Droite dans ses bottes

Judy Shalom Nir-Mozes livre le fond de sa pensée sur son métier, le parti politique de son mari et l’Unicef.

Judy Shalom Nir-Mozes 370 (photo credit: Wikimedia Commons)
Judy Shalom Nir-Mozes 370
(photo credit: Wikimedia Commons)

Souriante et détendue.Personnalité mondaine, animatrice radio et télévision et ancien présidented’Unicef Israël, Judy Shalom Nir-Mozes me fait entrer dans son bureau du 30eétage de la Tour Rogovin à Ramat Gan. Héritière du clan Mozes, propriétaire dujournal Yediot Aharonot, et épouse du vice-Premier ministre sortant SilvanShalom, elle est habillée à la perfection et rayonne de cette confiance quiarrive avec le succès.
Assise sur le canapé de son bureau en parquet de bois, la tête appuyée sur lamain, elle évoque son actualité : une nouvelle émission télévisée, « MoadonHamevakrim » (le Club des critiques). « C’est sur Reshet (Aroutz 2) tous lesmercredis et jeudis », explique-t-elle. « On va dans les lieux culturels, onlit des livres, on regarde des films, et puis on donne notre opinion ».
Ils sont 4 critiques. L’une est Arabe, les deux autres votent Meretz.Nir-Mozes, électrice du Likoud, représente donc la droite. Mais quoi qu’il ensoit, ses collègues chroniqueurs et elle-même, dit-elle, n’ont pas peurd’exprimer des opinions divergentes, impopulaires et politiquement incorrectesà l’antenne.
« Nous n’avons pas de sponsors », se félicite-t-elle. « Cela nous permet dedire ce que l’on veut ». Un commentaire culturel et social, donc, ce qui faitdire à Judy, pour plaisanter, que de nombreux lieux, en ville, ne voudront plusles accueillir par peur de leurs remarques acérées.
A droite toute 
Alors qu’elle a récemment été au coeur d’une polémique du faitde ses commentaires sur Twitter au sujet de l’opération Pilier de défense dansla bande de Gaza, Nir-Mozes n’a pas toujours fait partie du camp national,politiquement parlant.
Elle se souvient : « la première fois que j’ai voté pour le Likoud, afind’élire mon mari, Silvan Shalom, le ciel me tombait sur la tête ».
Ancienne gauchiste convaincue, la journaliste voulait soutenir son époux,qu’elle verrait bien à un ministère important lors du prochain gouvernement :la Défense, les Affaires étrangères ou les Finances. Bien que, seremémore-t-elle, ce dernier portefeuille ait valu au couple des expériences peuplaisantes par le passé (Silvan a occupé le poste au cours de la 15e Knesset).« Il y avait des manifestations devant chez nous toutes les semaines », sesouvient-elle.
Sa transformation d’électrice réticente du Likoud en une militante parfoiscontroversée du camp nationaliste s’est faite, raconte-elle, lorsqu’elle s’estaperçu des efforts réalisés par les différents gouvernements de droite pourfaire des compromis et avancer vers la paix. Dont notamment le désengagement dela bande de Gaza.
En 2005, le retrait unilatéral mené par le Premier ministre Likoud d’alors,Ariel Sharon, a été l’un des votes les plus difficiles de la vie politique dudéputé Silvan Shalom, se remémore aujourd’hui son épouse. « Cela a été uncauchemar pour mon mari de voter en faveur du désengagement, mais, en fin decompte, pour les faibles chances d’avoir la paix, il l’a fait. Aujourd’hui, ille regrette profondément, car il n’en est rien sorti de bon ».
Pour Nir-Mozes, il n’existe, aujourd’hui, pas de partenaire pour faire la paix,que ce soit avec le Hamas ou le chef de l’Autorité palestinienne, MahmoudAbbas. C’est pourquoi elle est fermement opposée à toute concession. Mais,souligne-t-elle, n’en déplaise à la droite religieuse, s’il existait une vraiechance de parvenir à une résolution du conflit, elle serait prête à céder devastes parties de territoires. « Mais seulement s’il y avait en face de nous unvéritable partenaire avec lequel Israël pourrait négocier en confiance »,insisteelle.
« La droite a fait des efforts pour faire la paix. Il y a eu des initiativesdont on parle et d’autres dont on ne parle pas ». « Pour moi », continue-t-elletout en prenant soin de souligner que son mari n’est pas d’accord avec cedernier point, « peu importe que l’on donne tout, pour peu que l’on obtienneune vraie paix et que l’on arrête de se battre ».
N’en déplaise à l’Unicef… 
La journaliste se fait moins douce et calme lorsquele sujet de sa turbulente relation avec l’Unicef (fonds pour les enfants desNations unies) arrive dans la conversation. Nommée pour représenter l’agenceonusienne en Israël en octobre dernier, elle cause la consternation au sein desa direction dès le mois de novembre. Motif : ses commentaires sur les réseauxsociaux concernant la guerre menée par l’Etat hébreu contre les attaques deroquettes du Hamas.
Dans son premier post, elle écrit : « Je place la vie humaine au-dessus detout. Mais comment peut-on faire la paix avec ceux qui sont nourris à la hained’Israël dès leur naissance ? Comment peut-on faire la paix avec ceux qui noushaïssent instinctivement ? Je serais prête à faire la paix à n’importe quelprix. Mais il n’y a pas de partenaire en face. J’aurais préféré me tromperlà-dessus ».
Dans un second post, Nir-Mozes écrit espérer que le Premier ministre BinyaminNetanyahou « continue l’opération jusqu’à ce que le dernier terroriste soitassassiné à Gaza ».
Puis elle appelle l’armée israélienne à « détruire Gaza si les hommes du Hamasne cessent de tirer ». Et explique que si le peuple palestinien en souffre,peut-être se révoltera-t-il contre le Hamas.
Enfin, accusant le mouvement islamiste de faire du mal aux enfants de Gaza,elle écrit : « nous serions heureux si les enfants étaient évacués. Il esttemps de mettre un terme aux abus d’enfants palestiniens ».
Des propos qui déplaisent à l’Unicef, qui demande alors à la brancheisraélienne de l’agence de lui retirer sa position. Elle prend les devants etdémissionne. A ses yeux, l’organisme est clairement « anti-Israël ». De plus,elle se dit très déçue que le bureau israélien ne se soit « pas battu pourexiger de choisir qui doit diriger Unicef Israël. En particulier, lorsqu’ils’agit de l’épouse du vice-Premier ministre de leur pays. Je pense que le siègen’a pas à interférer et n’a pas à nous dire ce que nous pouvons ou pas écriresur Facebook, parce que mes posts reflétaient l’opinion de nombreux Israéliens».
Pas de jouets pour Sdérot 
A ses yeux, les sentiments anti-israéliens del’agence se sont notamment manifestés lors de son initiative de faire apporterdes jouets aux enfants de Sdérot, lors de l’opération militaire.
« J’ai amené des jouets aux enfants de Sdérot et j’ai dit que je le ferai aunom de l’Unicef. C’était une façon pour moi de faire parler de l’organisme. Surle chemin, je reçois un appel et m’entends dire que l’Unicef ne souhaite pasque j’apporte des jouets à ces pauvres enfants dans les abris antibombes.
“Vous ne pouvez pas vous servir du nom de l’Unicef”, me dit-on. Je demandepourquoi. Les responsables de Genève me répondent qu’il me fallait l’accordd’Unicef Jérusalemest pour apporter des jouets aux enfants de Sdérot. C’estcomplètement dingue. Et le bureau de Jérusalem-est a dit non ».
« Cela a constitué un signal d’alarme très important pour moi, mais j’ai décidéde passer outre. Et ensuite, j’ai posté ces statuts sur le Hamas. J’ai écritqu’Israël devrait tuer les tueurs. Je n’ai pas dit que nous devrions tuer lescivils. Je n’ai pas dit que nous devrions tuer les enfants. J’ai dit que nousdevrions tuer les tueurs de Gaza. J’ai écrit que nous devrions tuer ceux quinous tuent et rendent la vie de leurs propres enfants misérable. Voilà ce quej’ai écrit ».
Revenant à sa nouvelle émission, Nir-Mozes évoque Lucy Harish, l’une de sesco-présentatrices. Ancienne star d’Aroutz 10, Harish est l’une des rares Arabesisraéliennes originaires de Dimona qui aspire un jour à travailler pour CNN,s’enthousiasme Judy. Et d’expliquer qu’elle souhaite propulser Lucy sur ledevant de la scène israélienne afin de l’aider à réaliser son rêve.
Certes, leurs opinions politiques divergent parfois, et la jeune femme estaussi libre et directe que peuvent l’être les tweets de Nir-Mozes elle-même.Mais elle sait qu’elle participe à une télévision de qualité et, ainsi, à lavitalité démocratique du pays. Un succès dont Nir- Mozes est fière.