De mémoire de Temple

L’entreprise de tamisage des débris du Har Habayit se trouve remise en question

Yaalon et Barkai inspectant les carreaux de l'époque du deuxième temple  (photo credit: FACEBOOK)
Yaalon et Barkai inspectant les carreaux de l'époque du deuxième temple
(photo credit: FACEBOOK)

Que penser du conflit qui oppose le fameux projet de tamisage du mont du Temple à la Cité de David, l’institution majeure qui en a, jusqu’à présent, assuré le financement ?

Après avoir soutenu les activités du projet pendant les douze dernières années, celle-ci a en effet annoncé qu’elle retirait ses pions. Pourquoi Ir David a-t-elle choisi de se désengager d’une initiative dans laquelle se sont impliqués plus de 200 000 travailleurs bénévoles du monde entier et qui a déjà mis au jour près de 500 000 vestiges archéologiques ?
Mission de sauvetage
L’origine du projet remonte à 2009. Cette année-là, le Waqf – l’autorité religieuse islamique qui contrôle le mont du Temple – commence à fouiller illégalement la zone des Ecuries de Salomon pour construire la mosquée souterraine Al Marwani. Quelque 400 camions de terre sont alors extraits du site et déversés sans ambages dans la vallée du Cédron.
De nombreuses personnes, convaincues que le Waqf tente d’effacer les traces du passé juif du mont du Temple, aux côtés des archéologues et des historiens qui redoutent la destruction d’objets importants datant du Second Temple, protestent violemment devant cette destruction massive, mais leurs clameurs restent lettre morte. Entrent alors en scène le Dr Gabriel Barkay et Zahi Dvira, deux archéologues israéliens qui, en 2004, commencent à tamiser le sol déversé afin de récupérer vestiges et artefacts anciens.
« Au début, Gaby et Zahi collectaient des fonds pour recruter du personnel qui les aide à trier les gravats, puis ils procédaient très vite à l’analyse de leurs découvertes. Le problème, c’est qu’ils ne pouvaient pas collecter beaucoup d’argent à la fois. Aussi, dès qu’ils réunissaient une certaine somme, ils se mettaient au travail, puis mettaient leurs recherches en suspens dès que l’argent était épuisé. Ils se remettaient à l’ouvrage dès qu’ils avaient les ressources nécessaires et puis arrêtaient de nouveau quand celles-ci venaient à manquer », raconte Frankie Snyder, membre du projet. Lorsqu’elle a eu vent de cette entreprise courageuse, la Fondation Ir David s’est empressée de la soutenir.
Un terrain d’entente
La Fondation de la Cité de David a été créée en 1986 par David Beeri, un ancien commandant au sein de l’unité Douvdevan de Tsahal. Elle s’attache à promouvoir Jérusalem en tant que capitale unifiée et éternelle d’Israël, et parraine des fouilles qui étayent le passé juif de l’antique Ville sainte. Elle a notamment suscité la controverse, lorsqu’elle a soutenu les efforts des familles juives pour revenir habiter la Cité de David, dont la population juive d’origine avait été déplacée suite aux émeutes arabes pendant le Mandat britannique.
Entre cette organisation, dédiée à ce que les Palestiniens nomment l’entreprise de « judaïsation » de Jérusalem, et les deux archéologues, déterminés à sauver les artefacts juifs de la décharge du Waqf, un terrain d’entente a vite été trouvé. C’est ainsi que le projet de tamisage du mont du Temple a vu le jour en 2005. A en croire ses promoteurs, le sol a fourni des résultats dépassant de loin leurs espérances.
« Chaque seau de terre tamisée contient des fragments de poterie, de vases en verre, d’objets métalliques, d’os, de pierres travaillées et de tesselles mosaïques. Ce sont les découvertes les plus fréquentes, peut-on lire sur le site du projet. Les trouvailles datent principalement de la période du Premier Temple et des siècles suivants (du Xe siècle avant notre ère jusqu’à nos jours). Il existe également quelques objets datant de périodes antérieures, mais ils sont très rares. A cela s’ajoutent de nombreux artefacts de toutes sortes : fragments de vases en pierre, environ 5 000 pièces anciennes, bijoux divers, perles, figurines en terre cuite, pointes de flèches et autres armes, poids, vêtements, pièces de jeu, dés, incrustations d’os et de coquillages, décorations de meubles, ornements, outils en os, etc. Ont également été mis au jour des fragments d’éléments architecturaux élaborés provenant de bâtiments, comme des piliers, des architraves, des sols en mosaïque, des carreaux en opus sectile, des fresques colorées et des faïencesmurales. Le projet de tamisage était entièrement financé par la Fondation Ir David jusqu’à il y a quelques mois à peine.
Gel ou dégel
« Un désaccord entre la Cité de David et les archéologues à l’initiative du projet est apparu en début d’année, et à la mi-mars, la Fondation a annoncé qu’elle mettait un terme au financement du tamisage des débris », relate Frankie Snyder.
Interrogé sur le sujet, Zeev Orenstein, directeur de la Fondation Ir David pour les affaires internationales, explique que les responsables du projet ont pris la décision d’orienter celui-ci dans une autre direction. « De leur point de vue, nous avons déjà amassé énormément d’artefacts et il faut désormais prendre un nouveau virage afin d’analyser correctement les découvertes accumulées jusqu’ici, et publier le résultat de ces recherches », dit-il. La question est de savoir comment concilier les deux objectifs : continuer à trier les débris et donner la priorité à la recherche. C’est ce que nous tentons actuellement de mettre en place. »
L’Autorité israélienne des antiquités est désormais partie prenante de l’affaire, suite à l’intervention du Premier ministre, début avril. Au terme de discussions entre les représentants de l’Autorité des antiquités, la Fondation elle-même et le Projet de tamisage, Benjamin Netanyahou a promis que le financement reprendrait.
« Nous aimons ce projet et souhaitons qu’il se poursuive », affirme Zeev Orenstein. « Tout le monde reconnaît sa valeur. Simplement nous nous efforçons de trouver le bon équilibre entre ses différents aspects. »
Publication en huit volumes
« Nous mettons désormais l’accent sur la recherche », confirme le Dr Barkay. « Nous sommes en train de traiter le matériel. Nous avons accumulé environ un demi-million de découvertes. Leur étude approfondie est nécessaire pour aboutir à la publication scientifique des résultats. Une vingtaine de personnes travaillent actuellement en laboratoire pour analyser toutes ces pièces. »
« Nous ne pouvons pas continuer à passer au crible les débris du mont du Temple sans publier les découvertes obtenues jusqu’ici », renchérit Zahi Dvira. « Il est impensable de continuer à extraire des vestiges si nous n’avons pas les moyens de les faire connaître. Nous ne voulons pas qu’ils soient simplement entreposés quelque part pour ensuite tomber dans l’oubli. Et à l’heure actuelle, le taux de découvertes en laboratoire dépasse celui sur le terrain. »
En ce qui concerne la publication, l’équipe du projet espère présenter ses conclusions dans une compilation en huit volumes d’artefacts et d’analyses. « Ce sera une publication majeure », déclare Dvira. « Elle sera le fruit d’analyses approfondies, qui pourra bénéficier à d’autres chercheurs dans de nombreux domaines. »
Un récent appel au financement participatif du projet sur son site Internet a déjà permis de recueillir plus de 300 000 shekels. Suffisamment pour maintenir le laboratoire de recherche à un niveau minimal pour une année supplémentaire. « Le but du financement participatif était de nous aider à tenir jusqu’à ce que nous puissions bénéficier de subventions gouvernementales. Tel est désormais notre objectif principal : obtenir des subventions publiques pour l’ensemble du projet. L’Autorité israélienne des antiquités procède actuellement à une estimation de nos besoins réels. Nous envisageons un budget de près de 6 millions de shekels pour couvrir les travaux des quatre années à venir. Soit un million et demi par an, pour le tamisage et la recherche », indique Zahi Dvira.
Reste à souhaiter que le meilleur compromis soit trouvé entre les différentes parties. Il y va de la mémoire de Jérusalem.
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