Le choix kafkaïen de l’Egypte

Au lendemain du premier tour des présidentielles en Egypte, les citoyens devront désormais choisir entre un ancien militaire et un Frère musulman

egypte (photo credit: © Reuters)
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(photo credit: © Reuters)

Jeudi 24 mai s’est clos le premier tour des électionsprésidentielles en Égypte, avec une participation d’environ 50 %, selon leprésident de la commission électorale.

Les deux finalistes qui ont réussi à s’imposer pour le second tour sont tousdeux issus de rangs du régime de l’ancien président Hosni Moubarak. De quoibriser les illusions de plus d’un citoyen égyptien.
Les résultats définitifs ont été annoncés lundi 28 au soir. Ainsi, le Frère musulmanMohammed Morsi aurait récolté 25,3 % des suffrages exprimés. Et dépasserait depeu le dernier Premier ministre de Moubarak et ancien chef de l’armée de l’airAhmed Chafik, lequel aurait obtenu 24.9 % des voix.
Le deuxième tour s’annonce donc explosif. Prévu pour les 16 et 17 juin, ilpromet de mettre aux prises les deux principales forces du pays de cescinquante dernières années : les Frères musulmans et l’armée.
Parmi les éliminés : l’homme de gauche et héritier du nassérisme HamdeenSabbahi, l’islamiste indépendant Abdel Moneim Aboul Foutouh, l’ex-secrétairegénéral de la Ligue arabe Amr Moussa ou encore Khaled Ali, militant d’extrêmegauche.
Bien que présents parmi les premiers sur la place Tahir au printemps 2011,aucun des deux candidats de gauche issus de la révolution qui a renversé leprésident Moubarak n’a donc réussi à accéder au second tour. Ces faiblesrésultats illustrent le désarroi du camp révolutionnaire. Moussan’a ainsi pu obtenir de majorité que dans le gouvernorat (subdivisionterritoriale) du Sinaï.
Khaled Ali n’a engrangé que des poussières de voix et Sabbahi a certes obtenud’excellents scores au Caire et à Alexandrie, mais n’a réussi à s’imposer dansles provinces rurales.
À défaut de séduction, stratégies de dédiabolisation

À présent, les deuxcandidats restants s’efforcent de convaincre et de diaboliser leur rival auprèsdes électeurs. Ainsi, Ahmed Shafiq a cherché samedi à corriger son image de“reliquat” de l’ancien régime : “Je promets à tous les Égyptiens que nousallons commencer une ère nouvelle. Il n’y aura pas de retour en arrière”, a-t-ildéclaré juste après le premier tour.

Une promesse plus que nécessaire pour cet ancien général qui avait dûdémissionner sous la pression de la rue en mars 2011. Très impopulaire parmiles jeunes, il en a donc fait son premier objectif, leur adressant ce message:”La révolution que vous avez provoquée vous a été confisquée, je m’engage àvous en rendre les fruits”.
De leur côté, les Frères musulmans, qui déjà dominent dans les deux chambres duParlement, s’organisent dans une grande campagne de propagande anti-Shafiq.Leur candidat Mohammed Morsi, membre depuis 40 ans de la congrégation, essayequant à lui de passer pour un modéré, pour ne pas trop effrayer les 10 % deCoptes déjà très méfiants à son égard.
Les deux candidats ont tendu la main à leurs concurrents éliminés au premiertour : “Pour que nous travaillions ensemble pour le bien du pays”, d’après lesdires d’Ahmed Shafiq.
Entre-temps, la cour du Caire vient de condamner dimanche 27 mai l’ancienprésident Hosni Moubarak à sept ans de prison et une amende de 6 millions dedollars pour cause de détournements de fonds, d’après l’agence d’informationMENA. Le marathon judiciaire n’est pour autant pas fini pour Moubarak, qui doitencore faire face aux accusations d’abus de pouvoir et d’exactions lors desmanifestations de février 2011.
Sa chute avait permis l’émergence de nouvelles forces dont l’inquiétantecongrégation des Frères musulmans.
Le résultat de juin est donc crucial pour le pays le plus peuplé du monde arabeet son orientation dans les années à venir. Amenés à se décider lors d’unscrutin qui n’offre le choix qu’entre un retour à l’ancien régime etl’instauration d’un État islamique, les citoyens ont décidément raison decraindre une “démocratique sortie de la démocratie”.