Heureux comme un olé hadash

Ayalon Vaniche a sauté le pas de l’Aliya il y a près de 6 ans. Aujourd’hui à la tête d’EDF Energies Nouvelles Israël, il revient sur une expérience des plus réussies.

2002JFR16 521 (photo credit: Avec l'aimable autorisation d'EDF En Israël)
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(photo credit: Avec l'aimable autorisation d'EDF En Israël)
Il avait tout pour devenir un haut fonctionnaire de la République française.Polytechnique, école des Mines… Du temps où il s’appelait encore Alain, AyalonVaniche était l’un des heureux élus du système méritocratique hexagonal. Né auMaroc, il se dit aujourd’hui « heureux du passage en France ». Le pays, pourtant,lui tendait les bras pour rester.
Après un parcours d’excellence dans l’enseignement supérieur, il entreimmédiatement à la préfecture de Paris, puis au ministère de l’Education, de laRecherche et de la Technologie comme conseiller technique auprès du ministre.
Premier virage : le passage dans le privé. A 31 ans, il devient consultantspécialisé notamment dans l’énergie au sein du cabinet McKinsey & Company.Rien d’étonnant aux yeux de Vaniche, qui explique que « le passage dans leprivé est une réorientation assez classique chez les jeunes fonctionnaires desgrands corps de l’Etat. Les premières années sont très excitantes, avec tout desuite beaucoup de responsabilités.
Mais ensuite, les perspectives d’évolution dans le public sont plus lentes ».
Lui qui ne songe pas à la politique le matin en se rasant n’a pas envied’attendre pour grimper les échelons. Et puis les écarts de salaires sontimportants. Il arrive donc chez McKinsey au moment où le bureau de Tel-Avivcommence à se développer. On lui propose de rejoindre l’équipe des fondateurs,mais l’heure du déclic n’a pas encore sonné.
Vaniche et son épouse, juifs pratiquants, ont « toujours aimé Israël ».Etudiants, ils organisent des voyages en Terre Sainte, des collectes… « Jeunesmariés, on aimait se promener dans les rues de Jérusalem et on se disait qu’onviendrait sans doute y passer quelques années ». Mais le couple se verrait bienégalement partir aux Etats-Unis pour une certaine période.
Une option envisageable 
En réalité, les Vaniche, qui ont de la famille enIsraël, ont du mal à imaginer une vie professionnelle dans l’Etat hébreu. Leursconnaissances n’ont pas eu accès à de hautes études et n’ont pas empruntél’ascenseur social.
Par comparaison, avec ses grandes écoles, la France offre une vie confortable àcelles et ceux qu’elle sélectionne très tôt dans son système scolaire.
« Nous avions eu la chance de faire partie des sélectionnés », constate-t-il. «Ce n’était pas aussi crispé qu’aujourd’hui. On pouvait concilier une vie dejuif pratiquant et les études… Nous avons mené une vie heureuse et confortableen France.
Nous avions envie d’essayer Israël, mais nous remettions le départ à plus tard».
A l’époque, les raisons de rester ne manquent pas : la carrière de Vanichedécolle à Paris et on lui conseille de bien se former au bureau parisien, afin« d’être en meilleure position pour partir ». Et puis c’est la secondeIntifada….
Au fil des ans, le couple va cependant voir sa perception d’Israël changer. «Progressivement, nous nous sommes aperçus que l’on pouvait aussi travaillerici. Nous avons vu ce que l’on ne voit pas quand on vient en tant que touristes: les entreprises, les salariés, le monde des affaires… En faisant desallers-retours en Israël pour accomplir des missions, le fossé que je percevaisentre mes collègues israéliens et moimême s’est peu à peu rétréci ».
Et puis, surtout, leurs 3 filles grandissent. « Ma fille aînée était déjà en6e, elle travaillait bien à l’école, nous savions qu’elle pourrait faire partiede ces “sélectionnés”. Mais nous avions moins envie d’un parcours tout tracépour elle. En quelques années, elle aurait déjà été dans la course au bac.
Il fallait qu’on bouge ».
Bilan : tout va bien 
Aujourd’hui, Vaniche « a le sentiment que le fossé s’estcreusé dans l’autre sens. On se sent chanceux ici ». La vie israélienne,meilleure qu’en France ? Un constat qui ferait écarquiller les yeux à plus d’unIsraélien. Mais qui ne fait aucun doute au DG d’EDF EN Israël. « La qualité devie au travail est bien meilleure ! ».
Et de citer une culture d’entreprise plus décontractée, moins guindée ethiérarchique, au niveau vestimentaire comme pour les relations personnelles.Vaniche apprécie évidemment d’être en phase avec le calendrier religieux, pourles fêtes et pour Shabbat, mais souligne également la place qui est faite à lavie privée. Les contraintes personnelles ont leur place, nul besoin d’affabulersur une obligation extérieure lorsqu’on doit, en réalité, emmener son enfantchez le dentiste, ni de renoncer à un événement familial en période de stressau bureau. « Et puis regardez le soleil. C’est quand même mieux que lagrisaille et le stress parisien », sourit-il en montrant la mer, le merveilleuxcoucher de soleil et la vue sur Tel-Aviv depuis son bureau.
Il y a évidemment une conjoncture favorable. Tandis que l’Europe, touchée deplein fouet par la crise économique, fait grise mine, Israël continued’afficher une belle croissance. « Les gens entreprennent, ils sont toujours àla recherche d’idées nouvelles », se félicite Vaniche. Pour lui, il ne s’agitpas seulement d’un concours de circonstances mais d’une mentalité. « C’est unoptimisme, peut-être un peu naïf, mais aussi une capacité à nier lesdifficultés et à se projeter en avant dans les moments difficiles. La vieprofessionnelle en devient bien plus agréable ! ».
Une positivité à toute épreuve que les Israéliens viennent de démontrer ànouveau récemment. « On a quand même traversé une guerre cet hiver », pointe lenouvel immigrant, frappé par « un fonctionnement quasi normal alors quecertains salariés, ou leurs conjoints, étaient mobilisés sur le front. Certainsréservistes avaient passé la nuit dans leur unité de Tsahal mais revenaienttravailler le matin, un peu fatigués, mais c’est tout ».
Un courage et une endurance qui donnent « envie de réussir ensemble. On arriveà faire abstraction des difficultés parce qu’on a envie de faire des choses.L’affectio societatis est plus fort que celui que j’ai connu en France ».
« Le sionisme optimiste » 
Sur le plan personnel, Ayalon Vaniche se féliciteégalement de l’accueil réservé à sa famille à Raanana, une ville où, ditil encitant Gad Elmaleh, « la deuxième langue parlée, c’est l’hébreu ».
Tout s’est donc bien déroulé en matière d’intégration. Ses filles ont étéscolarisées dans une école israélienne, avec, en parallèle, un oulpan intensif– dont elles ont pu se passer rapidement – pour apprendre l’hébreu.Aujourd’hui, elles sont bilingues. Leurs parents continuent de parler lefrançais à la maison et de trouver « plus facile » de nouer des amitiésfrancophones. Une communauté de Français qui ont fait leur Aliya en même temps,aspirent à vie religieuse sans excès et travaillent dans la région du centres’est nouée, pour la plus grande joie de ses membres.
Vaniche apprécie l’éducation « plus ouverte, moins stricte et compétitive »dont bénéficie sa progéniture qui « en profite à fond », sourit-il. Lui-mêmefait malgré tout l’effort de se lier à des Israéliens, lire un peu delittérature hébraïque (« des nouvelles courtes d’Etgar Keret ») et de découvrir« des choses qu’on n’imaginerait pas à chaque coin de rue, en allant simplementfaire les courses parfois ».
Pour lui-même et sa famille, l’avenir est donc résolument israélien. « J’ai lesionisme optimiste », s’amuse-t-il. « Plus sérieusement, dès l’Aliya, laquestion ne s’est plus posée. Nous n’avons gardé ni appartement ni attachesprofessionnelles en France. Tenter de faire des allers-retours, c’est un “piègedoré” », pense-t-il en évoquant le cas de ceux qui ont essayé de ne pas choisiret qui sont finalement rentrés en France, par crainte de perdre leur viehexagonale.
« Pour nous, il était évident que c’était le bon choix dès les premiers jours.J’ai envie de voir la France réussir, je suis reconnaissant envers ce pays,mais je me sens israélien désormais ».
Réaliser son rêve et celui de Ben Gourion 
Vaniche se réjouit en outre depouvoir faire bénéficier à son pays d’adoption des savoirs acquis en France. «En tant que consultant, j’ai contribué au système bancaire israélien enapportant des réformes qui étaient déjà très courantes dans le monde français.Aujourd’hui, EDF Nouvelles Energies Israël contribue à développer le Néguev,j’en suis heureux. Quelques-uns des rêves de Ben Gourion sont en train de seréaliser ».
En fin de compte, l’homme peut se targuer aujourd’hui d’avoir bien su mener sabarque. Son Aliya a de quoi faire rêver. « Il faut de la chance », soutient-ilmalgré tout. « Mais il faut croire à la chance et aux miracles pour vivre enIsraël ».
Ayalon Vaniche met néanmoins en garde les futurs olim hadashim : « Il y aplusieurs choses qui ne marchent pas. Venir en vacances d’été et abandonner safamille quelques heures par jour pour passer des entretiens en fait partie. Jereçois au moins un CV de futur olé par semaine et je vois de nombreux Françaisqui gâchent des opportunités de cette façon. C’est sans doute plus effrayantd’arriver sans contrat signé, mais il faut le faire. Aucune entreprise localen’embauchera un futur immigrant potentiel plusieurs mois à l’avance. Tantd’événements peuvent venir chambouler l’actualité entretemps ! Cela ne collepas à la réalité israélienne ».
Pour mettre toutes les chances de son côté, il faut donc accepter de sauterdans l’inconnu, explique-t-il. « Il faut d’abord apprendre l’hébreu, passerplusieurs mois à l’oulpan, s’installer, aménager le quotidien. Et ensuite,seulement, se mettre à la recherche d’un emploi. Cela suppose d’avoir desréserves financières ou de se faire aider. Mais c’est la marche à suivre. On nepeut pas vivre ici sans faire d’efforts pour s’intégrer et apprendre la langue.Sinon, si c’est pour continuer à mener une vie entièrement française, autant nepas venir ».