Rendez-vous le 17 mars

Israël se dirige, si aucun bouleversement de dernière minute ne survient, vers des élections anticipées. La campagne est lancée. Retour sur les différents partis en course, les unions scellées en coulisse, les stratégies et les prévisions

Israeli election ballots [File] (photo credit: MARC ISRAEL SELLEM/THE JERUSALEM POST)
Israeli election ballots [File]
(photo credit: MARC ISRAEL SELLEM/THE JERUSALEM POST)
C’est le feuilleton le plus suivi en Israël ces dernières semaines. Les spectateurs sont en suspens : Y aura-t-il, oui ou non, des élections ? Après que le Premier ministre ait remercié Yaïr Lapid et Tzipi Livni la semaine dernière, et que la date ait officiellement été fixée au 17 mars prochain ; nouveau rebondissement ces derniers jours. Selon plusieurs médias israéliens, Benjamin Netanyahou aurait tenté jusqu’à la dernière minute d’éviter la tenue d’un scrutin anticipé en travaillant à la mise en place d’une nouvelle coalition : Likoud, HaBayit HaYehoudi, les partis orthodoxes et Israël Beiteinou. Netanyahou se serait rendu au domicile d’Avigdor Liberman, qui selon la tradition juive respecte les sept jours de deuil après le décès de sa mère, pour qu’il accepte de s’asseoir avec Shas et Yahadout Hatorah. Mais ce dernier a refusé. « Bien que nous croyions que le moment est mal choisi pour des élections, l’option de former un nouveau gouvernement est encore pire », a fait savoir le parti du chef de la diplomatie dans un communiqué, faisant ainsi taire les rumeurs, férocement démenties par le Likoud également.
Le rendez-vous est donc pris. Les Israéliens se rendront aux urnes le 17 mars, dans moins de 100 jours. Ce lundi, à l’heure où nous mettons sous presse, les députés devaient voter en deuxième et troisième lecture la dissolution de la 19e Knesset, 671 jours à peine après son intronisation, et marquer le coup d’envoi officiel de la campagne électorale. Mais, en coulisses, les tractations entre les différents partis politiques vont bon train depuis déjà plusieurs semaines.
Car les partis ont tous tiré la même leçon de l’immobilisme dans lequel des alliances contre nature ont figé le dernier gouvernement. La dichotomie fait son grand retour sur la scène politique israélienne. Finis les petits partis, cette fois ce sera un bloc de droite contre un bloc de gauche. Tour d’horizon des alliances en vue, des stratégies et des pronostics…
Likoud
Actuellement : 18 sièges
Sondages : 21-30 sièges
Ce sera la campagne d’un seul homme. Benjamin Netanyahou va se présenter comme l’unique candidat capable de diriger le pays, tant face aux différentes menaces sécuritaires qu’aux challenges économiques.
Mais rien n’est gagné d’avance. Alors que tous les pronostics lui étaient encore favorables la semaine dernière, un sondage a révélé ce week-end que seulement 34 % des Israéliens considèrent Netanyahou comme le candidat le plus apte à prendre les rênes du pays, 60 % espérant qu’il soit remplacé. Mais par qui ?
Quand on demande aux sondés s’ils préfèrent Netanyahou ou le leader travailliste Itzhak Herzog, 45 % répondent Bibi, 44 % Bouji. Et les autres leaders sont loin derrière : Netanyahou bat Naftali Bennett de 12 points, Yaïr Lapid de 17 points et Avigdor Liberman de 28 points.
A moins que la menace ne vienne de l’intérieur. Si Netanyahou a du souci à se faire, c’est au sein de la nouvelle génération du Likoud, son propre parti. L’ancien ministre de l’Intérieur Gidon Saar, qui a annoncé « prendre une pause » il y a à peine trois mois, pourrait envisager un retour précipité suite à la publication d’un sondage le donnant vainqueur face au Premier ministre. D’après les résultats, 43 % des Israéliens choisiraient Saar, 38 % seulement Netanyahou. Même si dans l’entourage de l’ancien ministre, on refuse pour l’instant de commenter ces chiffres, Netanyahou serait inquiet. Le chef du Likoud mettrait tout en œuvre pour avancer la date des primaires du parti, prévues le 6 janvier prochain, dans le but de prendre son rival de cours.

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Car il serait dommage de ne pas sortir vainqueur des primaires, quand tout est déjà ficelé. Netanyahou a déjà choisi qui seront ses alliés au sein du prochain gouvernement. Le chef du Likoud devrait cette fois s’associer à HaBayit HaYehoudi de Naftali Bennett ainsi qu’aux partis orthodoxes, Shas et Yahadout Hatorah. A Bennett, il aurait promis le portefeuille des Affaires étrangères, ou celui de la Défense. Les orthodoxes retrouveraient leurs places traditionnelles et respectives au sein des précédents gouvernements : ministère de l’Intérieur pour les Séfarades, comité des Finances de la Knesset pour les Ashkénazes.
HaBayit HaYehoudi
Actuellement : 12 sièges
Sondages : 16-18
Naftali Bennett a fait son mea culpa. Il s’est excusé pour l’alliance passée il y a deux ans avec Yaïr Lapid. Le chapitre est clos. Cette fois, le chef du parti nationaliste religieux prêtera allégeance au Likoud. Naftali Bennett l’a dit samedi 6 décembre, lors du Forum Saban à Washington. Il s’engage dans une campagne « propre » et n’attaquera pas le Premier ministre, les deux hommes souhaitant former « un bloc national fort ». Malgré sa popularité croissante, Bennett a affirmé ne pas être « obsédé » par le poste de Premier ministre.
Shas
Actuellement : 11 sièges
Sondages : 7-9
Yahadout Hatorah
Actuellement : 7 sièges
Sondages : 8
Ils ont auront été les grands absents du gouvernement sortant. Depuis 1981, au moins un des deux partis orthodoxes avait siégé au sein de 11 gouvernements sur 15. Pendant que Shas et Yahadout Hatorah ruminaient dans l’opposition, les partis laïques en ont profité pour faire avancer leur agenda. Si beaucoup de réformes initiées par le 33e gouvernement n’ont pas abouti, celles qui visaient le public orthodoxe auront vite été votées. Une des mesures phares a été la coupe budgétaire infligée aux étudiants des yeshivot (écoles talmudiques) financées par l’Etat, faisant passer le budget alloué de 1 milliard de shekels à 622 millions. Il y a aussi eu la loi sur l’enrôlement de ces derniers. En entrant dans une prochaine coalition, exigeront-ils un retour en arrière de ces mesures ? Un indice. Jeudi soir dernier, alors qu’il venait de renvoyer Lapid et Livni, Benjamin Netanyahou s’est prononcé contre une clause du texte, qui prévoit deux ans d’emprisonnement pour les réfractaires. Une chose est sûre : maintenant que le Likoud leur fait la cour, les partis orthodoxes feront tout pour défendre les classes sociales faibles qu’ils représentent. Au programme : une hausse certaine des allocations familiales.
Mais auprès du public, les partis orthodoxes sont moins populaires. Selon un sondage mené ce week-end, 62 % des Israéliens sont en faveur d’un gouvernement sans les formations politiques orthodoxes. 65 % des sondés d’obédience religieuse nationaliste et 95 % des ultraorthodoxes se sont toutefois opposés à leur exclusion.
Israël Beiteinou
Actuellement : 13 sièges
Sondages : 9-14
S’il a refusé de rejoindre une coalition alternative, Avigdor Liberman pourrait naturellement s’allier au bloc de droite formé par Benjamin Netanyahou à l’issue du scrutin. Auquel cas, il hériterait cette fois du ministère de la Santé. Mais selon certaines rumeurs, Israël Beiteinou pourrait refuser de siéger avec les partis orthodoxes et choisir de flirter avec le parti laïque de Yaïr Lapid.
Parti travailliste
Actuellement : 15 sièges
Sondages : 12-14
Hatnoua et Kadima
Actuellement : 8 sièges
Sondages : 0-4
« Je serai le prochain Premier ministre d’Israël », a déclaré vendredi Itzhak Herzog depuis le Forum Saban à Washington. Le ton est donné. Le chef du parti travailliste se présente comme la seule alternative au chef du gouvernement sortant. Mais les sondages ne lui accordent que 12 sièges, alors Itzhak Herzog a lancé une opération séduction. Depuis plusieurs jours déjà, il courtise l’ancienne ministre de la Justice et présidente de Hatnoua, Tzipi Livni. Il a également fait des propositions au chef de Kadima. Le but : former une alliance contre le Likoud qui devrait remporter 25 sièges.
J’ai prévenu ma femme, a plaisanté Herzog, « je me consacre à mon couple avec Tzipi ». Le leader travailliste lui aurait offert la deuxième place sur une liste commune, ainsi que deux sièges pour Amram Mitzna et Amir Peretz, dans les dix premières places. Mais Tzipi Livni se contentera-t-elle d’un second rôle ? Pas si sûr. « Je suis candidate pour être Premier ministre… tout comme Herzog », a-t-elle assuré. Selon elle, le paramètre pour la direction du parti dépendra de celui qui emportera le plus de voix pour faire tomber Netanyahou.
C’est que l’ancienne députée Likoud est courtisée : entre Itzhak Herzog et Yaïr Lapid, son cœur balance…
A Shaoul Mofaz, Herzog a proposé une place dans les cinq premières de la liste du Parti travailliste. Ce dernier a fait la moue, mais aura-t-il vraiment le choix ? Kadima pourrait ne pas dépasser le seuil d’éligibilité.
Yesh Atid
Actuellement : 19 sièges
Sondages : 7-11
Si le Premier ministre Benjamin Netanyahou a pris un risque en provoquant des élections anticipées, Yair Lapid avait mal évalué le sien en le poussant à bout, car les sondages ne donnent pas beaucoup de crédit au ministre des Finances sortant.
Lapid avait-il réellement prévu de quitter la coalition et de provoquer des élections immédiatement après qu’aient été votés le budget de l’Etat 2015 et sa loi sur la TVA à 0 %, comme l’en a accusé le Premier ministre ? Impossible de le savoir.
Comme Herzog, Lapid se présente comme la seule alternative à Netanyahou. Comme Herzog, il tente de former un bloc au centre. Et comme lui, il a appelé Tzipi Livni à le rejoindre, offrant à Hatnoua quatre postes sur la liste de son parti. Les pourparlers seraient en cours. Yesh Atid pourrait également s’unir au nouveau parti de Moshé Kahlon, dont le programme n’a pas encore été présenté.
Le ministre des Finances sortant mettra encore une fois l’accent sur les problèmes socio-économiques. Les élections précédant l’adoption du budget de l’Etat 2015, ce sont finalement toutes les grandes réformes de Yesh Atid qui ont été annulées : de la TVA 0 % à la réforme des soins médicaux privés. Ce sera sur ces sujets qu’il attaquera la droite de Netanyahou et la campagne entre les deux hommes s’annonce féroce.
Le parti de Moshé Kahlon
Actuellement : 0
Sondages : 7-12
Moshé Kahlon sera la surprise de ce scrutin. Ancien ministre de la communication du Likoud, il bénéficie d’une grande popularité grâce à la réforme qu’il a initiée dans le secteur de la communication, développant la concurrence et faisant chuter les prix. Kahlon devrait concentrer sa campagne sur les problèmes socio-économiques, même s’il s’est déjà exprimé en faveur d’échanges territoriaux. Il est courtisé par Lapid et Liberman pour la formation éventuelle d’un bloc de centre.
Meretz
Actuellement : 6
Sondages : 7-8
Meretz a appelé les partis de gauche à ne joindre sous aucun prétexte un prochain gouvernement dirigé par Netanyahou. « Tous sauf Bibi », a scandé Zehava Gal-On. Mais jusque-là, seul Shaoul Mofaz s’y est officiellement engagé. Les autres chefs de file ont tous poliment éludé la question.
Hadash, la Liste arabe unifiée-Taal et Balad
Actuellement : 4, 4 et 3 sièges
Sondages : 11
Et puisque la mode est aux blocs politiques, les partis arabes devraient s’y atteler eux aussi. Malgré les importantes divergences qui les séparent, Hadash, la Liste arabe unifiée-Taal et Balad devraient tenter de former une liste commune, depuis que le seuil électoral est passé de 2 à 3,25 %. Une tactique qui leur permettrait de rassembler les votes de la rue arabe et de faire grimper la participation des Arabes israéliens. Au dernier scrutin seulement 56 % des Arabes israéliens s’étaient rendus aux urnes. Selon les sondages, une liste unie pourrait faire se déplacer plus de 70 % des électeurs arabes. Mais une fois le scrutin passé, les partis risquent d’avoir du mal à présenter un agenda commun. 
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