Si les amateurs israéliens sont aussienthousiastes que partout ailleurs, d’importantes différences sont à signalerdans la scène canine locale, même en comparaison avec d’autres pays à petitespopulation. « La plupart des Israéliens connaissent mal l’élevage de chiens.Sans doute parce qu’une grande partie de la population est religieuse ou enencore issue des pays orientaux, où les chiens sont considérés comme sales »,analyse Myrna Shiboleth, éleveuse, dresseuse et juge de longue date. «J’avancerai également l’histoire particulière des Juifs, et même l’Holocauste», ajoute Orit Nevo. « Historiquement, les Juifs n’avaient pas le droitd’élever des chiens en diaspora. Ils n’avaient pas le droit de détenir desterres et les chiens appartenaient aux nobles. Evidemment, les chiens ont aussi été utilisés par les nazis ».Conséquence : « il ne vient presque jamais à l’idée des gens d’adopter deschiens avec pedigree, issus d’un bon élevage », déplore Shiboleth. « Les gensnous disent : “un chien est un chien. Même si nous voulons un animal de racepure, que nous importe de savoir s’il a un pedigree ? S’il a l’air d’un labrador,c’est un labrador !” » Et de continuer : « Ils ne comprennent les moyensinvestis pour produire un bon chien, et ils ne voient pas non plus pourquoi ilsiraient chez quelqu’un qui prendra ensuite ses responsabilités.C’est pourquoi vous avez autant de chiens qui finissent à la fourrière ou dansles associations de secours ». Shiboleth, fondatrice du chenil de Shaar Hagaï en 1970, est une experteinternationale des chiens de Canaan, l’une des seules races de chienssemi-sauvages au monde, originaires d’Israël. Elle élève également des colleysà poils long depuis plusieurs décennies. Ces dernières années, elle s’estlancée dans l’importation et l’élevage des colleys à poils courts, qui se sontavérés être de bons chiens d’assistance pour les malades d’Alzheimer, unepremière au monde.Autre différence notoire en Israël : l’existence d’une poignée d’éleveursseulement possédant les infrastructures nécessaires à un élevage correct. Leprincipal problème ? L’espace.En Europe, la plupart des éleveurs vivent à la campagne, où ils possèdent toutela place nécessaire pour les animaux.« Ici, c’est très compliqué de trouver un endroit où élever un certain nombrede chiens sans que les voisins se plaignent », commente Shiboleth. « LesIsraéliens vivent souvent dans des espaces urbains confinés, et l’élevage coûtecher ».Les chenils se sont même avérés problématiques dans les moshavim, à moinsd’être situés loin des zones résidentielles.Le meilleur ami du Russe
Forte d’un million de ressortissants, la communautérusse émigrée en Israël après la chute de l’ex-URSS, à la fin des années 1980et au début des années 1990, a clairement marquée la société israélienne de sonempreinte, et en particulier le milieu canin. « Sans les Russes, je pense quen’aurions quasiment rien aujourd’hui. Cette aliya a été un formidable coup defouet pour la scène canine israélienne », se réjouit Shiboleth. « Ici, on nes’intéressait pas particulièrement aux chiens, certain pas comme aujourd’hui.Mais eux, ils connaissaient ce monde canin en Russie. Ils se sont vite montrésactifs, et ils en emmenés avec eux de très bons chiens ». « Plus que laquantité, c’était une question de quantité », renchérit Orit Nevo. « En Russie,il y a une vraie tradition de chiens de race pure et de compétitivité. L’Etathébreu leur a donné les moyens d’y exceller ».Une excellence particulièrement visible dans l’élevage de terriers, quiexistait à peine dans le pays avant l’aliya soviétique. La plupart despropriétaires qui emmènent des terriers d’élevage aux concours, par exemple lesschnauzers, sont russophones. « Ce sont les seuls à investir du temps et del’argent dans tout cela », pointe Inna Blayvas, présidente de la commission desconcours à l’IKC, elle-même émigrée de Russie. « Par exemple : un schnauzerdoit avoir une coupe de poils particulière pour pouvoir concourir. Il fautfaire de longs trajets pour trouver quelqu’un qui sache le faire comme il faut,parfois situé à plus de 3 heures de voiture. La plupart des Israéliens desouche n’ont pas envie de se donner autant de mal ». D’ailleurs,explique-t-elle, ce n’est pas tant que les Russes ont amené de bons chiens aveceux, mais qu’ils ont « développé ce hobby ici en important de belles bêtesd’Europe. Les russophones adorent les chiens et sont naturellement compétitifs.» Informaticienne de métier, Blayvas emmène souvent des toutous à l’étrangerpour des concours. « J’adore partir et je ne dépense mon argent pour riend’autre, tout part sur les concours canins. J’adore ça, et je suis prête àinvestir pour gagner ! », dit-elle en riant.Faut-il avoir du chien pour gagner un concours de chiens ?
Ces 15 dernièresannées, les compétitions de jeunes maîtres ont beaucoup gagné en popularitédans le pays.Des jeunes de 6 à 16 ans dévoilent leurs talents sur l’estrade du concours :présenter le chien et soi-même, montrer la posture, le contact des yeux et mêmele savoir en matière canine. En d’autres termes, c’est celui qui tient lalaisse qui est jugé. Les adolescents les plus talentueux peuvent ensuite gagnerde l’argent en présentant aux concours internationaux des animaux qui ne leurappartiennent pas. Les meilleurs dresseurs, souvent des filles, affichentcomplet. « Les enfants apprennent ainsi à respecter une créature vivante, etils découvrent les valeurs sportives : coopération et compétition », sefélicite Orit Nevo.Mais tout le monde ne partage pas son enthousiasme.« Parfois, ca devient trop compétitif. Les filles se mettent à faire davantageattention à leurs tenues et à leurs poses qu’aux chiens », regrette Shiboleth,dont la fille, Dorcas, est devenue il y a 30 ans la première dresseuse juniorisraélienne, à seulement 10 ans.L’expérience de ces jeunes maîtres dans les concours leur sert souvent ensuitede tremplin pour être admis dans les unités canines de Tsahal, au moment deleur service militaire. Une admission qui passe par des épreuves réputées trèsdifficiles.A 20 ans, Ilana Gutman est officier de carrière dans l’unité canine de l’arméede l’air. Cette originaire d’Arad a commencé à dresser des chiens à l’âge de 13ans, sous l’impulsion de quelques amis qui lui ont fait découvrir cet univers.« Il n’y a pas d’école pour apprendre à dresser, mais ça vient en travaillantavec différents chiens et en développant un contact particulier ».Paz Davidovich, 23 ans, a elle aussi commencé à l’adolescence.Aujourd’hui, c’est une dresseuse professionnelle. En 2005, elle défendait lescouleurs israéliennes comme dresseuse junior lors du Cruft show, à Birmingham,en Angleterre, la plus grande et prestigieuse exposition canine au monde. « EnIsraël, l’ambiance est familiale et chaleureuse dans le milieu canin. Mais, àl’étranger c’est très différent », se rappelle la jeune femme. « Tout est sigrand, il y a tant de participants et de chiens qu’on s’y perd ».Sa jeune soeur Yaël vient de remporter la compétition israélienne de jeunesdresseurs. Paz, elle, travaille pour s’offrir la formation en thérapie caninepour les personnes à besoins spécifiques à l’Institut Wingate pour l’éducationphysique et sportive, près de Netanya.« C’est un univers très spécial qui influence profondément ceux qui ont fontpartie. On travaille très dur, mais il y a cette forme de liberté qui estdifficile à expliquer aux autres. On développe des relations spéciales avec lesautres et, bien sûr, avec les chiens ».