Jouer l’histoire

Avec La rafle du Vel d’Hiv, Marc Chaouat réussit d’enseigner aux jeunes et d’émouvoir les anciens.

 P21 JFR 370 (photo credit: DR)
P21 JFR 370
(photo credit: DR)

La semaine dernière, La rafle du Vel d’Hiv était jouée àJérusalem, au centre culturel Harmony de la rue Hillel. Une centaine depersonnes étaient venues voir la pièce. Un public honorable pour unereprésentation programmée un jeudi à 16 heures.
Comme c’est bien souvent le cas lors des événements francophoneshiérosolomytains, l’assemblée affichait un certain âge, et comptaitrelativement peu de jeunes. Mais en cette période d’examens de fin d’année etde préparation au baccalauréat, quelques grands-parents avaient tout de mêmeréussi à se faire accompagner par un de leurs petitsenfants.
Une belle façon pour cette jeune génération d’apprendre ce qui s’est passé encette sombre période d’une histoire qu’il est important de transmettre.
Bien sûr, impossible de tout raconter en une heure, mais le metteur en scèneMarc Chaouat a proposé là une façon originale d’apprendre. 2012 était l’annéede la rafle, incontestablement. Marquée par la sortie de différents filmsconsacrés à ce terrible sujet. Comme La Rafle, avec Gad Elmaleh, vu par denombreux jeunes grâce à son acteur.
Mais aussi Elle s’appelait Sarah tiré du livre de Tatiana de Rosnay. Pourautant, parler du sujet via une pièce de théâtre, reste assez nouveau etoriginal.
Le mérite en revient donc à Marc Chaouat, metteur en scène originaire de Montpellier.
Là-bas, il dirige le théâtre Lakanal, et fait de sa passion – le théâtre – sonmétier. Après plus de 15 ans passés dans le sud de la France, il fait le choixde venir vivre en Israël.
Et embarque pour une aliya en famille.
L’an dernier, sa première pièce de théâtre Dreyfus, l’amour pour résister avaitconnu un beau succès d’estime à travers plusieurs villes du pays qui avaientaccepté d’accueillir la représentation. La communauté francophone était biensûr au rendez-vous. Parmi les spectateurs, Margalit Getraide, bien connue desFrançais de Jérusalem. S’ensuit une rencontre coup de coeur. Et tout va alorstrès vite. L’idée de faire venir en Israël, la pièce La rafle du Vel d’Hiv,déjà présentée en France, à Montpellier, pour les cérémonies du souvenir, vaprendre jour. L’idée sera de créer un événement en mémoire de Gilbert Getraide,l’époux de Margalit décédé l’année dernière, renversé par un autobus Egged,quelques jours à peine avant d’aller témoigner en France pour les 70 ans de larafle du Vel d’Hiv. Une façon de rendre hommage à tous ces déportés.
Les questions d’une lycéenne 
Sur scène : deux vrai comédiennes. Nadia Ruck, uneFranco-Israélienne qui n’était pas remontée sur les planches depuis des années,mais n’a rien perdu de son talent, interprète avec brio le rôle del’historienne. Pour lui donner la réplique, Christiane Marczewska, venuespécialement de France, redonne vie, tout au long de cette pièce, auxtémoignages d’enfants cachés. Elle incarne avec une véritable émotion tous cesenfants qu’elle porte en elle. C’est elle qui a choisi les textes.
A leurs côtés, une comédienne en herbe, Hannah Chaouat. Jeune lycéenne qui poseles bonnes questions tout au long de ces témoignages.
Car la pièce présente le déroulement de la rafle du Vel d’Hiv à partir destextes de la Grande histoire des Français sous l’occupation d’Henri Amouroux,grâce au questionnement d’une collégienne. Elle est ponctuée par des récits deParoles d’Etoiles, témoignages d’enfants cachés. En point final, la chanson deJean Ferrat, Nuit et Brouillard, aux paroles si éloquentes : Ils étaient vingtet cent, ils étaient des milliers, nus et maigres, tremblants, dans ces wagonsplombés… Résultat d’une mise en scène toute en émotion : des spectateurs quis’essuient les yeux. Avec le tomber de rideau se libère la tristesse contenuetout au long de la pièce.
La meilleure critique qui soit. Quoi de plus beau, de plus bouleversant que ceshommes et ces femmes, dont certains, beaucoup peut-être, ont vécu cettepériode, la ressentir de nouveau au plus profond d’eux-mêmes.
Marc Chaouat aimerait aujourd’hui diffuser cette pièce dans les écoles etcollèges. Mais, une fois encore, l’argent reste le nerf de la guerre : il nesera pas aisé de trouver des sources de financement. Pourtant, l’enjeu est detaille. Si on en croit Hannah Chaouat, jeune héroïne, elle a déclaré avoirbeaucoup appris grâce à cette pièce. Désormais, elle veut approfondir sesconnaissances, se renseigner sur le sujet. Une belle leçon à tirer : les jeunesont besoin de témoignages.
Malheureusement avec le temps, ils sont de plus en plus rares.
Le metteur en scène a déjà en tête d’autres projets. Comme la représentation deVenise sous la glace, une pièce qu’il a mise en scène et a connu un beau succèsen France. Les critiques sont unanimes.
C’est grâce à ce genre d’initiatives que pourra se développer la francophonieen Israël. A suivre, donc…