Houmous sur grand écran

Un documentaire tente de percer le secret de la popularité de la purée de pois chiches

L'affiche du documentaire consacré au houmous (photo credit: OREN ROSENFELD/’HUMMUS! THE MOVIE’)
L'affiche du documentaire consacré au houmous
(photo credit: OREN ROSENFELD/’HUMMUS! THE MOVIE’)
Ce n’est un secret pour personne, les Israéliens raffolent du houmous. On ne parle pas de la purée de pois chiches industrielle achetée en grande surface ou pire, de ces sauces à base de piment rouge, avocat ou patate douce qui passent pour du houmous à l’étranger. Ce dont il est question, c’est du houmous frais du jour, concocté à base de pois chiches secs, qui se déguste tout juste préparé. Alors que ce plat est extrêmement populaire dans tout le Moyen-Orient, Israël l’a porté à des hauteurs encore jamais vues avec ses hummusias, ces kiosques de rue qui servent le houmous en plat principal, et non plus seulement en entrée.
L’une des caractéristiques essentielles de l’Israélien est sa capacité à débattre avec passion de tout ce qui touche au houmous : la meilleure hummusia, les meilleurs accompagnements ou la meilleure façon de le manger… Oren Rosenfeld est de cet acabit. Il aime d’ailleurs tellement cette spécialité qu’il en a fait un documentaire. Hummus ! The Movie, explore ainsi les coulisses des meilleures hummusias d’Israël. Le résultat : un reportage à la fois informatif et touchant, qui montre la lutte de ces échoppes pour assurer leur rendement autour d’un plat unique. La sensibilité qui transparaît à travers ces images étonne peu quand on connaît Oren Rosenfeld et sa capacité à traiter les uns et les autres comme de vieux amis. Ses personnages, en totale confiance, ouvrent leur cœur face à la caméra.
Un plat qui met tout le monde d’accord
Comme l’explique le réalisateur, le documentaire a été inspiré des « guerres du houmous », ces incessantes batailles entre le Liban et Israël pour se faire une place dans le livre Guinness des records en préparant le plus grand plat de houmous au monde. Rosenfeld, qui réside près d’Abou Gosh – une localité renommée pour sa purée de pois chiches – passe près de ce village plusieurs fois par jour. Intrigué par les efforts de celui-ci pour battre le record libanais (actuellement de 11,5 tonnes), le réalisateur s’est lié d’amitié avec certains résidents de la localité arabe et s’est habitué à papoter avec les uns et les autres.
Un jour, un fabricant local renommé de houmous, Abou Shoukrei, a raconté à Rosenfeld qu’il avait participé au concours des « Dix meilleurs fabricants de houmous d’Israël » et qu’il avait finalement perdu contre une habitante d’Acco. Etonné par le fait qu’une femme puisse posséder une échoppe à houmous auréolée d’un prix en plein milieu du marché arabe d’Acco, le réalisateur a décidé d’aller à sa rencontre le jour suivant. « Entre la poursuite de ce record à Abou Gosh et cette fabricante de houmous, nommée Souheila Al Hindi, j’avais compris que je tenais la trame d’un documentaire », explique Rosenfeld.
Au final, il s’agit donc d’un reportage sur ces juifs, chrétiens et musulmans d’Israël qui font du houmous, et sur leur amour pour ce plat. Le documentaire démontre ainsi à quel point cet aliment imprègne la culture du pays, indépendamment de la religion ou du milieu social. « Lorsqu’on vit ici et qu’on a faim, les différences s’effacent ; tout le monde a envie d’une bonne assiette de houmous. Tel est le pouvoir de ce plat : connecter les gens qui, une fois le ventre plein, engagent souvent la conversation. »
Pour appuyer son propos, Rosenfeld raconte : « Je me trouvais à Jérusalem dans un restaurant pendant une semaine de fortes tensions. La ville était suspendue aux nouvelles. Deux Arabes assis près de moi m’ont alors proposé de partager leur houmous. Malgré le chaos environnant, nous nous sommes retrouvés à manger le même plat avec nos mains. Le houmous brise véritablement les barrières. Selon moi, il s’agit de beaucoup plus que de pois chiches mixés avec de la tehina. C’est un aliment aux super-pouvoirs. »
Je demande à Rosenfeld sa meilleure adresse de hummusia. « Je ne peux pas le dire, sinon j’aurais des problèmes », glisse-t-il malicieusement. Il indique toutefois que le facteur décisif pour la qualité d’un kiosque à houmous réside dans son personnel. « Nous avons visité 300 échoppes durant le tournage du documentaire. Certains houmous étaient délicieux, mais servis par un personnel désagréable. Le problème est que plus le plat est simple, plus on fait attention au reste. Quand quelqu’un aime ce qu’il fait, vous le sentez. L’amour est l’ingrédient principal. »
A propos d’ingrédients, Oren Rosenfeld a son idée sur ceux qui ne devraient jamais figurer dans une recette de houmous. « Houmous veut dire pois chiche en arabe. Ça ne signifie pas guacamole ou piments rouges. Les pois chiches sont la base, sinon c’est un blasphème », affirme le réalisateur, ne plaisantant qu’à moitié.
Hummus ! The Movie !, projeté dans différent festivals à travers le monde, de New York jusqu’en Italie en passant par les Bahamas, a rencontré un grand succès. Il est intéressant de voir comme chaque pays s’est focalisé sur un aspect particulier du documentaire. A Berlin, ils ont pris Souheila Al Hindi comme un exemple de femme à la tête d’une entreprise à succès en dépit de ses lacunes scolaires, qui nourrit sa famille et dirige dix employés hommes. Celle-ci a d’ailleurs voyagé pour la première fois en dehors du pays, afin d’assister à différentes projections A New York, Rosenfeld raconte qu’une Libanaise est venue le voir après la projection du film pour lui dire son bonheur de voir son pays détenir le record du plus grand plat de houmous. Elle l’a ensuite invité chez elle pour lui faire goûter son houmous maison. « Le meilleur que j’aie jamais mangé chez quelqu’un ! », assure le réalisateur.
Secrets de fabrication
Malgré la simplicité apparente du houmous, le film montre bien à quel point il est difficile d’obtenir une purée qui se distingue des autres. On y voit notamment Eliyahou Shmoueli, propriétaire de la célèbre chaîne Hummus Eli-Yahoo dans sa quête du goût et de la texture parfaites. A force de filmer les pros, Oren Rosenfeld a obtenu certains secrets de fabrication. « Tout le monde le prépare différemment, mais chacun dit que la différence réside dans la tehina utilisée. Les pois chiches, eux, sont principalement de la marque locale Hadar. Cette marque se trouve d’ailleurs difficilement en dehors du pays, ce qui explique peut-être le goût particulier du houmous israélien. » Il souligne aussi l’importance du temps de trempage des pois chiches, qui doit durer toute la nuit, un paramètre qui fait vraiment la différence selon lui.
« La plupart des hummusias font une fournée de houmous à partir des pois chiches trempés la veille, et quand la quantité est écoulée, elles ferment, qu’il soit une heure ou cinq heures de l’après-midi. » Le dernier secret, indique-t-il, est de conserver l’eau de trempage des pois chiches et de l’ajouter au mélange tehina-pois chiches. A bon entendeur… 
Projections organisées à Jérusalem.
Dates sur Facebook ou www.hummusthemovie.com
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