Turquie : pas d’élections anticipées

Le Premier ministre turc rejette l’idée d’un nouveau scrutin. 5 000 blessés, 14 jours de manifestations.

P4 JFR 370 (photo credit: Dado Ruvic/Reuters)
P4 JFR 370
(photo credit: Dado Ruvic/Reuters)
Le mouvement ne se terminera pas par un nouveauscrutin, a martelé le Premier ministre turc. Samedi 8 juin, après 12 jours demanifestations, Recep Tayyip Erdogan s’est fermement opposé à la tenued’élections anticipées et a appelé à la fin immédiate des protestations.
Pour Huseyin Celik, vice-président du parti pour la justice et le développement(AKP), fondé par Erdogan il y a tout juste 10 ans, les électionsprésidentielles et municipales se tiendront comme prévu l’année prochaine, etles élections générales en 2015.
« Le gouvernement marche sur des roulettes, il n’y a aucune raison de provoquerdes élections anticipées », a fait savoir l’élu au terme d’une réunion despoids lourds du parti à Istanbul. « Le monde entier est aux prises avec lacrise économique et les choses vont bien en Turquie. On n’organise pas une électionparce que des gens descendent dans la rue ».
A quelques kilomètres de là, des dizaines de milliers de personnes ontmanifesté en réaction à l’appel d’Erdogan pour faire cesser les protestations,investissant massivement la place Taksim, où le mouvement a éclos. Ce qui avaitcommencé comme une simple campagne citoyenne contre un projet de rénovationurbaine est devenu un mouvement social sans précédent contre la politiqueautoritariste d’Erdogan et son parti d’inspiration islamiste. Les affrontementsavec les forces de police ont continué pendant le week-end, avec force canons àeau et gaz lacrymogènes. Au total, les manifestations ont déjà fait 3 morts et5 000 blessés.
Un style autoritaire et irascible 
La place Taksim est bordée d’hôtels de luxe.Un coup dur pour le tourisme turc qui génère deux tiers de ses revenus annuelspendant la période estivale. Pour l’instant, le gouvernement ne cherche pas àévacuer les tentes de protestataires installées sur place, calculant sans douteque cela donnerait lieu à davantage d’émeutes. La place est donc jonchée depavés, de débris métalliques et de véhicules vandalisés. Les manifestants lesont rassemblés pour s’en faire des barricades, bien que la police ait quittéles lieux depuis plusieurs jours déjà.
Le mouvement défie l’autorité d’un leader qui a bâti son autorité sur 3victoires politiques successives. Et Erdogan semble prendre les manifestationscomme un affront personnel. Des sources proches du parti AKP évoquent unsentiment d’état de siège, certains éléments influents mais hétérogènesredoutant d’exprimer publiquement leur opposition, par peur du pouvoird’Erdogan et de sa réaction intransigeante face aux manifestations.
Le leader ne cache pas son ambition de se lancer dans la course présidentielleen 2014. Son parti pourrait encore changer son règlement interne afin de luipermettre de se présenter à nouveau au poste de Premier ministre après 3mandats successifs. Le politicien a répété à plusieurs reprises qu’il n’avaitaucune intention de prendre sa retraite, pointant les 50 % de voix obtenues parAKP lors de la dernière élection, et alors qu’il ne possède aucun rival sérieuxdans son propre camp, comme ailleurs.
Populaire pour les réformes économiques qu’il a menées au sein de la Turquie,Erdogan est aujourd’hui critiqué pour son style autoritaire et irascible. Lesmanifestants protestent notamment contre une presse muselée, des arrestationsd’opposants politiques et des mesures considérées comme une atteinte au droitde la personne, telles que des restrictions sur la vente d’alcool ou lessorties du Premier ministre contre le droit à l’avortement et à lacontraception.