Un réveil difficile

En dépit de la menace grandissante, la République peine à trouver une réponse au terrorisme islamique

Manuel Valls (photo credit: REUTERS)
Manuel Valls
(photo credit: REUTERS)
On aurait pu croire qu’à la suite des attentats sanglants de Charlie Hebdo et de l’Hyper Casher, le gouvernement français se pencherait enfin sur le problème du terrorisme islamique. Ces attentats n’étaient pas les premiers, mais les précédents avaient été essentiellement – pas totalement – dirigés contre les Juifs. Mohammed Merah a tué deux soldats et blessé un troisième avant de massacrer trois jeunes enfants et un enseignant juifs à Toulouse. Depuis, il était clair que la France constituait une cible privilégiée, du fait de l’importance de sa minorité musulmane estimée à près de six millions.
Les services de sécurité travaillent sans relâche pour prévenir d’autres attaques et ils marquent des points. Dernièrement, ils ont réussi à neutraliser des terroristes qui s’apprêtaient à attaquer des églises, dont l’emblématique Sacré-Cœur à Paris. Seulement, il leur faut compter avec des organisations extrémistes qui réussissent à s’organiser au sein des importantes communautés musulmanes disséminées à travers la France.
C’est une approche originale que semble avoir choisie le gouvernement français. En lançant le mois dernier « l’Instance de dialogue avec le culte musulman », le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve a déclaré chercher « à créer une relation de confiance » avec cette religion devenue la seconde en France. Quelque 150 dignitaires musulmans étaient présents, conduits par Dalil Boubakeur, président du Conseil français du culte musulman, créé en 2003 sous l’impulsion de Nicolas Sarkozy. Un Conseil qui était censé promouvoir le dialogue avec les non musulmans et affronter le problème du terrorisme islamique. Deux missions qu’il n’a pas su remplir, ce qui lui a fait perdre une partie de son prestige.
Répartis en quatre tables rondes, les participants ont évoqué les problèmes qui les préoccupaient. Ils ont demandé une plus grande protection de leurs lieux de culte ; la construction de mosquées pour répondre aux besoins d’une population qui croît sans cesse – le chiffre de 5 000 aurait été lancé – et une réponse gouvernementale plus vigoureuse à ce qu’ils ont appelé l’islamophobie. Ils ont aussi soulevé des sujets moins brûlants, notamment l’imposition d’une taxe sur la viande halal pour financer constructions et autres besoins communautaires. Cazeneuve a rejeté cette dernière proposition comme étant contraire au principe de la laïcité, mais le ministre a promis d’étudier la question des mosquées ; il s’est par ailleurs engagé à renforcer la sécurité d’un millier de lieux de cultes musulmans.
Dalil Boubakeur a alors créé l’incident en suggérant que des églises vides pourraient utilement être transformées en mosquées. Devant la violence des réactions, il est revenu sur sa déclaration – pourtant faite au micro d’Europe 1. Il avait cependant reçu un soutien inattendu : celui de l’évêque d’Ivry qui n’a pas hésité à dire : « Sur le principe, je préférerais que les églises deviennent des mosquées plutôt que des restaurants. » « Je suis tout à fait opposé à ce que les églises soient cédées aux musulmans et transformées en mosquées », lui avait rétorqué l’évêque de Pontoise, représentant de la Conférence des évêques de France, disant tout haut ce que beaucoup de paroissiens pensaient tous bas.
Politique de l’autruche
De quoi n’a-t-il pas été question ? De l’Islam en France, du terrorisme islamique et de la radicalisation des jeunes. Il ne s’agissait pas d’un oubli, mais de la volonté de ne pas « stigmatiser » la communauté… Autre sujet occulté, l’antisémitisme, devenu un problème majeur en Europe aujourd’hui. Le nombre et la sévérité des « incidents » dans la France du vingt et unième siècle ont provoqué un début d’exode dans la communauté juive. De plus en plus de juifs préfèrent quitter une France où la présence juive remonte à l’arrivée des troupes romaines, il y a bientôt près de deux millénaires. La France ne veut pourtant pas admettre l’existence d’un antisémitisme musulman qui vient rejoindre un antisémitisme chrétien que l’on croyait disparu.
Une dizaine de jours après la réunion – la prochaine est prévue l’an prochain – la France a été rappelée à la réalité lorsqu’un certain Yassin Salhi, ayant décapité son employeur, accrochait la tête aux grilles de l’entreprise, entre deux placards portant la « Chahada », la profession de foi musulmane. Salhi a ensuite tenté de faire sauter l’usine – avant, il a pris le temps d’envoyer à un ami un selfie avec la tête de sa victime.
Dans une conférence de presse impromptue, le président Hollande s’est bien gardé de parler de terrorisme islamique ou même d’évoquer les placards en arabe. Lorsque son premier ministre, Manuel Valls, déclarait sans ambages : « Nous sommes dans un conflit de civilisation », il provoquait l’indignation des membres de son propre parti et la réprobation des médias. En janvier déjà, Valls avait pourtant proclamé que la France était en guerre contre l’Islam radical, s’engageant à consacrer cent millions d’euros à la lutte contre le terrorisme. Seulement la gauche continue à clamer que c’est la communauté musulmane qui est la première victime du terrorisme ; le gouvernement, lui, ne veut pas voir que c’est l’Islam radical, et le soutien dont il bénéficie au sein des populations musulmanes, mais aussi de l’extrême gauche, qui est en cause. Universitaires et médias répètent à l’envi que seule une petite minorité d’extrémistes islamiques est responsable d’actes terroristes « qui sont contraires aux vraies valeurs de l’Islam. »
Pendant ce temps, de l’autre côté de la Méditerranée, les plus hautes autorités de l’Islam sont très embarrassées. Elles savent bien, elles, que c’est l’Islam tel qu’il est enseigné dans les écoles et les universités du monde islamique - notamment à Al Azhar au Caire ou dans les universités d’Arabie saoudite - qui est au cœur du problème. La Charia et ses sources – Coran, Sunna et traditions reposant sur la vie des disciples du Prophète et de ses chefs de guerre – sont le véritable moteur des attaques contre l’Occident. Il faudrait donc amender la Charia - ce qui est inconcevable pour la plupart des autorités religieuses. Pourtant, on en parle derrière les portes closes de vénérables institutions islamiques comme l’université El Azhar. Dans une véritable course contre la montre, ces autorités cherchent désespérément un moyen de retirer les textes les plus violents d’un curriculum inchangé depuis des siècles, sans toucher aux fondations de la religion.
Un seul homme a pris le taureau par les cornes. En Egypte, le président Sissi a ordonné une refonte des manuels scolaires pour éliminer les appels au Jihad et à l’extrémisme. La France, dont la devise est « Liberté, égalité, fraternité, » gagnerait à s’en inspirer.
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