Le temps des juges

Les magistrats abusent-ils de leur pouvoir ?

Le marteau du juge (photo credit: FREEIMAGE)
Le marteau du juge
(photo credit: FREEIMAGE)
Un vent de tempête souffle de par le monde. Délaissant son bandeau et sa balance, la justice descend dans la rue. La justice, ou ses représentants sur terre, les juges. Rois et présidents, prélats de toutes dénominations, hauts gradés de l’armée et de la police ou simples citoyens, nul n’est à l’abri de leur bras vengeur. Surtout pas les hommes politiques.
On a pu voir au cours des dernières années combien de candidats à de hautes fonctions ont vu leur élection menacée par telle ou telle enquête déjà annoncée, mais pas encore diligentée, et qui souvent, ne l’a jamais été. S’il n’avait pas été ouvertement question de traîner la candidate démocrate aux Etats Unis devant les tribunaux pour des crimes réels ou imaginaires, aurait-elle pu gagner l’élection ? On ne le saura pas. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’est plus question de procès pour elle aujourd’hui. En France, beaucoup s’étonnent du rôle de plus en plus grand des magistrats dans la campagne présidentielle. En Israël, il n’y a pas si longtemps, plusieurs candidats à la présidence de l’Etat ont dû renoncer à la suite de l’ouverture d’une enquête, dont une seulement a abouti à une mise en accusation.
Ce n’est pas tout. Nous le savons, la séparation des pouvoirs – législatif, exécutif et judiciaire – constitue la pierre angulaire des démocraties occidentales. Il semblerait pourtant qu’au fil des années cette pierre subisse les effets de l’érosion. Au nom de cette même démocratie, les juges modernes, de part et d’autre de l’Atlantique, invalident sans états d’âme des lois passées par des parlements élus, et des décisions prises par des gouvernements ayant obtenu la confiance de ces mêmes parlements, au motif que les unes et les autres seraient contraires à la loi ou à la constitution.
Le phénomène est d’autant plus curieux que le mode de désignation des juges varie considérablement d’un pays à l’autre. Nommés par le pouvoir, cooptés par leurs pairs ou issus d’une école de magistrature, leur mission est pourtant la même partout : dire le droit et appliquer la loi. Problème : le monde change plus vite que les constitutions et les lois votées précédemment ne correspondent parfois plus à la nouvelle réalité. Les juges en sont donc souvent réduits à rechercher quelle avait été l’intention du législateur, ce qui en bon français revient à tenter d’interpréter les textes. I/nterprétations qui peuvent naturellement être influencées par leurs convictions personnelles. Que dire encore des décisions qui ne sont pas prises à l’unanimité ? Aux Etats-Unis, le droit à l’avortement a été reconnu comme un droit fondamental par un vote de sept juges de la Cour suprême contre deux. Les uns et les autres, tous juristes chevronnés, avaient développé une solide argumentation reposant sur divers amendements à la Constitution. On peut alors se poser la question de savoir qui jugera les juges, ou se rappeler le vieil adage si bien évoqué jadis par Cicéron : summum jus, summa injuria – comble de justice, comble d’injustice.
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