De Kikar Safra à la Knesset

Ces dernières décennies, un certain nombre d’officiers municipaux ont commencé par la mairie de Jérusalem pour ensuite atteindre l’hémicycle de la Knesset.

2702JFR12 521 (photo credit: Marc Israël Sellem)
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(photo credit: Marc Israël Sellem)

Au sixième étage du principal bâtiment de Kikar Safra,là où sont installés les bureaux de la mairie, on peut voir sur les murs lesportraits des édiles et principaux conseillers municipaux. Si la plupart desvisages sont inconnus du grand public, quelques-uns sont reconnaissables, pourêtre devenus depuis, des figures politiques nationales.
Conclusion : un représentant local a de grandes chances de poursuivre unecarrière politique nationale. C’est d’ailleurs l’ambition de beaucoup deconseillers municipaux, tentés d’échanger leur siège du conseil de la villecontre un fauteuil à la Knesset – qui est pour eux la véritable assemblée.
Anat Hoffman – qui a siégé 14 ans au conseil municipal – l’affirme sans détour: « La mairie joue le rôle de couveuse.
Après tout, siéger à la Knesset n’est pas si différent qu’être représentant dusyndic d’un immeuble. Dans tous les cas, il s’agit de représenter desélecteurs. » Membre de la coalition et adjointe au maire de Teddy Kollek,Hoffman a ensuite été la principale rivale du maire Ehoud Olmert pendant sesdeux mandats. Elle a, elle aussi, tenté, à deux reprises, de passer du conseilmunicipal à la Knesset (aux couleurs de Meretz), mais en vain (située à uneplace peu favorable de la liste, elle s’est désistée).
Si la mairie est un tremplin pour les candidats à la Knesset, ces derniers nele lui rendent guère : à l’exception de l’approbation de gros budgets pour desprojets de construction à grande échelle, comme le tramway promu par Olmert etl’autoroute Begin – Jérusalem a rarement bénéficié de l’élection de l’un de sesanciens conseillers municipaux, même ceux qui ont réussi à entrer augouvernement.
« Ce que vous voyez d’ici n’est apparemment pas ce que vous voyez de là-bas »,constate l’adjoint au maire Pepe Allalu de Meretz, « le seul cas où cela nous aservi c’est quand l’ancien porte-parole de la municipalité sous le mandat deLoupolianski – Gil Sheffer et avec lui Gidi Shmerling – a rejoint le bureau duPremier ministre. Ils ont fait beaucoup pour attirer l’attention sur lesbesoins de la ville, mais c’est l’exception qui confirme la règle. » Nir Barkatl’a bien compris. Récemment, il a donc suggéré de se présenter aux prochainesélections municipales sous la bannière du Likoud, qui a refusé. Jérusalem, malgréou à cause de tous les problèmes concernant son statut, n’intéresse apparemmentaucun parti. Ni le Likoud, ni Avoda, ni même Habayit Hayehoudi ne veulentparrainer un candidat pour la course à la mairie.
L’antichambre du Shas ? 
Poursuivons notre promenade dans la galerie deportraits : l’un des plus célèbres et anciens représentants de la ville qui afait sa place sur la scène politique nationale, n’est autre qu’Eli Yishaï. Ildébute sa carrière politique en 1987, comme assistant personnel de Nissim Zeev.Le cas de ce dernier mérite aussi le détour. Zeev a eu le premier l’idée d’unparti séfarade haredi à Jérusalem. Mais il n’imaginait pas que ce qui allaitdevenir le Shas, se hisserait à l’échelle nationale. Zeev a servi dans l’armée,terminé ses études dans la prestigieuse yeshiva Porat Yossef et passé un ancomme hazan dans une grande synagogue séfarade de Brooklyn, entre 1974 et 1982.
Après avoir fondé la branche de l’association mondiale des Sefardim ShomereTora (les séfarades observants) en 1983, il est élu au conseil municipal.Adjoint au maire sous Kollek (1983-1993), il l’est encore pendant le premiermandat d’Olmert de 1993 à 1998. Avant de démissionner pour la Knesset.
Revenons sur Yishaï. Après le départ de Zeev, c’est à son tour de prendre unjeune assistant, qui deviendra bientôt célèbre : Arie Deri. Ce dernier ne prendpas le temps de siéger au conseil municipal. Après une ascension politiquefulgurante, il arrive à 24 ans au ministère de l’Intérieur, alors aux mains deShas. Et cinq ans plus tard, Deri, à 29 ans, devient le plus jeune ministre del’Intérieur.
Quant à Yishaï, il restera au conseil municipal jusqu’en 1996, où une décisionde Rav Ovadia Yossef le mènera à la Knesset.
Puis, quand Deri est condamné en 1999, c’est lui qui prend la tête de Shas.Aujourd’hui, les deux hommes travaillent de concert pour diriger le parti.
Olmert vs. Itzik et Rivlin
Dans ces portraits, se distingue celui d’une femme :Dalia Itzik. Elle a commencé sa carrière publique à la tête de l’Associationdes enseignants de Jérusalem. D’abord, conseillère municipale, elle est bientôtadjointe au maire Teddy Kollek. Ce dernier s’était présenté à la tête d’uneliste indépendante, mais la capitale représentait un enjeu important pour leparti travailliste, alors au pouvoir.
Itzik, elle, est élue députée à la Knesset en 1992. A l’orée d’une carrièreprometteuse, elle espère être bientôt ministre et refuse donc d’être lacandidate travailliste pour la mairie de Jérusalem aux élections municipales denovembre 1993, où Kollek perd face au Likoudnik Olmert. Elle aura eu raison :après avoir officié à la tête des portefeuilles de l’Environnement de 1996 à1999, puis de l’Industrie et du Commerce en 2001, et de la Communication en2005, elle sera nommée présidente de la Knesset en 2006, toujours sous labannière travailliste.
Olmert aura tenu les rênes de la municipalité de Jérusalem le temps de deuxmandats, jusqu’en février 2006. Cette annéelà, Itzik lui prête allégeance alorsqu’il devient le leader de Kadima, que tous deux ont rejoint (l’une d’Avoda,l’autre du Likoud) dans le sillage d’Ariel Sharon.
Aujourd’hui, 20 ans après leur opposition à la mairie de Jérusalem, ni Olmert,ni Itzik ne siègent à la Knesset. En 2008, Olmert démissionne de son poste dePremier ministre, suite à des accusations dans plusieurs affaires decorruption. De son côté, Itzik, après avoir vu que ses chances d’obtenir unebonne position sur la liste de Kadima étaient minces, a, bien avant lesélections 19e Knesset, annoncé qu’elle prenait congé de la vie politique.
Reouven Rivlin, du Likoud, qui en 2009 a remplacé Itzik à la présidence de laKnesset, a lui aussi commencé sa carrière politique dans les couloirs de lamunicipalité de Jérusalem, de 1978 à 1983, comme conseiller municipal et adjointau maire. En 1988, alors qu’il aspire à se présenter à la tête de contreKollek, le Likoud choisit un autre membre de sa branche locale, ShmuelPressburger, un proche d’Olmert.
Pressburger perdra, mais Olmert gagnera contre Kollek, quelques années plus tard.
Suite à un long antagonisme entre les deux hommes, Olmert refusera d’inclureRivlin sur les listes de son conseil municipal. Rivlin reste alors à la Knessetdont il est nommé président en 2003, l’année où Olmert quitte la mairie pourdevenir l’adjoint de Sharon au poste de Premier ministre.
Il occupera de nouveau le poste en 2007, après avoir été le rival malheureux dePeres pour la présidence de l’Etat. Rivlin est considéré comme un candidat dechoix pour devenir chef de l’Etat, si Shimon Peres devait décider de ne pas sereprésenter.
Une affaire de famille 
Parmi les députés ultra-orthodoxes, quelques-uns deleurs membres ont aussi emprunté la voie qui mène de la politique locale à lapolitique nationale : de Kikar Safra à l’hémicycle de Givat Ram.
Meir Poroush a d’ailleurs été le pionnier en la matière. Après avoir siégé auconseil municipal pendant 13 ans – dont 7 comme adjoint au maire Kollek –Poroush est arrivé à la Knesset. Itzhak Pindrus, représentant de YahadoutHatorah (Judaïsme unifié de la Torah, composé de différents groupes) expliquecomment les nominations se déroulent : « Chez nous, les candidats ne sont paschoisis en fonction de leurs mérites ou de leurs actions, même si cela peutparfois être pris en compte. Nos rabbins désignent plutôt les candidats enfonction des groupes auxquels ils appartiennent. Poroush est donc passé duconseil municipal à la Knesset, quand il était temps que son mouvement, ShlomeiEmunim, atteigne cette position. » Chez les Poroush, la politique est une affairede famille : le père de Meir, feu Menahem Poroush, était membre de la Knesset,et son fils, Israël Poroush, est adjoint au maire d’Elad.
En 2008, Meir Poroush, alors ministre adjoint, brigue la mairie. Comme dans lecas de Rivlin, quelques années plus tôt, les intérêts internes du parti ont euraison des sondages d’opinion, puisque Poroush concourt en lieu et place dumaire en exercice, Loupolianski. Et perdra, contre Barkat.
Un autre membre du courant haredi qui a fait le grand saut de la mairie à laKnesset est Ouri Maklev, de Yahadout Hatorah. Jusqu’à il y a 4 ans, il étaitl’adjoint du maire Loupolianski. Depuis il a obtenu ses galons de député.
Maklev, qui appartient au mouvement Deguel Hatorah et représente donc lesegment lituanien haredi, est entré à la Knesset de la même façon que Poroush :parce que c’était son tour, selon le strict et compliqué système de rotation etde nomination de son segment. De même, Pindrus et Yossi Deitch, second adjointau maire, auront aussi leurs sièges à la Knesset en temps voulu, sauf si destensions internes amènent les différentes composantes du parti ashkénaze haredià se séparer avant.
La voie royale
Eli Gabai de l’ancien Parti national religieux (PNR), a étémembre du conseil municipal entre 1993 et 1998 avant d’être nommé à la Knesset.Il siégeait au sein de la commission du planning et de la construction, dirigéepar des représentants de Yahadout Hatorah – d’abord Poroush, puis Loupolianskiet plus tard Yehoshoua Pollack.
De 1997 à 1998, Gabai était aussi adjoint au maire d’Olmert.
Il a laissé un héritage au conseil municipal : son fils, Yaïr.
Ce dernier a commencé dans les rangs du Parti national religieux – HabayitHayehoudi avant de devenir conseiller municipal indépendant. Avant lesdernières élections, il a échoué à obtenir une bonne place sur la liste duLikoud.
On ne sait si le jeune Gabai va rester au conseil municipal ou renoncer.
Deux autres anciens assistants de Teddy Kollek ont fait aussi leurs débuts surla scène municipale. L’un est le maire actuel de Haïfa, Yona Yahav et l’autre,Erel Margalit, un entrepreneur, numéro 8 sur la liste travailliste.
Yahav, né à Haïfa, a étudié à Jérusalem. Elu président de l’association desétudiants, il est bientôt assistant et porteparole de Kollek. Vers 1993, ilretourne dans sa ville natale où il devient l’adjoint du maire Amram Mitzna.Aux élections de 1996, il réussit l’exploit de se faire élire député pourAvoda, poste qu’il occupera jusqu’en 1999, où il décide alors de briguer lamairie de sa ville natale. Ce sera chose faite, en 2003, en tant que candidatde l’ancien parti Shinoui.
Aujourd’hui, il est à Kadima.
Margalit, lui aussi venu à Jérusalem pour étudier à l’université Hébraïque,occupera le poste de directeur du département pour le développement deJérusalem (alors section de la municipalité devenue depuis autoritéindépendante).
Il quitte la politique pour une carrière dans le hi-tech et l’investissement.Considéré comme un bon candidat contre Barkat à la mairie de Jérusalem,Margalit a décidé, voilà un an et demi de se concentrer sur une carrièreparlementaire.
Placé 8e sur les listes travaillistes, il a fait son entrée à la 19e Knesset,le mois dernier.
Margalit est donc le dernier exemple à avoir emprunté la voie, apparemmentroyale, qui mène des couloirs de la municipalité de Jérusalem à ceux del’assemblée nationale d’Israël.