Quand le foot s’invite dans les quartiers

Elle s’appelle la “Ligue des quartiers”. Créée par le jeune club de football Hapoel Katamon, l’initiative combine depuis trois ans, activité sportive et accompagnement scolaire, pour plusieurs centaines de jeunes de Jérusalem

Ligue des Quartiers est vite devenue un projet de coexistenc (photo credit: © DR)
Ligue des Quartiers est vite devenue un projet de coexistenc
(photo credit: © DR)

C’est par désespoir que les fans de Hapoel Jerusalem ont décidé de fonder un deuxièmeclub de football en 2007. La mauvaise gestion de l’équipe par ses deuxpropriétaires, Victor Yona et Yossi Sasi, avait fini par décevoirdéfinitivement les fans, désormais bien déterminés à fonder leur propre club,qui serait créé, géré et supervisé par eux. Ainsi, Hapoel Katamon Jérusalemétait né.

Mais il allait être soumis à rude épreuve, avec des hauts et des bas : commequand les membres du club ont décidé de tout reprendre à zéro une fois de plus,en 2009, histoire de faire évoluer le club en cinquième division, la LigueGuimel, pour avoir le plein contrôle de leurs destinées.
Depuis, l’équipe n’a cessé de progresser, notamment au cours des deux dernièressaisons. Si bien qu’actuellement, elle mène la Ligue Alef Darom, c’est-à-direla 3e division d’Israël.
Certes les performances actuelles de Katamon laissent encore à désirer, et saposition dans les classements israéliens peut s’améliorer. Mais c’est surtouthors du terrain que Katamon montre sa différence.
Car son objectif a toujours été d’être plus qu’un club de football.
Son but principal : aider la communauté et contribuer au bien-être de la ville.
Une de ses initiatives est particulièrement porteuse d’espoir : la Ligue desQuartiers. Initiée il y a 3 ans, elle a pour mission d’encadrer des jeunes de10 à 12 ans de la capitale. En particulier ceux issus des quartiers difficiles,souffrant parfois de précarité et d’exclusion sociale.
A présent quelque 360 jeunes - filles ou garçons - de douze quartiers deJérusalem composent les 24 équipes de la Ligue.
Deux fois par semaine ont lieu les entraînements.
Mais hormis cela, ces adolescents bénéficient d’un suivi soutenu dans descentres éducatifs, pour les aider tout au long de leur scolarité et leur donnerdes perspectives universitaires.
Une fois par mois, un tournoi est organisé avec toutes les équipes. L’occasionpour ces jeunes de faire de nouvelles rencontres et de nouer des amitiésau-delà de leur périmètre de résidence. Autre caractéristique : la “Ligue desQuartiers” est gérée par plus de 25 volontaires, dont la plupart ont unevingtaine d’années.
Le pouvoir du ballon rond

 L’homme qui se tient derrière tout cela, n’est autre queLiran Gerassi, 26 ans. C’est lui qui a eu l’idée de lancer ce projet et c’estaussi lui qui se charge d’en faire la promotion et de chercher des soutiens.

Une activité qu’il mène en parallèle de ses études à l’Université hébraïque,dans le domaine de la gestion d’associations à but non-lucratif.
“Au départ, j’étais censé fonder une unité pour jeunes au sein de Katamon. Maiscela n’a pas marché, en raison de problèmes logistiques.
Si bien que j’ai décidé de lancer un programme social, permettant l’accès à desjeunes de toute la ville”, explique Gerassi. “Jamais je n’avais pensé que celaatteindrait de telles proportions. Je suis vraiment heureux de constater lesuccès de cette initiative : nous avons fondé un petit empire du football grâceà de nombreuses personnes très compétentes”.
La “Ligue des Quartiers” survit grâce aux soutiens de généreux donateurs. LeFonds de Jérusalem, la société d’investissement Marathonet la Compagnie d’Assurances Hachshara assument la majorité du financement dela ligue. Puis l’an dernier, le Nouveau Fonds pour Israël a ajouté l’initiativede Gerassi à la liste de ses nombreux projets dans le cadre de la campagne“Faire sortir le racisme du terrain de football”.
Et depuis 2011, la ligue a aussi travaillé en coopération avec la Fondation duFC Barcelona,l’entité en charge des projets sociaux du club titan du football. Fruit decette coopération, 30 jeunes ont ainsi pu passer une semaine en Espagne l’annéedernière. Invités à Barcelone, ils devraient être les premiers d’une longuesérie, puisque le projet de collaboration est appelé à se développer cesprochaines années.
“Notre ambition est d’étendre la Ligue à la fois à d’autres zones géographiquesmais aussi à d’autres classes d’âge”, explique Gerassi. “Au départ, le projetn’était pas censé encourager la coexistence. Il s’agissait de lancer uneinitiative centrée sur le sport, le bien-être et l’éducation. Nous avonscommencé par mettre sur pied des équipes à travers la capitale, et parmi les quartiersqui nous tenaient à coeur, il y avait Shouafat, peuplé en majorité d’Arabes.Puis au fil du temps, de plus en plus de quartiers de Jérusalem-est ont euxaussi voulu avoir leur propre équipe, comme Kafr Akab ou Beit Safafa. Au final,la Ligue est devenue un projet visant à faciliter la cohabitation entre Juifset Arabes.
Ce n’était pas prévu au départ, mais nous nous en réjouissons.”
Pas seulement une histoire de buts

 Autre personne surprise par l’ampleur qu’a prise le projet :le président de Katamon, Ouri Sheradsky. Très satisfait de la tournure desévénements, il est aussi conscient de voir autant de jeunes arborer lescouleurs du club.

“Jamais je n’aurais pu espérer un tel succès. L’idée est très simple, maisapparemment, il y avait un réel besoin”, souligne-t-il. “Pour un petit clubsans ressources comme Katamon, c’est excellent de voir ces quelque 500 jeunesprendre part à ses différents programmes.
C’est tout bénéfices pour le club, dans la mesure où cela étoffe le nombre desupporters”.
La plupart des volontaires, tous des fans de Katamon, ont été enrôlés par desamis.
L’une d’entre eux : Adir Schwartz, 18 ans, qui a fondé la ligue des filles. Endernière année de lycée, et président du conseil des étudiants de Jérusalem, cejeune scout qui travaille en soirée pour se faire un peu d’argent de poche,trouve encore le temps de consacrer quelque 20 heures par semaine à la Liguedes Quartiers.
“Il y a du temps pour tout”, explique le jeune homme. “Plus on fait de choses,plus on a d’énergie. Faire le bien pour d’autres permet de se sentir biensoi-même”.
D’ici peu, Adir quittera la Ligue pour passer une année à la Yeshiva de MaalehGilboa, avant d’intégrer une unité de combattant dans Tsahal. Il espère queGerassi n’aura pas trop de mal à lui trouver un remplaçant, d’ici là il profitepleinement de ses dernières semaines au sein de cette initiative, née de rienvoilà trois ans pour devenir une vraie source d’inspiration.
“Le football ce n’est pas tant le but, que les moyens”, explique Adir en plaisantant.
“L’objectif du projet n’est pas seulement de permettre aux filles de jouer aufootball, mais surtout de leur donner l’occasion de rencontrer d’autresadolescentes qu’elles n’auraient probablement jamais connues sans cela. Nousleur donnons la possibilité d’élargir leurs horizons, et rien ne donne plus desatisfaction que de voir les sourires naître sur leurs visages. C’est çal’important dans la vie !”