Un rêve de paix : Shimon Peres et les accords d’Oslo

Le diplomate émérite et principal artisan d’Oslo n’a jamais renoncé à sa vision d’un avenir meilleur

Les signataires des accords d'Oslo (photo credit: REUTERS)
Les signataires des accords d'Oslo
(photo credit: REUTERS)
«Ma plus grande erreur est d’avoir rêvé trop petit », confiait l’ancien président Shimon Peres lors d’une conférence TED à Tel-Aviv l’an dernier. « Tous les experts sont spécialistes du passé. Il n’y a pas d’experts en matière d’événements potentiels. Il devrait pourtant en exister. Rêvez grand. Sans crainte et sans hésitation », conseillait-il. Vingt ans plus tôt, il proclamait dans la même veine : « On a le droit de rêver », lorsqu’il acceptait le prix Nobel de la paix en 1994, avec Yitzhak Rabin et Yasser Arafat.
La voix de la paix
Shimon Peres est universellement salué comme la voix de la paix pour sa foi indéfectible en un avenir meilleur entre Israël et ses voisins arabes. Les accords d’Oslo signés en 1993, qui définissent les relations israélo-palestiniennes depuis 23 ans, figurent parmi ses réalisations les plus marquantes sur ce point. L’accord intérimaire a engagé le processus de négociations publiques et directes avec les Palestiniens et abouti à la création du gouvernement palestinien, connu comme l’Autorité palestinienne. En vertu de ce compromis, la Judée-Samarie a été divisée en trois sections, les zones A, B et C, et l’AP a reçu une autonomie sur plus de 40 % des territoires, soit les zones A et B. Le traité fournit également un cadre permettant les échanges entre Israéliens et Palestiniens autour des questions de gouvernance liées à la Judée-Samarie. Et bien que les pourparlers n’aient finalement pas débouché sur une solution à deux Etats, les protagonistes se réfèrent encore aux principes de base énoncés par ces accords.
L’image la plus vivace d’Oslo reste la célèbre poignée de main, sur la pelouse de la Maison-Blanche, entre Bill Clinton, Yasser Arafat et Yitzhak Rabin. C’était le 13 septembre 1993, 23 ans jour pour jour avant l’attaque cérébrale dont a été victime Shimon Peres. Si Rabin et Arafat sont au premier plan sur la photo, Peres est considéré comme l’un des principaux artisans de l’accord. Le texte en lui-même porte sa signature ainsi que celle de l’actuel leader de l’AP Mahmoud Abbas.
L’espoir déchu
Les accords d’Oslo ont constitué un immense moment d’espoir qui ne s’est cependant jamais concrétisé. Pour beaucoup, ils sont la cause directe des deux décennies d’attaques terroristes qui ont suivi. Moshé Arens, ancien ministre (Likoud) des Affaires étrangères et adversaire d’Oslo de la première heure, est de cet avis. « Si le traité avait apporté la paix, je n’aurais pas eu peur de reconnaître mon erreur », confie-t-il. « Mais cela n’a pas été le cas. Oslo a permis le retour de “l’architerroriste” Arafat et la légitimation d’un mouvement terroriste – l’Organisation de libération de la Palestine – pour représenter le peuple palestinien. Les accords d’Oslo ont élevé l’OLP au rang de partenaire de négociation », poursuit Arens. « Nous avons amené ces terroristes dans la région et les avons imposés à la population palestinienne. Nous connaissons tous la suite. »
L’ancien chef du Meretz, Yossi Beilin, ministre adjoint des Affaires étrangères sous le gouvernement Rabin, a également contribué à l’élaboration des accords d’Oslo. Pour lui, le problème n’est pas le texte en lui-même, mais le fait qu’il n’a pas été transformé immédiatement en un traité permanent.
Beilin se souvient de la première fois où il est entré dans le bureau de Peres après l’élection de Rabin en 1992. Il venait lui faire part des pourparlers officieux qui se déroulaient au bas de l’échelle avec les Palestiniens. A l’époque, Peres était ministre des Affaires étrangères. « S’il m’avait dit de laisser tomber, cela n’aurait pas été plus loin. Mais il a tout de suite saisi l’importance de nos rencontres avec l’OLP et s’est senti suffisamment engagé pour en parler à Rabin. »
Dans les coulisses d’Oslo
Selon Michael Bar-Zohar, auteur d’une biographie de Shimon Peres publiée en 2007, Rabin n’avait nullement l’intention d’impliquer son rival travailliste dans les efforts de paix avec les Palestiniens. Sans se laisser décourager, Peres a avancé à petits pas, jusqu’à jouer un rôle majeur.
« Un jour, il est venu trouver Rabin et lui a annoncé que deux professeurs, Yaïr Hirschfeld et Ron Pundak, étaient en contact avec de petits dirigeants de l’OLP et voulaient entamer des négociations avec eux en Norvège. Rabin a donné son accord, et c’est ainsi que tout a commencé », écrit Bar-Zohar. « Rabin n’escomptait rien de ces pourparlers », poursuit-il. « Quelques jours avant la signature de l’accord, il a même demandé aux collaborateurs de Peres d’arrêter les négociations : il redoutait en effet de voir Arafat tenter de tromper Israël. Mais Peres l’a remis sur les rails, et a insisté sur les détails nécessaires pour permettre au processus d’avancer. »
A cet instant, ni Peres ni Rabin ne réalisent cependant que la signature de l’accord avec Arafat équivaut, de facto, à entériner la création d’un Etat palestinien, estime Bar-Zohar. Selon lui, le moment décisif du processus de paix n’a pas eu lieu sur la pelouse de la Maison-Blanche, mais six ans plus tôt, en 1987, quand Peres était ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement d’Yitzhak Shamir.
Tout commence en 1987
Cette même année, Peres rencontre secrètement à Londres le roi Hussein de Jordanie et les deux hommes conviennent d’entamer des pourparlers directs pour la première fois. A l’époque, le souverain hachémite sait très bien, comme il le confiera plus tard aux médias américains, qu’il ne récupérera ni la totalité de la Cisjordanie ni Jérusalem, explique Bar-Zohar.
C’est un Peres euphorique qui envoie Beilin, alors directeur général au ministère des Affaires étrangères, intercepter le secrétaire d’Etat américain George Shultz, en visite en Finlande et en route pour Moscou, afin de lui faire part de la percée soudaine des négociations. « Beilin est arrivé à minuit et a réveillé l’assistant du secrétaire d’Etat américain pour lui montrer l’accord », raconte Bar-Zohar. « Shultz était si enthousiaste ! Pour lui, il s’agissait d’un véritable “essai transformé”. Il était prêt à entamer immédiatement la navette diplomatique entre Jérusalem et Amman. Mais Shamir a saboté les efforts entrepris par Peres, et envoyé Arens à Washington pour dissuader Shultz d’apporter son soutien à cette initiative. »
« Jusque-là, tout compromis au regard des territoires acquis par Israël pendant la guerre des Six Jours avait été élaboré avec la Jordanie. Mais peu après l’échec de Londres en 1987, Hussein a abandonné les négociations. Un geste qui ne laissera pas d’autre choix à Peres et Rabin que de traiter directement avec les Palestiniens eux-mêmes », explique Bar-Zohar.
Plusieurs décennies plus tard, Peres n’a jamais cessé de défendre les accords d’Oslo. Il n’en démordait pas, la paix reste possible. Cet optimisme qui l’avait propulsé vers des pourparlers – auxquels personne ne croyait – avec les Palestiniens, l’a poussé à aller de l’avant jusqu’à son dernier souffle. Shimon Peres était un inébranlable optimiste. 
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