L’hébreu est une langue sémitique, apparentée au phénicien, à l’araméen et à l’arabe. Elle compte 8 millions de locuteurs environ, en Israël et en diaspora. Nous connaissons l’hébreu sous toutes ses formes d’abord biblique, puis celle de la Michna, qui connaît une évolution significative. A l’époque médiévale, la langue est reléguée aux choses de la culture uniquement. Ce n’est qu’au XXe siècle grâce au travail d’Eliezer Ben Yehouda, qu’elle renaîtra. Elle trouve sa genèse dans le fruit des réflexions de la période des Lumières juives, appelée “Haskala”, née sous l’impulsion de Moïse Mendelssohn en Allemagne. Une période dite d’assimilation, car les écrits du philosophe aboutissent à la conclusion d’une meilleure “intégration” juive dans leur environnement quotidien par la pratique d’une éducation “moderne”, ce qui sous-entend “laïque”.En cela, la réutilisation de la langue hébraïque hors du contexte strict du culte religieux est vue comme nécessaire. De là naissent des “essais”, romans ou poésies, qui imitent le yiddish et empruntent à l’hébreu biblique ses racines. Panachage de quelques penseurs et écrivains, appelés aussi les “maskilim”, ou partisans de la Haskala (qui publient en 1793 le premier périodique en hébreu), l’hébreu moderne verra véritablement le jour avec Ben Yehouda.Eliézer Perlman, de son vrai nom, naît en 1858 dans une petite ville de Lituanie. Il apprend à la yeshiva la grammaire hébraïque et lit en cachette le roman d’Avraham Mapou, L’Amour de Sion. Peu à peu, pendant ses voyages et ses études à Paris, il conçoit le projet de faire revivre cette langue qu’il admire. Il lance même un appel aux Juifs à parler hébreu dans un journal sioniste. En 1881, il part s’installer à Jérusalem et décide de ne s’adresser à ses proches qu’en hébreu.Quelques années plus tard, il entreprend la rédaction du dictionnaire des termes réutilisables dans la langue parlée et moderne à l’aide du travail lexical des premiers Maskilim et grâce, sans conteste, à l’hébreu biblique. Il choisit la prononciation séfarade de l’hébreu antique, qu’il juge plus fidèle à la langue. Et emprunte certaines règles ainsi que du vocabulaire aux langues européennes, latines et anglo-saxonnes.Ce n’est qu’en 1922, peu de temps avant sa mort, que le Thésaurus de la langue hébraïque ancienne et moderne sera publié. Peu à peu, les haredim ainsi que les mouvements sionistes se rallieront à la cause de l’hébreu moderne, d’abord très critiquée en tant que langue “sacrée”.Programme d’action
Nathalie Akoun raconte que certains de ses étudiants sénégalais chrétiens ont montré le désir de créer un centre de culture juive et d’étude de la langue dans leur pays afin de promouvoir la lecture de la Bible en hébreu. Le but : développer des partenariats avec des organisations à l’étranger.Elle, de son côté, s’emploie avec son comité à créer un lobby à la Knesset, en collaboration avec la députée Kadima Ronnie Tirosh, pour mener des actions plus efficaces, que ce soit dans les programmes et les livres scolaires, comme à l’université et dans la recherche. “Nous avons l’intention d’organiser des conférences, de faire entendre notre voix.” La mission est de parvenir à faire promulguer une loi comme celle qui existe en France. En effet, l’article 11 loi 4 août 1994 stipule que la langue d’enseignement obligatoire est le français, et ce partout, et l’article 6 d’ajouter que toute manifestation publique, colloque ou congrès doit être en français ou requiert une traduction officielle pour le public.Il existe bien une loi en Israël, promulguée en 1993 et réactualisée en 2007, qui précise que la moitié des panneaux et affiches publics doivent être écrits en hébreu. Or, dans les faits, ce n’est pas du tout respecté. Le Centre ne prétend pas vouloir supprimer tous les panneaux en anglais, ni les annonces publiques. C’est d’abord impossible, et le combat n’est pas là.Micro-trottoir très révélateur dans le quartier de la Moshava Haguermanit, à Jérusalem, très fréquenté par les Européens et Américains. Tamar, 19 ans : “C’est vrai qu’il y a une faiblesse de l’hébreu. La preuve, cela fait 5 ans que je suis là et mon niveau de langue est encore très faible. Pour tout vous avouer, je ne peux pas parler. En fait l’anglais me suffit ici. Tout est traduit, tout le monde le parle. C’est compliqué de se mettre à l’hébreu. Quand on essaye, on nous répond en anglais. La faute à qui ? Je ne sais pas.”Chauvinisme ? Non !
Mais les membres du Centre n’ont-ils pas peur d’être taxés de chauvinisme ? La difficulté première semble être qu’Israël est un pays d’immigration où les langues sont multiples : l’arabe, le russe, l’espagnol, le français, l’anglais, l’amharique se rencontrent sur la place publique. L’hébreu est donc sans cesse confronté à vocabulaire étranger. Réponse générale : “Chauvinisme ? Non, bien au contraire”. Il s’agit de travailler avec ces contradictions. Le pays veut des prix Nobel. Cependant, l’hébreu ne nous permet pas un tel niveau d’internationalisation. La langue doit s’internationaliser, certes, mais parallèlement, la mondialisation ne doit pas l’affecter. Le Centre est donc à la fois un comité de défense, de protection, de transmission et d’amélioration de la langue hébraïque. Ce qui rassemble les seize membres autour de ce projet ? Un amour inconditionné de l’hébreu.Conclusion de l’assemblée, tout le monde s’accorde sur l’avancée du projet, et soudain, une voix s’élève : “Quelle est la... la... deadline ?”