« Jérusalem est la capitale d’Israël »

Dans un discours historique, le président américain a reconnu la Ville sainte comme capitale de l’Etat juif

Donald Trump, à l'issue de son allocution du 6 décembre (photo credit: REUTERS)
Donald Trump, à l'issue de son allocution du 6 décembre
(photo credit: REUTERS)
Donald Trump aura finalement tenu parole. Dans un discours historique prononcé le 6 décembre à la Maison-Blanche, le président américain a annoncé que les Etats-Unis reconnaissaient Jérusalem comme la capitale d’Israël. Réalisant l’une de ses promesses phare de campagne, ce dernier a fait savoir qu’il avait donc donné l’ordre au département d’Etat de préparer le transfert de l’ambassade américaine de Tel-Aviv vers la Ville sainte. Trump estime que cette décision, qui ne fait que « reconnaître la situation existante », aurait dû être prise depuis longtemps.
En annonçant le transfert de l’ambassade, le président ne fait qu’appliquer une loi votée par les parlementaires américains en 1995, le Jerusalem Embassy Act, ordonnant de déplacer la représentation diplomatique à Jérusalem. Or depuis plus de 20 ans, les présidents américains successifs ont toujours choisi de reporter l’application concrète de cette législation, en signant tous les six mois une dérogation spéciale, au motif que la manœuvre mettait en danger la sécurité nationale d’Israël. Dans son discours, Donald Trump a souligné le fait qu’une telle politique, censée favoriser la paix entre Israéliens et Palestiniens, avait au contraire éloigné celle-ci. Le chef de la Maison-Blanche revendique une nouvelle approche plus pragmatique de la résolution du conflit. « Nous ne pouvons plus utiliser les stratégies du passé », a-t-il dit. « Reconnaître [Jérusalem comme la capitale d’Israël] est une condition nécessaire pour promouvoir la paix. »
Un cadeau empoisonné ?
Avec ces déclarations, le chef de la Maison-Blanche rompt avec sept décennies de politique américaine fidèle au statu quo sur la Ville sainte décidé par l’ONU en 1948. Mais surtout, il fait fi de toutes les mises en garde émises par les dirigeants européens et ceux du monde arabe. Alors que la teneur de son discours était annoncée depuis plusieurs jours, Trump ayant appelé Mahmoud Abbas ainsi que le président égyptien Abdel Fatah al-Sissi et le roi de Jordanie Abdallah ll pour les informer de sa décision, ces derniers ont prévenu de la flambée de violence que cette annonce risquait de provoquer dans la région. Le président turc Recep Tayyip Erdogan a même menacé de couper ses liens diplomatiques avec l’Etat juif si le président américain confirmait son intention de modifier le statu quo sur la Ville sainte, considérée selon lui comme une « ligne rouge » dans le monde musulman.
Après le discours de Donald Trump, les réactions négatives ont afflué de toutes parts. Les seuls commentaires positifs sont venus de la classe politique israélienne, Benjamin Netanyahou saluant « un jour historique ». Pour le reste, la communauté internationale s’est empressée de fustiger la décision du président américain. Emmanuel Macron, qui avait appelé personnellement Donald Trump quelques jours auparavant pour tenter d’infléchir sa position, a dit « regretter » cette initiative de la Maison-Blanche, et a réaffirmé l’engagement de la France à soutenir la solution à deux Etats. Il a également appelé la région au calme. Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres s’est également exprimé, mettant en garde contre « toute décision unilatérale sur la Ville sainte » : «Le statut de Jérusalem doit être discuté entre les parties sur la base des résolutions de l’ONU », a-t-il déclaré.
Sans surprise, les réactions les plus virulentes sont venues du côté palestinien. « Par ces décisions déplorables, les Etats-Unis sapent définitivement tous les efforts de paix et proclament qu’ils abandonnent le rôle de sponsor du processus de paix », a affirmé Mahmoud Abbas. Pour Saeb Erekat, chef de l’OLP en charge des négociations de paix, « le président américain a détruit la solution à deux Etats ». Quant au Hamas, il a assuré que « Donald Trump avait ouvert les portes de l’enfer pour les intérêts américains dans la région ».
Une rhétorique qui fait craindre une nouvelle flambée de violence dans la Ville sainte. Les habitants juifs de Jérusalem étaient eux-mêmes partagés face à la déclaration du chef de la Maison-Blanche, oscillant entre satisfaction et inquiétude face aux éventuelles conséquences de cette décision sur la situation sécuritaire du pays. Ils savent bien qu’il en faut souvent moins à la population arabe pour se déchaîner contre les civils israéliens. A Washington, le département d’Etat émet également certaines inquiétudes. Si Donald Trump a pris soin d’appeler les Palestiniens et le monde arabe au calme, les diplomates américains ont reçu pour consigne d’éviter tout déplacement dans la Vieille Ville et à Jérusalem-Est dans les heures suivant son discours.
Les questions en suspens
Pour aussi significatives qu’elles soient, les déclarations du président américain laissent tout de même plusieurs questions clé en suspens. Washington a en effet décidé de maintenir l’ambiguïté sur certains points cruciaux. A commencer par la date du déménagement de l’ambassade. Dans son discours, Donald Trump a laissé entendre qu’au regard des nombreuses questions logistiques à régler – dont la construction à Jérusalem d’un bâtiment afin d’abriter la représentation américaine –, ce déplacement pourrait prendre des mois, voire des années. Qu’adviendra-t-il si ce déménagement n’est pas encore effectif d’ici les prochaines élections américaines et si Trump perd son fauteuil de président ? Pour l’heure, il était attendu que le président resigne le 8 décembre la fameuse dérogation bisannuelle permettant à l’ambassade de se maintenir à Tel-Aviv.
L’autre point volontairement laissé dans le flou concerne le statut final de Jérusalem, au terme d’éventuelles négociations de paix bilatérales avec les Palestiniens. « Cette déclaration sur Jérusalem ne signifie pas que nous abandonnons l’idée d’un accord de paix. Nous ne prenons pas de décision sur le statut final de la ville et les frontières à établir, et nous soutiendrons la solution à deux Etats si les deux parties la soutiennent », a précisé Trump. Autrement dit, les frontières de ce que les Etats-Unis considèrent désormais comme la capitale de l’Etat d’Israël restent encore à définir… 
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