Jérusalem, le cas insoluble ?

Pour garder une vie juive dynamique à Jérusalem-Ouest, Israël doit maintenir son contrôle sur Jérusalem-Est

Jerusalem INSOLUBLE (photo credit: © Marc Israël Sellem)
Jerusalem INSOLUBLE
(photo credit: © Marc Israël Sellem)

Diplomates et hommes d’État peinent à trouver une résolutionpolitique consensuelle et réaliste quant à la question de Jérusalem. En 1937,la Commission britannique Peel avait recommandé une solution à deux États surle terrain : un État juif et un État arabe, avec une Jérusalem plus large,administrée par les autorités britanniques. Puis en 1947, la résolution departage des Nations unies avait proposé de faire de Jérusalem une entitédistincte sous tutelle internationale, à l’extérieur de la zone souveraine descommunautés juive et arabe.

Lorsque les combats israélo-jordaniens se sont tus à Jérusalem, fin 1948, laville a effectivement été divisée entre l’ouest juif et l’est arabe. Maisc’était là une conséquence de la guerre, et non une prescription pour la paix.
La division de la cité n’a pas empêché le gouvernement israélien de laproclamer capitale, ni d’encourager la croissance démographique juive, qui adoublé, atteignant les 200 000 âmes en 1967. La Jordanie, quant à elle, s’est montréesous le jour d’une violatrice en série de ses obligations de l’Accordd’armistice, détruisant les synagogues et profanant le cimetière du Mont desOliviers, interdisant aux Juifs l’accès au mur Occidental tout en ciblant lesrésidents juifs et les bâtisses de l’ouest de la ville jouxtés à la VieilleVille.
La libération de Jérusalem-Est, à la guerre des Six-Jours, a permisl’unification de la ville sous souveraineté israélienne.
Ont alors commencé les projets de construction et d’expansion démographiquejuive, visant à consolider le contrôle et la présence juive sur les ancienneslignes d’armistice divisant la ville.
Le maire de l’époque, Teddy Kollek, exécuteur de la vision du Premier ministreLevi Eshkol, a immédiatement promu la reconstruction du Quartier juif de laVieille Ville ainsi que le développement de nouveaux grands quartiers juifs :Guilo et Armon Hanatziv à l’extrémité sud de Jérusalem, Ramat Eshkol et laGuiva Tsarfatit près de l’ancienne frontière, et Neveh Yaacov et Pisgat Zeev aunord.
Cette planification urbaine s’est traduite sur le terrain par l’élargissementdes frontières de la Jérusalem unifiée, sans pour autant altérer le caractèredistinct des quartiers résidentiels juifs et arabes.
L’apathie des résidents arabes

Sous les maires successifs Ehoud Olmert, OuriLupolianski puis Nir Barkat, un nouveau plan alternatif devait garantir lapropagation de la population juive à travers la ville, en établissant uneprésence juive dans les quartiers arabes. Au programme : faciliter l’acquisitionde biens juifs - ou parfois la réacquisition d’anciens foyers juifs - dans lesQuartiers musulman et chrétien de la Vieille Ville ; développer la Cité deDavid à Silwan/Hashiloah, tout comme à Sheikh Jarrah/Shimon Hatzadik, avec depetits groupes de Juifs à A-Tour/Mont des Oliviers, Abou Tor, Beit Orot/MontScopus, Ras el- Amoud/Maaleh Zeitim et Beit Nissan Beck/le quartier Giorgia enface de la Porte de Damas/Shekhem de la Vieille Ville.

Ces lieux et d’autres encore ont été conçus pour que les Juifs s’installentpolitiquement à Jérusalem-Est, annihilant la possibilité d’un futur retraitisraélien des zones urbaines de l’Est.
En 2012, la population de Jérusalem approchait du trois quarts de million, dontenviron deux tiers de Juifs et un tiers d’Arabes.
L’hégémonie démographique juive à Jérusalem s’est opérée en parallèle,facilitée par une faiblesse politique du côté arabe. Les Arabes de la ville,qui jouissent du statut de résident, d’avantages sociaux et d’un niveau de vieraisonnable, n’ont jamais mené de campagne efficace contre ce qu’ils appellentcommodément “l’occupation israélienne.”
En ce qui concerne l’Autorité palestinienne, les Accords d’Oslo lui ont niétout rôle politique à Jérusalem-Est, et le “mur de séparation” a effectivement coupéles Arabes de Jérusalem de la Cisjordanie.
Puis la politique israélienne de ces dernières décennies a définitivement faitde la ville une entité politique et administrative. La population arabe choisitde ne pas voter aux élections municipales, soucieuse de ne pas légitimer ladomination israélienne. Mais elle permet à Israël de marquer son monopolepolitique sur la ville entière.
Si les Palestiniens pour leur part bénéficient d’une totale de liberté demouvement et d’expression, ils ont succombé à un état d’engourdissement,victimes d’une dépolitisation collective.
Bénédiction ou malédiction ?

L’infrastructure et les services municipaux, ycompris les routes et le système de l’eau, sont centralisés. Le mixage despopulations, la proximité des quartiers juifs et arabes, les Arabes clients descentres commerciaux et du Zoo biblique, tout cela témoigne d’un contact humainquotidien entre les deux peuples et embaume la ville d’un parfum de normalité.

Alors quelle perspective pour la Ville sainte ? Un contrôle israélienininterrompu pour le futur proche.
Israël ne pourrait se permettre de se retirer d’une quelconque partie deJérusalem et accepter une capitale palestinienne dans la ville et l’âme dupeuple juif. Une souveraineté palestinienne à Jérusalem-Est soulèverait unmouvement musulman belliciste et militantiste dans tout le pays et au-delà. Etle retrait israélien d’une partie de Jérusalem exposerait les Juifs de la villeà de graves dangers sécuritaires et terroristes. Aujourd’hui, la sérénité desrésidents juifs, bien que pris pour cible ici et là, est rendue possible grâceà la présence de la police israélienne dans tout Jérusalem, côtés est et ouest.
Sans elle, les tirs arabes de Shouafat sur Pisgat Zeev, ou les jets de pierresd’Isawiya sur les véhicules juifs de la route de Maale Adoumim, ne pourraientêtre contenus ou interceptés.
Comment un terroriste palestinien sur la route de Jaffa pourrait être appréhendé si les forcesde sécurité ne fonctionnaient pas dans la partie orientale de la ville, où ilchercherait à trouver refuge ? L’assassin des huit élèves de la yeshiva MerkazHarav à Jérusalem-Ouest en 2008 a été interpellé dans le quartier de JeblMubaker qui borde Armon Hanatziv à Jérusalem-Est.
Un autre aspect de la vulnérabilité des intérêts juifs concerne les sitesreligieux antiques, comme le cimetière du Mont des Oliviers. Le vandalismepalestinien, déjà insupportable, se transformerait en véritable acte dedestruction sans une présence israélienne.
Le peuple juif a retrouvé sa capitale historique et spirituelle, et Israëlremplit à merveille son mandat national en gouvernant et développant le GrandJérusalem. C’est une bénédiction que beaucoup maudissent, mais une bénédictiondont la splendeur transcende les peuples et les religions, les touristes, lesrésidents et les pèlerins qui profitent de la liberté, la sécurité, laprospérité et la poésie de la Ville de lumière.
L’auteur est un professeur retraité de l’Université hébraïque de Jérusalem.Cet article est basé sur une conférence du 14 mars au Centre Begin sur le thèmede “Quelle est l’importance de Jérusalem pour l’Islam ?”