Relier Israël et la Diaspora

Le président de l’Agence juive, Natan Sharansky, et son directeur général Alan Hoffman s’expriment sur les étapes nécessaires pour la survie du peuple juif.

P6 JFR 370 (photo credit: Sam Sokol)
P6 JFR 370
(photo credit: Sam Sokol)

Natan Sharansky estime que les Juifs ne devraient pas « voirl’antisémitisme comme notre principal allié dans la cause sioniste ».Interviewé par le Jerusalem Post, le directeur de l’Agence juive parcourt lesrues de Kiev à bord d’un bus rempli de délégués de l’institution. Une récenteréunion des dirigeants s’est en effet tenue dans la capitale ukrainienne ensigne de solidarité avec la communauté locale contre le parti d’extrême droiteSvoboda.
Sharansky et le directeur général Alan Hoffman s’interrogent aujourd’hui surles enjeux du renforcement de l’identité juive. Une tâche des plus cruciales,selon eux, pour le peuple juif, tout comme la nécessité de combler le fosségrandissant entre Israël et la Diaspora. « Les gens qui souhaitent vivreaujourd’hui en Ukraine n’ont pas peur de l’antisémitisme », explique-t-il. «Celui qui fait le choix de venir vivre en Israël ne se décide également pas parpeur, mais plutôt par conviction, étant lié en général à une éducation et à unengagement juif ».
En fait, résume-t-il, « l’antisémitisme dans le “monde libre” n’est pas unfacteur d’aliya ». Hormis dans « quelques îlots » où cela reste un vraiproblème. Un rapport récent du Jewish People Policy Institute a souligné queprès de la moitié des Juifs de Belgique, France et Hongrie ont parfoisconsidéré l’émigration comme une alternative. Mais l’antisémitisme éloigne àvrai dire plus de Juifs de leur identité, au lieu de provoquer un rapprochementavec leurs racines. Aujourd’hui, la situation est différente de l’époque oùIsraël et le sionisme constituaient le « principal élément de réponse » àl’antisémitisme, affirme-t-il. « Dans ce “village planétaire” qu’est devenu lemonde, la réelle motivation à l’aliya est indubitablement liée au renforcementde l’identité juive ». Pour Sharansky, l’homme contemporain, défini comme «sans identité » peut être attiré par Israël quand il y a démarche de retrouverses racines, sa famille, un désir de relier le passé au futur. Ce sentiment,enfin, qu’« il existe des choses plus importantes pour lui que la seule surviephysique. » « Dans le monde libre où vivent encore une immense majorité desJuifs, ce n’est pas l’antisémitisme qui les encourage à faire leur aliya. C’estla découverte de leur identité, et nous devons chercher de plus en plus lesmoyens de les aider dans cette quête » affirme-t-il.
La fin de l’aliya de sauvetage 
Ce désir d’inculquer une identité et une éthiquejuives aux communautés de Diaspora est également la volonté d’Hoffman. L’anciendirecteur du département de l’éducation de l’Agence a été promu à son posteactuel de directeur général il y a trois ans. Selon lui, la priorité actuellede l’Agence du développement communautaire et du renforcement de l’identitén’est pas nécessairement un changement dans la mission fondamentale de sonorganisation. « Tout d’abord, ce n’est pas une transition vers l’aliya. Ceparadigme, cette manière de voir les choses a déjà changé il y a plus d’unedécennie. L’Agence juive a été créée pour faire face aux problèmes les plusurgents et importants auxquels sont confrontés les Juifs du monde », et qui nepeuvent être abordés qu’en « agissant collectivement ».
Parmi les questions que l’Agence juive a traitées, précise-t- il, il y aévidemment la création de l’Etat d’Israël – l’agence ayant servi degouvernement provisoire pendant la durée du mandat – et l’aliya. Trois millionsde Juifs sont arrivés en Israël sous l’égide de l’agence, précise-t-il.
« Exporter » Israël vers les communautés 
C’est pourquoi, en dehors desquestions évidentes d’assimilation et de mariages mixtes qui sont une sourceévidente de préoccupation pour les communautés, l’Agence juive semble avoirtrouvé un intérêt dans le renforcement communautaire.
Selon Hoffman et Sharansky, sans un certain niveau d’engagement pour Israël àla base, les jeunes Juifs n’auront tout simplement pas l’élan nécessaire pourrejoindre l’Etat hébreu. « L’aliya est restée constante, mais la chose la plus intéressanteest de regarder les données année après année. On note un plus grandpourcentage d’immigrants jeunes qui ont été [impliqués] d’une certaine manièredans une démarche d’engagement envers Israël – ce qui signifie qu’ils ontpeut-être participé à des camps d’été ou des programmes spécifiques ».
Le travail de l’Agence juive d’aujourd’hui, note-t-il, est « d’entraîner deplus en plus de jeunes Juifs vers une spirale où nous amènerions Israël à euxdans les lieux où ils vivent, afin de les attirer ensuite dans l’Etat hébreu. »Affirmant qu’il serait présomptueux de la part de l’Agence de subventionnerl’éducation juive en Amérique du Nord, Hoffman précise que l’organisationtravaille sur la création d’une «échelle d’expérience israélienne et de niveaud’engagement dans les communautés locales. » 
Une centaine de « Shin Shin » 
Citant Toronto, il parle du Canada comme d’un exemple. Hoffman affirmequ’aujourd’hui dans toute synagogue réformée ou conservatrice se trouve un ShinShin, l’acronyme hébreu pour shnat sherout, année de service civil, où unepersonne est impliquée dans une année de service communautaire.
100 de ces émissaires sont déjà sur le terrain, mais Hoffman précise que si lesobstacles bureaucratiques relatifs à l’ajournement du service militairepouvaient être surmontés, « nous pourrions avoir quelque 1 000 jeunesIsraéliens qui s’engageraient. » Ces jeunes émissaires de l’Agence sontprincipalement des étudiants « post-lycée » qui bénéficient d’un sursismilitaire temporaire. « Il y a une double mission » explique-t-il. « Toutd’abord, ce programme apporte Israël aux jeunes Juifs des communautés réforméeset conservatrices... et la fédération a financé ce projet parce qu’elle seconsidère comme un moyen d’être le centre névralgique de l’engagement enversIsraël et la communauté ».
Cependant, au-delà de l’attrait provoqué pour Israël, un tel engagement aégalement un effet positif sur les émissaires israéliens. « Ces jeunesIsraéliens, quand ils reviennent après avoir vécu un an dans le monde juif,sont transformés dans leur relation qu’ils ont avec la diaspora ». « Chaqueannée, de plus en plus d’études prouvent que les jeunes Israéliens se sententdéconnectés de leurs frères et sœurs en dehors d’Israël », et le programme del’Agence Juive, conclut-il, est « un pont entre les jeunes Juifs et Israël.Mais ce projet participe aussi à une meilleure connexion entre les jeunesIsraéliens et le peuple juif en diaspora ».