A près trente ans d’hésitation, l’Union européenne s’est contentée demettre la branche armée du Hezbollah sur la liste des organisationsterroristes. Et la responsable des relations extérieures de l’UE, CatherineAshton, s’est empressée de préciser que le dialogue avec le Hezbollah allait sepoursuivre. Façon de dire que, pour les Européens, il s’agit d’un partipolitique qui s’est fourvoyé en se donnant une branche armée mais qui,gentiment sermonné, peut rentrer dans le droit chemin.
Qui se souvient, à Bruxelles, que c’est l’Iran de Khomeiny qui a créé cetteorganisation au début des années quatre-vingt du siècle dernier, dans le butd’exporter par la terreur sa révolution islamique à travers tout leMoyen-Orient – en d’autres termes d’établir un régime chi’ite sous dominationiranienne ? Le manifeste que publie le Hezbollah en 1985 le dit bien : « Noussommes les fils de la Oumah, le parti de Dieu (Hezb Allah) à l’avant-gardeduquel Dieu a donné la victoire en Iran, où elle a pu jeter les bases d’un étatmusulman jouant un rôle central dans le monde. Nous obéissons aux ordresde notre chef, juste et sage Ruhollah Khomeiny. » On ne peut être plus clair.
Directement inspirée de Khomeiny, l’idéologie du mouvement est sans ambiguïté :l’islam, et lui seul, doit commander l’attitude des pays et des individus.Nationalisme, libéralisme et droits de l’homme n’ont pas place dans cet univershostile à la démocratie. Le Coran est source et référence à la fois. Et sur labase du Coran l’organisation appelle ouvertement à la destruction d’Israël etse bat contre ce qu’elle appelle « l’entité sioniste » ; d’ailleurs son nom esttiré de certains des versets les plus durs qui interdisent la fréquentation desjuifs – et des chrétiens – car le jour du Jugement dernier seuls les partisans(Hezb) de Dieu verront les portes du paradis s’ouvrir devant eux. Voirnotamment la sourate La table, verset 55, et La plaidoirie, verset 22, dans letexte arabe.
A la botte de Téhéran
C’est à partir de transfuges d’une autre formationchiite, Amal, que se constitue le Hezbollah lors de l’intervention israélienneau Liban. L’Iran, qui a bien vu que cette situation, lui offre l’occasion, nonseulement de promouvoir au pays du Cèdre une république islamique sous lahoulette du Hezbollah, mais encore de disposer d’une tête de pont dans larégion et s’empresse alors de dépêcher des centaines de gardes révolutionnairespour entraîner et former cette nouvelle milice.
Bientôt, le Hezbollah va lancer – souvent sous des noms d’emprunt – des opérationsterroristes contre les occidentaux – des prises d’otages à de sanglantesattaques telles celle perpétrée contre le quartier général des Marinesaméricains à Beyrouth qui fera 240 morts, et contre les troupes françaises,tuant 63 soldats. Les uns et les autres se trouvaient là pour mettre un terme àla guerre civile qui ensanglantait le pays.
Parallèlement le Hezbollah commence sa lente ascension vers le pouvoir. Leparti Amal est affaibli. Fort de l’appui de la Syrie et du soutien massif del’Iran en armes, munitions et financement, le Hezbollah constitue désormais lamilice armée la plus puissante du pays ; il est aussi auréolé de la gloired’avoir combattu Israël. Une gloire qui dépasse les frontières du Liban etenglobe tout le Moyen-Orient.
Le rapprochement entre la Syrie et l’Iran intervenu après la guerre du Golfe vapermettre un approvisionnement régulier en matériel militaire sophistiquéiranien transitant par le territoire syrien. Procédant par coups de force etintimidation, le Hezbollah devient un état dans l’état qui se permetd’affronter l’armée. Des dirigeants chrétiens et sunnites commencent às’inquiéter devant ce qu’ils perçoivent comme une menace pesant surl’indépendance et l’intégrité du pays.
La question des armes dont dispose l’organisation et de ses liens avec l’Irandevient la préoccupation numéro un des Libanais et le principal sujet dediscussion du « Dialogue national » qui cherche à trouver un équilibre entreles multiples communautés ethniques et religieuses du pays.
Opérations terroristes tous azimuts
Toujours aux ordres de Téhéran, leHezbollah se lance dans des opérations terroristes tous azimuts : établissementd’un réseau terroriste dans les pays du Golfe, où Bahreïn va bientôt proclamerla milice chiite organisation terroriste ; réseaux aussi au Pakistan, enAmérique latine et en Europe, toujours dans le but de promouvoir la révolutionislamique.
En Amérique latine, l’organisation, qui n’hésite pas à se lancer dans lelucratif commerce de la drogue pour financer ses activités, va organiser desopérations spectaculaires. Attaque contre l’ambassade d’Israël à Buenos Airesen 1993 et, trois ans plus tard, l’effroyable attentat contre les bâtiments dela communauté juive de la ville, faisant des dizaines de morts et des centainesde blessés.
Ces attaques contre Israël se poursuivront après le retrait total des troupesisraéliennes du territoire libanais. Tirs de missiles de type Katioucha contredes populations civiles, raids, kidnapping de soldats en territoire israélien,tentatives de créer un réseau terroriste à l’intérieur du pays. Ce qui aboutità la seconde intervention israélienne au Liban en 2006, au cours de laquelle,pas moins de 3 500 missiles s’abattent sur le nord d’Israël.
En 2009, c’est l’Egypte qui découvre avec stupeur l’existence d’un réseauterroriste sur son sol : le but était de fomenter des désordres dans lapéninsule du Sinaï et dans la zone du canal pour affaiblir le régime deMoubarak, qui avait pris la tête du front des pays arabes pragmatique contrel’Iran.
Et l’ascension du Hezbollah au Liban se poursuit. En 1992, le Mouvement réussità faire élire neuf de ses membres au parlement, devenant ainsi partie prenanteau jeu politique. Il forme une alliance avec les restes du parti Amal, et defaçon plus étonnante, avec le parti du très chrétien général Aoun.
La victoire de l’Islam radical
En 2005, il est impliqué dans l’assassinat del’ancien Premier ministre Rafik Hariri, déclenchant des condamnationsinternationales unanimes. La cour pénale internationale créée pour découvrirles auteurs du meurtre lance un mandat d’arrêt contre quatre membres del’organisation – laquelle refuse d’obtempérer. Elle refuse également derespecter les nombreuses résolutions du Conseil de sécurité qui demandentqu’elle soit désarmée – y compris la résolution 1701 qui met fin à la secondeguerre du Liban. Elle sait que c’est la puissance de sa milice qui la rendintouchable.
En 2009, le Hezbollah et ses alliés obtiennent 57 sièges au parlement, tandisqu’une coalition de sunnites, de druzes et chrétiens obtient 71 sièges, soitune majorité absolue. Menaces et épreuves de force font leur effet, etl’organisation et ses alliés demandent et obtiennent un tiers des postesministériels. Cela ne leur suffit pas : ils font tomber le gouvernement de SaadHariri.
Mikati, qui lui succède, leur accorde 18 ministres sur un total de 30, maisrenonce rapidement à gouverner et démissionne. Salam Tamam, nommé Premierministre il y a quelques mois, n’a toujours pas réussi à former un nouveaugouvernement. Le Liban est alors plongé dans une crise politique qui menace sonintégrité et sa stabilité.
Les attaques terroristes à l’étranger se multiplient – de la Thaïlande à laTurquie, à Chypre et en Azerbaïdjan. Pourtant l’Union européenne se refusetoujours à qualifier l’organisation de terroriste. Même le sanglant attentat deBurgas, perpétré en Bulgarie, pays membre de l’Union, ne parvient pas à ladécider.
Il va falloir l’intervention massive des militants du Hezbollah aux côtésd’Assad en Syrie pour que l’Union européenne comprenne qu’elle ne pouvait plusse voiler la face. Enfin pas tout à fait, puisqu’elle s’est contentée de mettrela branche armée du Hezbollah sur la liste des organisations terroristes, sansse donner la peine de se demander qui donc donnait des ordres à cette branchearmée.
Face à al-Qaïda, mouvement terroriste sunnite, le Hezbollah chiite tout aussimeurtrier est aux ordres de son patron, l’Iran. En refusant de reconnaître sanature terroriste, l’Union européenne offre une belle victoire à l’Islamradical et fait la preuve que l’Europe n’est pas prête à l’affronterouvertement.