Ces étrangers parmi nous

Israël face à un dilemme déchirant : compassion ou survie ?

Adieux à l’aéroport  (photo credit: Reuters)
Adieux à l’aéroport
(photo credit: Reuters)

J’ai presquehonte de l’admettre, mais j’appréhende le départ des demandeurs d’asileafricains avec un égal mélange de chagrin et de soulagement. Chagrin parce quevoir un réfugié en quête de vie meilleure emprisonné et déporté contredit lesvaleurs profondément ancrées à l’intérieur de chaque Juif. Et soulagement parceque, franchement, cette situation complexe dépasse ce qu’Israël et ses citoyenspeuvent supporter.

Tout a commencé il y a six ans, lorsque des réfugiés d’un Soudan déchiré par laguerre et d’une Érythrée frappée de pauvreté ont entrepris, dans un geste dedésespoir, de traverser le Sinaï pour échapper aux horreurs de leur paysd’origine. Exploités, violés et parfois assassinés par des Bédouins faisantcommerce de leurs organes, les Africains qui parvenaient vivants trouvaientenfin une oreille attentive en Israël.
Comment aurait-il pu en être autrement ? Dans ce pays où vivent le nombre leplus important de survivants de la Shoah, qui a accueilli et intégré des millionsde réfugiés fuyant l’oppression. C’est peut-être pour cela que tandis que lesgardes-frontières égyptiens tiraient pour tuer, nous, les Israéliens,installions des camps aux frontières, pour fournir abri et soins médicaux auxdemandeurs d’asile, qui, après un bref interrogatoire, montaient dans un bus endirection du parc Levinsky de Tel-Aviv, où ils étaient enfin libres.
Aujourd’hui, six ans plus tard, ce filet d’eau est devenu une inondation, lenombre annuel de demandeurs d’asile (surnommés “infiltrés”) doublant, triplantet quadruplant, de moins de 3 000 par an en 2006 à près de 1 000 par mois cetteannée. Le total cumulé égalera bientôt le nombre des candidats à l’aliya. Avectoute la compassion que nous pouvons éprouver, comment ne pas prendre consciencequ’à ce rythme, cet afflux changera radicalement le visage de l’Etat juif, etpour toujours.
La nature de la motivation de ces nouveaux arrivants a également contribué à cerenversement dans l’opinion.
Comme le Soudanais Omar l’a récemment déclaré à Lior Avni de Zman Hadarom : “Iln’y a pas de travail et aucune chance de vie meilleure [en Érythrée]. Israëlest beaucoup plus moderne. Il y a plus d’argent ici. La vie est plus belle.”
Tous ceux interrogés dans les centres de rétention aux frontières font écho.Une femme soudanaise a déclaré que son mari avait travaillé brièvement enEgypte pour 30 shekels par mois, soit une heure de travail en Israël. En Érythrée, tout ce qu’ils peuvent espérer gagner est l’équivalent de 120shekels par mois.
Tout serait donc une histoire d’argent. Les réfugiés qui franchissent avecsuccès la frontière sont de plus en plus nombreux. Et pour cause, la machineest bien huilée : les contrebandiers bédouins reçoivent désormais 3 000 dollarspar tête, somme envoyée par les réfugiés déjà installés en Israël.
L’étranger, malvenu en Israël ?

Problème : laconcentration de ces réfugiés dans certaines régions du pays nuit au quotidiendes Israéliens.

Si les statistiques montrent que les Africains ne sont pas davantage responsablesde crimes que les locaux, pour une femme seule le soir, croiser un grouped’hommes célibataires est une menace, quelles que soient leur nationalité ouleur couleur. A Ashdod, les femmes éviteraient carrément de sortir en soirée.Et le viol récent d’une écolière de quinze ans à Ashkelon par un Soudanais quia fait irruption dans la cour de son école, ainsi que le viol collectif d’unejeune femme près de l’ancienne gare d’autobus de Tel-Aviv par un grouped’Érythréens et de Soudanais, a indigné la population.
D’abord, les immigrants inondent le marché du logement locatif dans certainsquartiers clés, payent des sommes énormes aux propriétaires, puisqu’ils sont 20ou 30 à se partager le sol, ce qui rend impossible toute concurrence delocataires israéliens. Les salles de travail des hôpitaux comme Barzilai àAshkelon sont surpeuplées de femmes africaines, dont la plupart n’ont pas decouverture sociale, épuisant les ressources nationales.
Mais au-delà des problèmes ordinaires d’intégration de nouveaux résidents enquête d’aide au logement, au travail et aux soins médicaux, les Africainsprésentent une autre difficulté. Selon les derniers chiffres du Départementd’Etat américain, l’Érythrée, lieu d’origine de trois quarts des infiltrés enIsraël, est à présent à 50 % musulmane.
Compte tenu des données démographiques délicates de l’Etat juif, peut-onvraiment se permettre d’ajouter des milliers et des milliers de nouveauximmigrants, certains d’entre eux musulmans, originaires de pays comme leSoudan, qui considère Israël comme son ennemi ? Problème il y a. Aggravé parl’incompétence du gouvernement Netanyahou et son incapacité à prendre desdécisions.
Nos tentatives tardives de le résoudre n’ont pas apporté de solutions miracles.Eli Yishaï, ministre de l’Intérieur, Juif orthodoxe, a empiré la situation avecses commentaires racistes inflammatoires sur les demandeurs d’asile “tousimpliqués dans le crime et qui méritent d’être emprisonnés”, au motif qu’il estdéterminé à protéger la nature “juive” de l’État.
On aurait pu penser que le concept de compassion pour l’étranger défendu par laTorah aurait figuré quelque part dans sa rhétorique, mais non.
Tenter la voie diplomatique

Et pourtant, je serais hypocrite si je n’admettais pas mon soulagementdevant son initiative de ne pas prolonger le statut de résident temporaire desdemandeurs d’asile.Israël est tout simplement trop petit pour abriter tous les Africains en quêtede vie meilleure. Mais cela ne veut pas dire que cela ne nous touche pas.La décision de la Cour de district de Jérusalem contre les groupes des droitsde l’Homme opposés au plan d’expulsion de 1 500 citoyens du Sud-Soudan aenclenché le rouage.C’était là une décision raisonnable. Les choses ont changé radicalement cetteannée avec la création d’un nouveau pays pour ces réfugiés, un pays que mêmeles agences pour réfugiés de l’ONU admettent relativement en paix.Ce n’est pas que je n’ai aucune compassion pour les Erythréens. C’est faux.L’Érythrée est un pays désespérément pauvre, gouverné par un dictateur ignorantde toute notion des droits de l’Homme. Près de 1 000 Erythréens fuient le payschaque mois, bravant ses frontières minées avec l’Ethiopie et sa politique detirer-pour-tuer à l’égard des émigrants.Rassembler les Erythréens et les renvoyer à la merci du président IsaiasAfwerki est une perspective effrayante. Faire d’eux des citoyens israéliens et permettre à des centaines de milliers deles suivre est encore pire.Alors que doit-on faire ? Le député travailliste Isaac Herzog a formulé uneexcellente suggestion, soulignant qu’Israël, qui entretient des relationsdiplomatiques avec l’Érythrée, devrait pouvoir gérer le problème par la voiediplomatique. Je suis d’accord avec Herzog : laissez-nous négocier un traitéqui nous permettrait légalement d’employer des Érythréens pour un temps limité,qui seront ensuite accueillis chez eux munis de revenus.Voilà une suggestion humaine et juste. Mais si cela ne fonctionne pas,malheureusement, la question ne tolérera aucun retard supplémentaire. L’incompétence insondable de notre gouvernement à régler le problème aclairement monté l’opinion publique contre les demandeurs d’emploi et d’asile.La commission de la Knesset a approuvé une loi promettant amendes et peines deprison à ceux qui embaucheraient des demandeurs d’asile. La plupart d’entre euxont d’ores et déjà été licenciés, laissés sans ressources. Une maison louée àJérusalem par des Erythréens a été incendiée par des pyromanes, faisant quatreblessés. Des attaques similaires ont eu lieu à Tel-Aviv.Dans l’intervalle, Israël construit une barrière de 200 kilomètres le long dela frontière avec l’Egypte, peut-être la solution à long terme la plusraisonnable devant ce problème insoluble qui oppose nos cœurs à notre raison,notre histoire aux circonstances actuelles.