Après d’intenses efforts américains, les négociations israélo-palestiniennes doivent reprendre cette semaine. Pourront-elles réussir alors que le pessimisme domine ?

P4 JFR 370 (photo credit: Lior  Mizrahi / Reuters)
P4 JFR 370
(photo credit: Lior Mizrahi / Reuters)

Retour en arrière. Le 1er septembre 2010, le président américainBarack Obama, le Premier ministre Binyamin Netanyahou, le président del’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, le président égyptien d’alors HosniMoubarak et le roi de Jordanie Abdullah II étaient réunis dans la roseraie dela Maison Blanche pour annoncer le retour à des pourparlers directs entreIsraéliens et Palestiniens, pour la première fois en 2 ans.
Obama avait alorsdéfini le rôle que s’assignaient les Américains : « Nous serons un participantactif et assidu. Nous soutiendrons ceux qui sauront faire des choix difficilesau nom de la paix. Mais, soyons clairs : les Etats-Unis ne peuvent pas imposerune solution. Nous ne pouvons pas vouloir cette paix davantage que les partieselles-mêmes ». Clairement énoncée, cette idée était déjà partagée par lesadministrations Bush et Clinton : en dépit de toute sa bonne volonté,Washington ne saurait forcer Israéliens et Palestiniens à signer un traité depaix. 
L’actuel secrétaire d’Etat John Kerry semble, lui, d’un autre avis. Pourlui, pas de refus qui tienne. Les deux camps vont devoir se parler, même s’ilsne le souhaitent pas eux-mêmes. Ce qui semble être le cas. A Jérusalem,d’éminents membres de la coalition, tels que HaBayit HaYehoudi, des ministresdu Likoud, et Israël Beiteinou, ne cachent pas leur opposition à la créationd’un Etat palestinien. Du côté de Ramallah, des responsables de l’OLP et duFatah se réunissaient jeudi 18 juillet, veille de l’annonce officielle dereprise, pour décliner le plan de Kerry. Mais le diplomate ne se l’est pas tenupour dit. Avec force de colère et de soupirs, il a réussi à ramener lesPalestiniens à la table des négociations, vendredi. Et la communautéinternationale d’applaudir. 
Questions sans réponse
Reste aujourd’hui à savoirs’il est bon, ou même utile, de forcer les parties à faire un pas qu’elles nesouhaitent pas, ou pour lequel elles ne sont pas prêtes. Ici encore, l’Histoirenous éclaire. Robert Malley, était présent du côté américain lors du fiasco dusommet de Camp David, en juillet 2000. Sommet au cours duquel il est clairementapparu que l’offre la plus généreuse du Premier ministre de gauche d’alors,Ehoud Barak, n’avait su satisfaire les exigences minimales du chef de l’AP del’époque, Yasser Arafat. 
L’année suivante, Malley a corédigé un essai,aujourd’hui célèbre, s’attelant à réfuter l’idée répandue selon laquelle Arafatétait responsable de l’échec de Camp David. Selon lui, Clinton et Barak sontégalement à blâmer pour des erreurs tactiques. Comme celle d’imposer le sommetà Arafat alors qu’il n’en voulait pas. « Le 15 juin », écrit Malley, « lors desa dernière entrevue avec Clinton, Arafat s’était montré clair : lesnégociations n’avaient pas avancé, Barak n’avait pas appliqué les accords préliminaireset détenait toutes les cartes en main. Il déclara donc à la secrétaire d’EtatMadeleine Albright que le sommet n’aurait pour résultat que de tout faireexploser au visage du président. Mais si le sommet n’avait pas lieu, ilresterait au moins de l’espoir. Le sommet est notre dernier espoir, voulez-vousvraiment le détruire ? s’était exclamé Arafat ». Et le diplomate de conclure :« Au bout du compte, Arafat s’est rendu à Camp David, afin de ne pas s’attirerles foudres américaines. Mais dans l’optique d’y survivre et non d’enbénéficier ». 
Et si les deux camps n’étaient pas prêts ? 
Aux yeux de beaucoup,c’est l’échec de Camp David qui a entraîné la seconde intifada. Aujourd’hui, enobservant les efforts de Kerry, on ne peut s’empêcher de penser, en particulieraprès que l’OLP ait commencé par dire non, que comme Arafat avant lui, Abbass’y rendra surtout pour ne pas provoquer la colère des Américains. Mais alors,quelle suite espérer ? Que se passera-t-il lorsque les délégations réuniesautour de la table se cogneront-elles inévitablement au mur invisible qui lesempêche de progresser depuis des années ? Et si le type d’Etat que Netanyahouest disposé à accorder aux Palestiniens – démilitarisé, privé des blocsd’implantations, foyer unique de tous les réfugiés et leurs descendants, avecun contrôle israélien sur le Kotel et une présence israélienne le long duJourdain – n’est pas le type d’Etat que les Palestiniens sont prêts à accepter? Et si les pourparlers échouaient de nouveau ? Comme l’avait dit Arafat àAlbright : « S’il n’y a pas de sommet, il reste au moins de l’espoir ». End’autres termes : il vaut mieux parfois ne pas poser les questions dont onredoute les réponses. Et si en réalité, pour une infinité de raisons allant desbouleversements régionaux au dédoublement de l’entité palestinienne (Fatah vs.Hamas), en passant par la barre à droite du gouvernement israélien, lesconditions n’étaient actuellement pas réunies pour atteindre un accorddéfinitif ? En avril 2002, un autre Américain, Dennis Ross, négociateur en chefà Camp David, était interrogé par la chaîne Fox News sur les raisons qui ont, àses yeux, poussé au refus d’Arafat. Le diplomate de répondre : « Je crois quefondamentalement Arafat ne peut pas mettre un terme au conflit. Car toute savie, il s’est engagé dans la lutte, au service d’une cause. Pour lui, mettre unterme au conflit, c’est en réalité mettre un terme à ce qu’il est », concluaitRoss. Des propos qui valent tout autant, quoique dans une moindre mesure, pourAbbas aujourd’hui. A 78 ans, souhaite-il être retenu par l’Histoire comme ledirigeant palestinien qui aura mis un point final aux aspirations maximalistesdes Palestiniens, y compris le droit des réfugiés et de leurs descendants derevenir dans l’Israël d’avant 1967 ? Et quand bien même il le voudrait, sonpeuple, dont le Hamas compose près de la moitié, le souhaite-il aussi ? Alorsque tout le monde traîne des pieds, Kerry est applaudi dans le monde entierpour avoir réussi à ramener les parties autour de la table. Mais ce qui est bonpour les Etats-Unis et leur statut régional l’est-il autant pour les Israélienset Palestiniens ? Réponse dans les mois à venir.