Cure de jeunesse pour villes défavorisées

Des conteneurs de transport maritime recyclés. Voilà avec quoi l’association Ayalim entend multiplier les logements pour étudiants en vue de ressusciter certaines villes de la périphérie d’Israël

Cure de jeunesse pour villes défavorisées (photo credit: MARC ISRAEL SELLEM)
Cure de jeunesse pour villes défavorisées
(photo credit: MARC ISRAEL SELLEM)
© Jerusalem Post Edition Française – Reproduction interdit

Au cœur d’un quartier défraîchi de Lod, un ensemble très coloré de blocs résidentiels est en train de prendre forme sur un terrain qui était autrefois une cour de récréation. « Sur le plan architectural, c’est assez drôle ! », commente Effy Rubin, l’un des fondateurs de l’association Ayalim. « On a l’impression de jouer avec des Lego. »

Il contemple l’immeuble de trois étages, constitué de conteneurs de transport maritime recyclés, qui a ouvert ses portes aux étudiants en ce début de semestre universitaire. Ce complexe bleu, rose et jaune fait partie du village d’étudiants de Lod, créé par l’association, qui a entrepris de transformer une ville réputée pour sa délinquance et ses problèmes de drogue en une oasis urbaine dynamique.
Depuis sa création par cinq jeunes Israéliens en 2002, l’association Ayalim œuvre à inciter les jeunes à venir peupler des villes en difficulté afin d’aider les habitants à sortir la tête de l’eau. Outre ce campus résidentiel de Lod, Ayalim a créé des villages estudiantins du Nord au Sud du pays, à Karmiel, Saint-Jean d’Acre, Menahemya, Kiryat Shmona, Yeroham, Ashalim, Ofakim, Yachini, Dimona, Arad, Beersheva et, bientôt, Sderot.
« Israël a longtemps été caractérisé par ses différences de niveau de développement d’un lieu à l’autre », explique Rubin. « La périphérie est moins peuplée et moins aisée que le centre du pays. Lod n’est pas à la périphérie sur le plan géographique, bien sûr, mais elle l’est sous de nombreux autres aspects. »
Ayalim s’est donné pour mission d’attirer de jeunes Israéliens éduqués vers des zones traditionnellement peu attractives, puis de leur faire tisser des liens chargés de sens qui les encourageront ensuite à s’installer dans ces localités.
Comme d’autres régions en difficulté, Lod tirera sans nul doute profit d’un afflux d’étudiants, qui lui permettra peut-être de se défaire de son image de royaume de la drogue et de la pauvreté, estime Rubin.
Confort moderne
Lod compte 70 000 habitants, dont 30 % d’Arabes. Parmi les jeunes déjà installés dans le village d’étudiants d’Ayalim ou sur le point d’y emménager, 10 % appartiennent à la communauté arabe locale. Le nouveau complexe d’Ayalim se compose de 18 appartements de trois pièces de 60 m2, chacun étant constitué de deux conteneurs de transport maritime. Tous disposent du confort moderne et de la climatisation, ainsi que d’un balcon privé donnant sur la voie ferrée. S’ils sont à l’origine destinés à accueillir deux étudiants célibataires, l’architecte du projet Einat Leshem affirme qu’ils pourraient aussi convenir à de jeunes couples avec enfant.
« C’est le premier projet de ce genre en Israël », explique Leshem, associée dans le cabinet d’architectes Box-es, qui se spécialise dans la construction d’immeubles résidentiels ou de maisons individuelles à base de conteneurs.
En visitant l’appartement modèle, on découvre un salon spacieux et une kitchenette décorés avec goût, avec tabourets hauts et meubles IKEA. Un petit couloir dessert une salle de bain sur la gauche et une petite alcôve avec bureau sur la droite, puis les deux chambres à coucher.
« Rendez-vous compte que la construction n’a commencé qu’aux alentours de Pessah dernier ! », se félicite Leshem. Il est bien plus rapide de construire de cette façon, « puisque les ouvriers n’ont rien d’autre à faire qu’apporter les conteneurs et les réunir entre eux », ajoute-t-elle.
Cette facilité permet aux dirigeants du pays de lancer des projets qui seront achevés en quelques mois, explique Rubin. Des projets limités toutefois à 5 étages en Israël, même si, du point de vue technique, les immeubles à base de conteneurs peuvent en avoir jusqu’à 11.
Chaque conteneur coûte 8 000 shekels à Ayalim, expédition comprise. S’il ne s’agit pas du premier projet résidentiel de ce type dans le monde, loin de là, le village d’étudiants de Lod est en revanche une première en Israël. « Nous allons lancer la mode dans le pays », s’enthousiasme Rubin. « C’est moins cher, plus rapide et plus écologique ! Je ne connais aucune autre technique de construction qui utilise tant de matériaux recyclés ! »
Fidéliser la jeune population
Les 18 appartements ont été édifiés dans la cour d’une ancienne école, rénovée par Ayalim il y a 2 ans, où logent déjà des étudiants. A côté, se trouve un gymnase abandonné qui, aux dires de Rubin, pourrait être transformé en bar, par exemple.
Outre ce complexe flambant neuf, Ayalim dispose d’un second campus appartenant au même village d’étudiants de Lod et situé à 1,5 km, près d’un parc qui servait jadis de rendez-vous nocturne aux toxicomanes. C’est là qu’Ayalim a ouvert l’unique bar de Lod.
L’objectif est de « créer un environnement qui donne envie aux jeunes de rester à Lod », en transformant la municipalité en ville estudiantine, « façon Oxford, par exemple », précise Rubin. Géographiquement, la ville jouit d’un très bon emplacement, à 15 minutes seulement d’universités et d’instituts où étudient quelque 150 000 jeunes.
En tout, la construction du village-conteneurs représente un investissement de 6 millions de shekels, financés presque en totalité par le ministère des Finances. Le reste est assuré par des donateurs privés.
En août, un projet bien plus important a été approuvé pour la ville de Sderot, où Ayalim a entrepris la construction de 150 appartements-conteneurs qui accueilleront 300 étudiants, inscrits à l’institut Sapir ou dans d’autres établissements d’enseignement supérieur du Sud. Un projet estimé au total à 53 millions de shekels, dont les deux tiers seront pris en charge par le gouvernement.
A Lod, ils seront 130 étudiants à passer cette année universitaire dans les résidences d’Ayalim, sans parler de la liste d’attente de 60 noms, souligne Raz Sofer, gestionnaire des appartements et lui-même étudiant à l’université de Tel-Aviv. La location ne coûte que 640 shekels par mois et par étudiant, auxquels s’ajoutent deux heures de travaux d’intérêt public par semaine, explique-t-il. « Il faut dire que le manque de logements dans la région est criant », souligne-t-il.
Si les résidences de Lod ne peuvent pour le moment accueillir que 130 étudiants, ce chiffre pourrait passer à 500, voire 700 en trois ans. C’est du moins le souhait de Rubin. « Avec tous les terrains à bâtir qu’il y a dans la région, rien ne nous empêche d’étendre l’actuel site de conteneurs en utilisant le même mode de construction », affirme-t-il. « C’est une vraie révolution que nous avons lancée là ! »