Morsi, médiateur légitime ?

L’Egypte est-elle la clé pour parvenir à la trêve ?

2111JFR7 521 (photo credit: Reuters)
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L’Egypte jouedepuis longtemps les entremetteurs entre Israël et le Hamas. Son président,Mohamed Morsi, se pose aujourd’hui en nouveau médiateur. Il entend sedistinguer de son prédécesseur, Hosni Moubarak, accusé d’être à la solde desAméricains et des Israéliens. Les capacités diplomatiques égyptiennes vont êtremises à l’épreuve, ces jours-ci, suite au lancement de l’opération “Pilier dedéfense”.

Les capitales occidentales ont enjoint l’Egypte d’user de son influence auprèsdu gouvernement gazaoui, pour empêcher une montée en puissance des combats.Catherine Ashton, chef de la diplomatie de l’Union européenne, a jugé -contrairement à la France - le Hamas responsable de l’embrasement mais appelleIsraël à une “réponse proportionnée”.
A l’instar de ses homologues américain et russe, l’UE s’en est donc remise à la“présidence égyptienne” pour “apaiser la situation”. Le Caire semblerait laseule voie tangible pour accéder au Hamas.
Pour mémoire, avant son élection, Mohamed Morsi était le chef du Parti de laliberté et de la justice, une formation politique issue des Frères musulmans,tout comme le Hamas au pouvoir à Gaza. A titre de représailles envers l’Etatjuif, le président égyptien a ordonné, mercredi 14, le rappel de sonambassadeur en Israël. Morsi s’est par la suite entretenu avec le présidentBarack Obama. Conclusion du dialogue : “Nous avons discuté de la nécessité demettre fin à cette agression et de faire en sorte qu’elle ne se répète pas”.
Et le président égyptien de préciser : “J’ai expliqué le rôle de l’Egypte, saposition, le fait que nous veillons à préserver les relations avec les Etats-Uniset avec le monde. Tout en signifiant notre refus total de cette agression”.Voici, évoquée du bout des lèvres, la position délicate du Caire : MohamedMorsi s’apprête à entamer un difficile parcours d’équilibriste.
Le gouvernement doit manoeuvrer habilement, entre soutien populaire égyptienenvers la cause palestinienne et souci de préserver de bonnes relations avecWashington, dont il ne peut se passer de la précieuse aide financière. Morsin’en a pas moins dénoncé l’opération militaire israélienne comme une “agressionflagrante contre l’humanité”.
“L’Egypte ne peut plus se porter garante d’une trêve” Jeudi 15 novembre, leHamas annonçait la venue du Premier ministre égyptien Hicham Qandil dans labande de Gaza. “Nous saluons cette visite et apprécions cette positioncourageuse”, a déclaré le porte-parole du Hamas, Taher al- Nounou, estimant quece geste “confirmait le soutien du gouvernement égyptien au peuple de Gaza”.Mohamed Morsi a renchéri : “Les Israéliens doivent réaliser que cette agression,nous ne l’acceptons pas et qu’elle ne peut mener qu’à de l’instabilité dans larégion.” Ultime promesse du président égyptien : “Le Caire ne laissera pas Gazaseule.”
Depuis mercredi, Mohamed Morsi multiplie les initiatives, mais sa marge demanoeuvre est réduite : il est obligé d’agir pour satisfaire la rue égyptienne; la situation dans le Sinaï a cependant refroidi les relations entre lesFrères musulmans et le Hamas ; et il doit soigner sa crédibilité sur le planinternational.
Il a donc tout intérêt à éviter un embrasement définitif de la situation.Enfin, lorsque les esprits sont occupés par des questions de politiqueextérieure, les problèmes internes sont momentanément mis de côté. Ce rôled’ambassadeur permet à Morsi de faire diversion, en quelque sorte.
En début de semaine, les échanges se poursuivaient, en particulier au Caire,pour un arrêt des hostilités. Lundi matin, la trêve n’était toujours pas àl’ordre du jour. Les efforts pour parvenir à un cessez-le-feu ont échoué,déclarait le porteparole du Hamas, Sami Abou Zouhri. Une annonce qui faisaitsuite à la rencontre entre son leader, Khaled Mashaal, et le président Morsi,au Caire. Pour autant, certains officiels du Mouvement de résistance islamiqueaffirmaient ne pas avoir écarté la possibilité de voir les Egyptiens obtenirune trêve rapidement. Mardi matin, des négociations étaient toujours en cours.Israël avait accepté de geler une invasion terrestre avant d’avoir épuisétoutes les options diplomatiques.
Une solution acceptable pour le Hamas serait de voir les Etats-Unis, principalallié de l’Etat hébreu, devenir “un garant” du respect du cessez-le-feu. Car,ainsi résument les spécialistes du journal Haaretz en matière de défense : “Unedes difficultés actuellement est l’absence d’un médiateur suffisamment influentpour arracher un accord”. Pourtant, Mohamed Morsi se déclarait, samedi soir,optimiste sur “la possibilité d’un cessez-le-feu dans un proche avenir”.
En janvier 2009, c’est une trêve négociée par l’Egypte qui avait permis demettre fin à l’opération “Plomb durci”, initiée 22 jours plus tôt par Israël,dans le but d’enrayer les incessants tirs de roquettes en provenance de labande de Gaza 
Soutien international à Israël mais...
Les grandes puissances semblent favorables à l’offensive. A condition qu’il n’yait pas trop de victimes...
Tovah Lazaroff

A l’annonce de l’opération “Pilier de défense”, les opposants habituels àIsraël ont aussitôt dégainé, accusant le gouvernement Netanyahou de militarismeet d’opportunisme électoraliste. Plusieurs manifestations ont ainsi éclaté dansle monde en soutien à Gaza : à Paris, Londres, au Canada et en Indonésie.Cependant, les gouvernements occidentaux, souvent prompts à la critique, sesont cette fois-ci montrés favorables à l’offensive, en mentionnant laresponsabilité du Hamas et le droit légitime à l’autodéfense du côté de l’Etathébreu. Aux Etats-Unis, appuyant les propos du président Barack Obama qui aaffiché son soutien à Israël et une bonne entente retrouvée avec le Premier ministreBinyamin Netanyahou à plusieurs reprises, le vice-conseiller à la sécuriténationale de la Maison Blanche, Ben Rhodes, a fait savoir à la presse que lesAméricains “voulaient la même chose que les Israéliens”, à savoir mettre unterme aux attaques de roquettes palestiniennes.
Côté européen, après les déclarations de soutien de la chef de la diplomatieétrangère Catherine Ashton, assez inhabituelles de sa part, l’Allemagne et laGrande-Bretagne se sont également déclarées en faveur de l’offensive. Vendredi16 novembre, un porte-parole du gouvernement fédéral allemand a ainsi expliquédevant la presse que “le Hamas est responsable de la flambée de violence àGaza. Il n’y a pas de justifications à ces attaques de missiles, qui fontterriblement souffrir la population civile”. Et de conclure que le gouvernementd’Israël “a le droit et l’obligation” de protéger ses citoyens.
Quant à la France, sa réaction n’a pas dérogé à la prise de positionconsensuelle qui consiste à ménager la chèvre et le chou. Le ministre desAffaires étrangères, Laurent Fabius, s’est rendu en Israël dimanche 18 novembrepour, selon son ministère, “parler à toutes les parties et arrêter l’escalade”.A l’issue de sa visite, il a affirmé à la chaîne de télévision France 2 que lesdeux mots d’ordre étaient “urgence et cessez-le-feu”. Selon le journal LeMonde, le ministre a déclaré aux journalistes qui l’accompagnaient que lesoutien de l’Hexagone “à la cause palestinienne n’est pas contesté et en mêmetemps, nous avons des contacts avec les Israéliens. Nous sommes presque lesseuls dans cette position-là. Nous parlons aux uns et aux autres, nous sommesreconnus par les uns et par les autres, et nous voulons la paix”.
Le secrétaire général de l’ONU, Ban Kimoon, était lui aussi en route vers larégion, lundi 19 au matin, afin d’encourager un cessez-le-feu : “Ceci doitcesser,” a-t-il déclaré à la presse, “j’appelle avec force les deux parties àcoopérer avec les efforts menés par l’Egypte”.
Pas de soutien à une opération terrestre 
Mais de l’avis général, les paysoccidentaux risquent cependant de changer de ton en cas d’offensive terrestre àGaza.
Le secrétaire britannique aux Affaires étrangères, William Hague, a ainsi misen garde le gouvernement israélien dans un entretien accordé à la chaîneanglaise Sky News : “Le Premier ministre David Cameron et moi avons tous deuxfait savoir à nos homologues israéliens qu’une intervention terrestre à Gazaferait perdre à Israël une bonne part du soutien international”. Et d’expliquer: “Il est bien plus difficile d’éviter les pertes civiles lors d’une opérationau sol”.
C’est en effet la question des victimes qui préoccupe l’Occident. Le présidentObama, répétant son message de soutien à Israël, a lui aussi exprimé sapréférence pour une solution faisant cesser les tirs de roquettes sans faireentrer les fantassins de Tsahal à Gaza. “Ce n’est pas seulement mieux pour lescivils palestiniens, c’est préférable pour les Israéliens parce que les troupesseraient bien plus exposées à un risque de blessures ou de pertes”. Seloncertains experts, ce sont surtout les images de morts d’enfants et de femmesdiffusées partout dans le monde qui posent problème aux diplomaties étrangères.Alors que de nombreuses associations de droits de l’Homme parlent déjà de “massacre”,les gouvernements occidentaux ne veulent pas sembler cautionner des morts quiindignent forcément l’opinion.
Car quelle que soit la précision des frappes israéliennes, ces pertes nemanquent pas d’arriver. Israël pourra toujours rappeler que le Hamas cache descibles militaires au milieu des civils et que Tsahal a prévenu la population deGaza d’évacuer les zones où se cachent des terroristes. Mais de telles images,cyniquement exploitées par le Hamas, sont précisément ce qui pourrait rapidementfaire changer le soutien en opposition.