La guerre des chiffres aura-t-elle lieu?

Les juifs seront-ils minoritaires en Israël d’ici la fin 2016 ? La menace démographique est-elle réelle ou les chiffres ont-ils été falsifiés à des fins politiques ?

Un homme se rend à la mosquée Al-Aqsa pour la prière du vendredi (photo credit: MARC ISRAEL SELLEM/THE JERUSALEM POST)
Un homme se rend à la mosquée Al-Aqsa pour la prière du vendredi
(photo credit: MARC ISRAEL SELLEM/THE JERUSALEM POST)
Selon un rapport publié il y a quelques semaines par le Bureau central palestinien des statistiques, d’ici 2016, le nombre de Palestiniens vivant en Judée-Samarie et dans la bande de Gaza sera égal au nombre de Juifs, soit 6,42 millions. Si les taux de croissance actuels restent constants, fin 2020, le nombre de Palestiniens dans ces régions atteindra 7,14 millions, pour 6,87 millions de Juifs. Les Palestiniens seront donc majoritaires en Israël.
Ces prédictions démographiques représentent une menace certaine pour l’avenir du pays en tant qu’Etat juif et démocratique – soit il ne sera plus juif, soit il ne serait plus démocratique – et pour une certaine fraction de la classe politique israélienne, elles soulignent l’urgence de faire avancer la solution de deux Etats pour deux peuples.
Selon les chiffres rendus publics, il y aurait actuellement 12,1 millions de Palestiniens dans le monde : 4,62 millions en Judée-Samarie et dans la bande de Gaza, 1,46 million en Israël, 5,34 millions dans des pays arabes et quelque 675 000 dans d’autres pays. Mais de nombreux experts israéliens ont contesté l’exactitude de ces données, accusant une surestimation de 1,1 million. Selon des chiffres non officiels, il n’y aurait pas 2,.83 millions de Palestiniens en Judée-Samarie, mais 1,7 million. Dans la bande de Gaza, les Palestiniens seraient au nombre de 1,4 million et non 1,7. Les chiffres du Bureau palestinien des statistiques seraient donc exagérés.
Des chiffres contestés
Yoram Ettinger, ancien diplomate israélien, étudie les statistiques palestiniennes depuis 2004. Pour lui, le Bureau a fait des erreurs clés depuis le recensement entamé en 1997. D’abord, les chiffres de l’Autorité palestinienne incluent les habitants arabes de Jérusalem (300 000 environ) déjà comptés comme Arabes israéliens. Ensuite, les statisticiens palestiniens auraient inclus dans leurs chiffres plus de 400 000 Palestiniens établis à l’étranger depuis plus d’un an comme résidents des Territoires palestiniens. Il est également important de noter que le Bureau palestinien compte les enfants de ceux qui sont erronément inclus dans les statistiques. Le vice-ministre de l’Intérieur palestinien Hassan Illwy déclarait à l’agence de presse Maan en octobre que 100 000 bébés nés outre-mer étaient comptés par le bureau. Enfin, ils surestiment la natalité palestinienne.
Au total, Ettinger estime le véritable nombre de Palestiniens entre le Jourdain et la Méditerranée à 4,8 millions. « Le BCPS gonfle constamment ses chiffres », a confié Ettinger au Jerusalem Post.
Pour Kobi Michael, chercheur à l’Institut national de sécurité Sociale et maître de conférences à l’université d’Ariel, « les chiffres de Gaza doivent être exclus de l’équation, puisqu’il n’y a aucune présence israélienne sur le territoire ».
Autre bémol : les données palestiniennes font état d’une migration zéro, ce qui est difficile à croire. Kobi Michael explique que son équipe a analysé les chiffres de tous les passages vers et depuis la Judée-Samarie depuis 1997. Les résultats montrent une forte émigration des territoires palestiniens de Judée-Samarie en 2013, plus de 20 000 personnes, et une moyenne annuelle de 17 000 durant les cinq dernières années. Des chiffres qui ne sont apparemment pas pris en compte dans le rapport palestinien.
En outre, selon lui, la fertilité et l’immigration juives continuent de croître, alors que le taux de fertilité arabe ralentit, les femmes arabes ayant de plus en plus accès à l’éducation et à la contraception. Ainsi, le taux de natalité serait passé de 5 enfants par femme en 2000 à 2,9 aujourd’hui. Alors que le taux de natalité israélien dépasse les
3 enfants par femme et est en progression.
La démographie, un outil politique pour tous
Pourquoi les Palestiniens gonflent-ils leurs chiffres ? Pour Ettinger, ils le font dans le but de recevoir davantage d’aide de la communauté internationale ainsi qu’un important approvisionnement en eau de la part d’Israël. Mais surtout, les Palestiniens tentent d’effrayer les Israéliens avec « une bombe démographique à retardement ». Kobi Michael fait le même constat : « les Palestiniens ont un agenda politique et un objectif stratégique : imposer une solution à Israël en recrutant le soutien international par la délégitimation de l’Etat hébreu. »
Mais parmi les statisticiens israéliens, tous ne sont pas d’accord avec l’analyse d’Ettinger, et beaucoup contestent ses chiffres. Le professeur Arnon Soffer de l’université de Haïfa accuse à son tour Ettinger de ne pas fonder son travail sur des recherches académiques. Pour lui, les conclusions de l’ancien ambassadeur servent ses idéaux politiques. « Les habitants des implantations se confortent dans l’illusion qu’il n’y a pas de problèmes », mais s’il n’y a pas de séparation, prévient Soffer, « dans deux ou trois ans, les Palestiniens seront majoritaires ».
Le professeur Sergio Della Pergola, expert en démographie à l’Université hébraïque de Jérusalem, explique que « les données palestiniennes doivent être minutieusement examinées. Mais ce qui est incontestable, c’est que la population arabe grandit et continuera de le faire plus vite que la population juive. Pas besoin d’attendre les chiffres publiés par Ramallah pour le comprendre. » « Si l’objectif de l’Etat d’Israël est d’être l’Etat du peuple juif, et non un pays qui adopte une politique de discrimination contre les non-juifs, la seule voie possible est de ne pas intégrer des portions de territoire où les non-juifs sont majoritaires, sous la souveraineté de l’Etat. »
La démographie est donc devenue un outil politique.
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