Washington – 2009, premier mandat du président Barack Obama. Sa jeuneadministration tente de réchauffer les relations américaines avec la Russie.
Pour ce faire, la nouvelle secrétaire d’Etat Hillary Clinton offre au ministredes Affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, un faux bouton rouge « restart», histoire de rire de l’histoire tourmentée entre les deux pays.Malheureusement, ces efforts resteront lettre morte et, tel un mauvais présage,la mention russe sur le bouton, mal orthographiée, signifiait « trop lourd » aulieu de « nouveau départ ».
Aujourd’hui, à l’orée d’un nouveau mandat, l’administration Obama veut ànouveau mettre les compteurs à zéro. Cette fois-ci, ce ne sera pas Clinton quisurvolera l’Europe, mais le président lui-même qui se rendra en Israël pourouvrir un nouveau chapitre dans sa relation avec le Premier ministre BinyaminNetanyahou. La paix ne semble néanmoins pas au programme de ce nouveaurendez-vous.
Mardi 5 février, les médias israéliens se sont fait l’écho de la visiteprésidentielle. Décalage horaire oblige, la Maison Blanche prenait le relaispeu après. La déclaration officielle américaine ne fait aucune mention duconflit israélopalestinien.
A la place, il est indiqué que Netanyahou et Obama discuteront « de la marche àsuivre sur plusieurs sujets de préoccupation communs, dont l’Iran et la Syrie».
Le lendemain, alors que l’Autorité palestinienne s’est félicité à son tour dela nouvelle, le porte-parole de la Maison Blanche, Jay Carney, ajoutait : «Nous avons un second mandat pour le président, une nouvelle administration etun nouveau gouvernement en Israël. C’est un bon moment pour une visite qui nesoit pas focalisée sur le processus de paix au Proche-Orient ». Et, bien que lesujet sera sûrement évoqué au cours des rencontres avec Netanyahou et ledirigeant de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, « tel n’est pas le but dela visite », a martelé Carney.
Ceux qui souhaitent voir Obama s’investir personnellement dans le processus depaix seront probablement déçus, mais ces déclarations suggèrent malgré tout queles efforts pour partir d’un bon pied avec le gouvernement israélien pourraients’avérer fructueux.
Le ton s’adoucit
Tout d’abord, la Maison Blanche place la barre plutôt bas.
Ce sont les attentes élevées – et les demandes américaines envers lesIsraéliens, les Palestiniens et les Etats arabes restées lettre morte – qui ontcontribué à saboter les initiatives du premier mandat d’Obama concernant leprocessus de paix. Des espoirs déçus peuvent être, en fin de compte, aussinocifs à ce processus que la violence et c’est pourquoi la classe dirigeanteisraélienne croit qu’il est important de ne pas trop en générer afin de gérerle conflit correctement jusqu’à ce qu’une solution soit atteinte.
De plus, Obama s’est trompé lors de son premier mandat, pensant qu’il pouvaitgagner le soutien des Israéliens pour son programme de paix en se contentant deleur lancer un appel depuis Washington et en ignorant Netanyahou. LesIsraéliens venaient d’élire Bibi, ce qui signifiait un minimum de soutien à sonprogramme diplomatique, et, qui plus est, ils n’ont pas apprécié qu’Obamas’adresse à eux depuis le Bureau ovale, alors qu’il avait fait le déplacementpour se rendre en Egypte, en Turquie et en Arabie Saoudite.
Cette fois-ci, le premier voyage officiel d’Obama sera pour l’Etat hébreu. Laleçon a été retenue. « Le soutien populaire israélien à Obama n’est pas trèsélevé, et ce voyage sera une occasion pour les Israéliens de voir le présidentde près, de façon personnelle, ce qui est une bonne chose », analyse RobertDanin, ancien chef de mission à Jérusalem du représentant du Quartet, TonyBlair. « Cela permettra à Obama d’établir de nouveaux liens avec legouvernement israélien, mais également avec le peuple israélien ». Et d’ajouter: « c’est moins important sur le plan diplomatique que sur le planpsychologique ».
Une approche moins frontale
Pour Aaron David Miller également, le voyage estdavantage destiné à réparer une relation malmenée que de plancher sur l’Iran oules Palestiniens. Obama, explique cet ancien conseiller au département d’Etatpour le processus de paix, a compris que pour faire progresser ces deux vastesdossiers, il lui faut établir une meilleure relation avec Netanyahou.
« Personne ne peut prédire du succès de l’opération, mais cela a l’air d’allerdans le bon sens », se réjouit celui qui voit la relation entre les deuxleaders comme la pire qui ait jamais existé entre dirigeants israélien etaméricain.
Quel que soit le résultat final, la visite d’Obama en Israël montre clairementque le président veut s’essayer à une nouvelle approche. « Il fallait oserquelque chose de neuf », dit Danin, « et c’est exactement cela ». Selon StevenSpiegel, politologue et enseignant à l’université de Los Angeles- Californie,ce ne sera pas la première fois qu’un président américain tente une approchedifférente et moins frontale avec Israël lors de son second mandat.
« En général, les présidents se font moins durs avec Israël lors de leur secondterme », commente-t-il. « Ils se rendent compte que la coopération marche mieux». Pour Spiegel, qui se réfère à l’histoire, les présidents pensent souvent quefaire pression sur l’Etat hébreu apportera des résultats au niveau des paysarabes. Mais, frustrés par les leaders arabes qui ne tiennent pas leurspromesses, ils se tournent alors de nouveau vers Jérusalem pour repartir sur demeilleures bases.
« La déception sur le front arabe tend à les faire changer de position et lesprésidents réalisent alors que la tension ne rapporte pas les résultatsescomptés ». Obama a compris qu’il ne parviendrait pas à forcer l’Etat hébreu àfaire ce qu’il ne souhaite pas, et se montre donc, somme toute logiquement,moins frontal cette fois-ci.
Enfin, si le leader ne fait apparemment aucune allusion à la paix, il pourraitnéanmoins décider de saluer Netanyahou par un chaleureux « shalom ». Et par lamême occasion, ajouter un « shalom haver ». Cette phrase, employée par leprésident Bill Clinton lors de l’enterrement à Jérusalem du Premier ministreassassiné Itzhak Rabin, aurait de quoi charmer les Israéliens, en mald’affection américaine.