Le prestige français au service de l’excellence israélienn

L’ambassade de France et l’Institut français de Tel-Aviv recevaient, vendredi 21 février, dix des plus prestigieuses grandes écoles de commerce et de management françaises. But affiché : attirer les meilleurs éléments israéliens

Représentants des Grandes Ecoles réunis à Tel Aviv (photo credit: ANTOINE REGEARD)
Représentants des Grandes Ecoles réunis à Tel Aviv
(photo credit: ANTOINE REGEARD)

Direction l’Hexagone. L’objectif de cette journée d’information était de proposer aux étudiants israéliens et franco-israéliens des opportunités de cursus universitaires en France au sein de dix grandes écoles de commerce et de management françaises classées parmi les meilleures au monde : HEC, Sciences Po Paris, ESCP Europe, EM-Lyon, EDHEC Business School, Audencia, Ecole de management de Grenoble, Toulouse Business School, ESC Montpellier et ESC Troyes.

Pour la première fois, ces établissements ont choisi de se déplacer en Israël pour proposer leurs programmes d’études et les bénéfices d’une expérience universitaire en France. Aujourd’hui, la plupart de ces étudiants choisissent en effet de partir étudier aux Etats-Unis ou dans d’autres pays européens comme l’Allemagne ou l’Italie, par manque d’information sur les programmes universitaires existants et parce qu’ils pensent que la maîtrise du français est obligatoire. Ces étudiants israéliens sont, par ailleurs, particulièrement appréciés pour leur goût de l’innovation et leur vision différente du monde du travail après leur passage à l’armée.
Avec un budget de 23 milliards d’euros consacré à l’enseignement supérieur, l’Hexagone présente des atouts incontestables pour attirer les étudiants étrangers dans ses programmes universitaires : la qualité des ressources mises à disposition, la diversité des cursus possibles, la place de la France au sein de l’Europe avec, dans chacune de ces écoles, des coopérations existantes avec ses voisins européens.
Les Israéliens ont la « culture business »
Au cours de cette journée d’information, les étudiants ont pu, dans un premier temps, assister à une présentation du système académique français et du rôle de Campus France, l’agence nationale pour la promotion de l’enseignement supérieur français à l’étranger. Les écoles de commerce et de management ont ensuite présenté leur programme, et eu un échange avec des étudiants israéliens ayant poursuivi leurs études en France. Enfin, les écoles présentes ont proposé aux étudiants intéressés un pré-entretien de recrutement.
Parmi elles, HEC Paris (Ecole des hautes études commerciales), sacrée 1re école de commerce d’Europe d’après le classement 2013 du Financial Times. Philippe Oster, directeur de la Communication, du Développement et des Admissions, est venu défendre les couleurs de son établissement. Il espère recruter, d’ici la rentrée prochaine, cinq des meilleurs éléments israéliens pour le programme MBA. « Ce qu’on aime chez les étudiants israéliens, c’est leur ouverture à l’international, leur potentiel en termes de leadership qu’ils acquièrent au cours de leur service militaire, leur esprit d’entreprenariat et leur capacité à exploiter les réseaux », explique-t-il.
Une vision partagée par Jonathan Winterton, directeur des affaires internationales pour la Business School Toulouse : « Les Israéliens ont un très bon niveau d’anglais et sont très flexibles. Nous avons un gros retard à rattraper avec eux ».
Un constat également revendiqué par le représentant de Sciences Po Paris, Guillaume Sarrat de Tramezaigues : « Les Israéliens ont vraiment ce qu’on appelle la “culture business”. Ils ont un bon état d’esprit, ils sont en général très malins, même si ce ne sont pas les plus bosseurs. Mais malheureusement peu viennent en France, la plupart préfèrent partir vers les Etats-Unis. On a perdu beaucoup d’attractivité dans le passé, car la France s’est mise trop tard à l’anglais, et surtout parce que les Israéliens ont une très forte culture du MBA. C’est d’autant plus dommage que ces étudiants sont géographiquement et culturellement proche des Européens, et que la communauté juive française facilite leur intégration une fois sur place. »
Cherche esprit critique à la française
Le sujet du boycott n’est pas présent dans les discussions, l’hostilité à l’égard de l’Etat juif n’ayant pas sa place dans cette réunion. Un statu quo accepté par l’envoyé de ESC Montpellier, Olivier Guyottot : « Je me suis posé la question des retombées négatives potentielles après un partenariat avec Israël. Il ne faut pas penser noir et blanc, surtout pour l’éducation supérieure. Si les grandes écoles n’établissent pas de contacts avec l’Etat hébreu, qui va le faire ? Il y a des gens sympas et tolérants ici, il ne faut pas stigmatiser ce pays, surtout à cause d’une minorité d’excités. C’est presque notre mission, il faut être dépolitisé. Mais il est vrai que je suis pressé de voir ce que vont penser nos partenaires du Maghreb d’un tel partenariat. » Une situation qui relève de l’évidence pour Jonathan Winterton : « Il est de notre devoir de travailler avec une démocratie. Et puis nous ne travaillons qu’avec des gens intelligents, donc nous n’avons aucun problème venant de nos associés au Moyen-Orient ».
Du côté des étudiants, l’enthousiasme semble au rendez-vous, le prestige français étant une donnée reconnue par l’ensemble des participants. Comme le déclare ouvertement cette jeune lycéenne israélienne d’origine ukrainienne : « Le niveau des enseignants du lycée en Israël est trop faible, le niveau moyen de l’éducation ici est particulièrement bas. Ça donne une bonne raison de privilégier l’excellence française. ». Même son de cloche chez Saher Zoabi, jeune étudiant arabo-israélien de 17 ans, scolarisé au lycée français de Jérusalem : « Les études en France sont moins chères qu’aux Etats-Unis, et les profs sont vraiment mieux qualifiés qu’en Israël, où le niveau de la culture générale est relativement faible. Le système est moins efficace ici, il y a moins de contrôles… c’est mal organisé. Le système français insiste beaucoup sur l’esprit critique, c’est excellent, alors que la méthode israélienne se résout à réciter un programme défini. Mais je dois avouer que je reste plus motivé par des pays comme l’Allemagne ou l’Angleterre. On verra… »
On note que les jeunes franco-israéliens, à qui s’adressait en priorité cette journée, ne seront que peu nombreux à s’être déplacés. Peut-être parce qu’ils connaissent déjà bien le système français et cherchent au contraire à s’intégrer encore davantage en Israël en privilégiant un établissement local ? Quoi qu’il en soit, pour tous ceux qui feront le choix hexagonal, l’obstacle financier devrait être moindre que pour un cursus équivalent dans les pays anglo-saxons. Le 20 février, un accord a été signé entre HEC Paris et l’ambassade de France pour mettre en place un système de bourses destinées à donner un « coup de pouce » financier à deux candidats israéliens. La bourse couvrira la moitié des frais de scolarité du MBA qui s’élèvent à 48 000 euros pour 16 mois de scolarité… Le prix de l’excellence.