Crispations entre Jérusalem et Washington

L’éventuel transfert de l’ambassade américaine au cœur de polémiques entre Israël et les Etats-Unis

L'ambassade des Etats-Unis à Tel-Aviv (photo credit: REUTERS)
L'ambassade des Etats-Unis à Tel-Aviv
(photo credit: REUTERS)

Le timing ne pouvait pas être plus mal choisi. A quelques jours de la visite de Donald Trump en Israël, les relations de l’Etat juif avec Washington se sont brusquement crispées. Au cœur des tensions, le statut de Jérusalem et l’éventuel transfert de l’ambassade américaine dans la Ville sainte.

Le gouvernement israélien a ainsi demandé des éclaircissements à la Maison-Blanche après qu’un de ses représentants officiels ait déclaré que « le Mur occidental se trouvait en Cisjordanie ». Aroutz 2 a en effet révélé que, dans le cadre des préparatifs de la visite du président Trump le 22 mai, un diplomate américain avait dit à son homologue israélien que le Kotel se trouvait en territoire occupé à Jérusalem-Est. Le statut de Jérusalem avait été abordé dans l’éventualité que le Premier ministre Netanyahou accompagne son hôte lors de sa visite au Kotel. Finalement, il a été décidé qu’aucun officiel israélien ne se trouverait aux côtés du chef d’Etat américain lorsqu’il se rendrait au Mur occidental.
« Nous sommes persuadés que cette déclaration est contraire à la position du président Trump à l’égard d’Israël, telle qu’il l’a exprimée en s’opposant clairement à la résolution 2334 du Conseil de sécurité de l’ONU », a déclaré une source proche de Netanyahou. La résolution en question, adoptée en décembre dernier, avait condamné la « politique israélienne de colonisation » et statué que les quartiers de Jérusalem au-delà des lignes d’avant 1967 n’étaient pas sous la souveraineté d’Israël.
La phrase controversée sur le Mur occidental s’ajoute à d’autres prononcées par des responsables américains depuis quelques semaines, notamment autour du déménagement de l’ambassade des Etats-Unis à Jérusalem, une mesure promise par le locataire de la Maison-Blanche durant sa campagne électorale. Netanyahou a ainsi redoublé d’énergie ces derniers mois en vue de faire reconnaître par la communauté internationale Jérusalem comme la capitale d’Israël, et d’inciter les pays à transférer leurs ambassades dans la partie occidentale de la ville. Le Premier ministre israélien a donc vivement réagi à une information de la chaîne américaine Fox News, affirmant qu’il était opposé au transfert de l’ambassade américaine à l’heure actuelle. Dans une interview donnée 14 mai sur NBC, le chef de la diplomatie américaine Rex Tillerson a lui aussi insinué que la position d’Israël sur la question était hésitante, en raison des conséquences qu’un tel geste pourrait avoir sur la reprise éventuelle de négociations avec les Palestiniens.
Le bureau de Netanyahou s’est empressé d’émettre un communiqué affirmant que ces allégations étaient fausses. Pour enfoncer le clou, Netanyahou est allé jusqu’à publier les notes qu’avait prises Jacob Nagel, son conseiller pour la sécurité nationale lors de la rencontre avec Trump en février 2017. On peut y lire : « Rencontre au bureau ovale. Pour ce qui est de l’ambassade, le Premier ministre est pour le transfert. » Les notes prises lors du déjeuner officiel à la Maison-Blanche vont dans le même sens : « Interrogé a propos de l’ambassade, le Premier ministre a expliqué que le transfert ne conduirait pas à un bain de sang, comme certains tentent de le faire croire au président Trump pour l’intimider. »
Le bureau du Premier ministre a également rendu public un compte rendu d’une rencontre à la mi-janvier entre l’ambassadeur israélien aux Etats-Unis Ron Dermer et Michael Flynn, qui était alors le conseiller américain pour la sécurité nationale : « Dermer a expliqué que le transfert de l’ambassade ferait avancer la paix et non l’inverse. Cela enverra un message clair indiquant que nous sommes à Jérusalem pour y rester. Cela amènera l’autre partie à être confrontée au mensonge qu’elle a construit – selon lequel Israël n’a aucun lien avec Jérusalem –, et leur fera comprendre qu’Israël est là pour toujours, avec Jérusalem comme capitale. »
Une heure avant la publication de cette information par la chaîne israélienne, le nouvel ambassadeur américain en Israël David Friedman, qui est un juif pratiquant, s’est justement rendu au Kotel. « J’ai tenu à aller sur le lieu le plus saint du judaïsme directement depuis l’aéroport », a-t-il déclaré. « J’ai prié pour la santé des membres de ma famille et pour la réussite du président. »
Jérusalem et la communauté internationale
Israël compte 87 ambassades étrangères, toutes situées à Tel-Aviv. Pour autant, les ambassadeurs présentent leurs lettres de créance au président de l’Etat d’Israël à Jérusalem, capitale du pays, où siègent le gouvernement, la Knesset, la Cour suprême et toutes les institutions nationales.
Un paradoxe révélateur de l’ambiguïté de la position de la communauté internationale sur la question. Officieusement, elle voit en Jérusalem-Ouest la capitale d’Israël, mais formellement, elle considère qu’aucune partie de la ville n’est sous souveraineté israélienne, même celles situées à l’intérieur des lignes de cessez-le-feu d’avant 1967. Lorsque le président Obama s’etait rendu aux obsèques de l’ancien président israélien Shimon Peres, un communiqué de la Maison-Blanche avait ainsi été rectifié pour ne laisser que la mention « Jérusalem » et non plus « Jérusalem, Israël », qui figurait dans une précédente version. De même lorsque l’ambassade de France a publié les résultats des votes des Franco-Israéliens à la présidentielle, n’ont été comptabilisés que ceux qui se sont rendus aux consulats de Tel-Aviv et de Haïfa. La Russie s’est distinguée le mois dernier en reconnaissant Jérusalem-Ouest comme la capitale d’Israël, mais n’envisage pas à ce stade d’y installer son ambassade.
Dans une interview accordée le 14 mai à la chaîne de télévision i24News, l’ambassadeur de l’Union européenne en Israël Lars Faaborg-Andersen a affirmé que Jérusalem ne pouvait pas être considérée comme la capitale d’Israël tant que son statut n’était pas fixé dans le cadre d’un accord global entre les parties pour une solution à deux Etats.
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