La honte de l’Occident

Une fois encore, le monde libre montre qu’il a l’indignation sélective

Arrivée de migrants en Libye (photo credit: REUTERS)
Arrivée de migrants en Libye
(photo credit: REUTERS)
Ce sont des images d’un autre âge. Des images que l’on croirait tirées d’un film sur la guerre de sécession aux Etats-Unis, d’un remake de La Case de l’oncle Tom. Des hommes vendus à l’encan comme du bétail, des acheteurs qui jaugent leur physique, les enchères qui montent. 800 dollars pour un Africain d’une trentaine d’années qui fera, dit le vendeur, un excellent travailleur.
Nous sommes pourtant en novembre 2017, et la chaîne CNN vient de tourner ces images en caméra cachée. Pourquoi cachée ? Cette vente, comme tant d’autres, se déroule quasiment en plein jour, au su sinon au vu des autorités libyennes qui n’ont ni les moyens, ni sans doute la volonté, d’y mettre fin. Ce sont les journalistes qui se cachent, ne voulant pas risquer la colère des acteurs de ce trafic lucratif. Ce reportage, repris par tous les médias occidentaux, a suscité l’indignation et provoqué des éditoriaux enflammés. Il y a même eu une manifestation à Paris samedi 18 novembre, qui a réuni un peu moins de mille personnes : les Français ont d’autres soucis ces jours-ci, et ils ne descendent dans la rue qu’à l’appel des syndicats ou pour condamner Israël. Il faut les comprendre. D’abord, il y a longtemps que tout le monde était au courant ; au cours des deux dernières années, la presse occidentale a évoqué à plusieurs reprises ces pratiques barbares. « La traite d’êtres humains est de plus en plus fréquente chez les passeurs, dont les réseaux sont de plus en plus puissants en Libye », constate le représentant local de l’Organisation internationale pour les migrations. Seulement un article n’a pas l’impact d’une séquence de reportage. Une photo ne peut traduire la détresse d’un homme quasiment nu, terrorisé, au milieu d’un groupe « d’acheteurs » sans pitié, qui ne pensent qu’au profit qu’ils vont en tirer. Alors cette fois, les réactions ont été plus vives. Ces informations ont été communiquées au gouvernement libyen qui a écouté poliment et fait de vagues promesses. Et puis on est passé à autre chose.
Qui se souvient que l’Occident s’était indigné du sort des femmes yazidies, réduites en esclavage sexuel par les « combattants » de l’Etat islamique éphémère ; qui se souvient que, sous la conduite de la First lady d’alors, Michelle Obama, l’Amérique s’était mobilisée (en vain) pour sauver les gamines nigériennes capturées par Boko Haram ? Ici les victimes de l’esclavage sont des Africains fuyant la misère et cherchant à gagner l’Europe. Les trafiquants, eux, sont des Arabes musulmans. On s’en voudrait de souligner que Boko Haram et Daesh se réclament de la même religion de paix et d’amour. Le drame des migrants victimes de ce honteux trafic (le reportage de CNN ne parlait pas des femmes, mais on se doute que leur sort n’est guère meilleur) va se poursuivre.
© Jerusalem Post Edition Française – Reproduction interdite