Carton orange

Pour la diplomatie française, l’affaire Orange est tombée au plus mauvais moment

Des militants du BDS (photo credit: REUTERS)
Des militants du BDS
(photo credit: REUTERS)
Les déclarations contradictoires du PDG d’Orange Stéphane Richard au cours de ces derniers jours ont laissé penser à bon nombre d’experts français que le mouvement BDS a cette fois, marqué plusieurs points.
En l’espace de quatre jours, Richard a d’abord formulé l’idée de boycotter Israël, avant de préciser que sa société entendait rompre ses liens avec l’Etat juif sur une base commerciale seulement, puis de faire complètement marche arrière, annonçant combien Orange « aime Israël » qu’il n’a pas l’intention de quitter. Orange est donc revenue à sa position de départ. Mais la campagne du mouvement Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) a réussi, médiatiquement parlant, à placer son agenda sur la table des leaders européens.
En France, certains commentateurs ont tenté de minimiser l’importance des déclarations de la célèbre marque de téléphonie mobile. Pour eux, le PDG d’Orange a simplement exposé maladroitement une décision stratégique de l’entreprise, qui veut favoriser une présence directe à l’étranger, plutôt que la vente de sa marque à des sociétés locales – comme c’est le cas en Israël. Selon ce point de vue, il serait légitime pour l’entreprise qui s’est considérablement développée ces dernières années, de préférer exploiter ses activités à l’étranger par elle-même, avec son propre personnel et ses ressources, plutôt que de les confier à des opérateurs locaux.
Mais cela reste un point de vue minoritaire. Les médias français dans leur ensemble ne se sont pas laissé convaincre par les dernières déclarations de Richard, dont son interview accordée à Yediot Aharonot. Samedi 6 juin, Le Monde publiait ainsi un long article sur le combat d’Israël contre la campagne BDS. Et d’autres médias français analysaient les ramifications d’un mouvement de boycott accru de la politique israélienne. En d’autres termes, seuls quelques experts français ont admis les explications d’Orange, affirmant que la décision du groupe de se retirer à terme d’Israël découlait d’un choix stratégique, et non politique.
Fabius prend son temps
La réaction tardive du ministre des Affaires étrangères françaises, Laurent Fabius, est aussi clairement allée dans ce sens, en termes de mots et de timing. Vendredi 5 au matin, soit près de deux jours après les premières déclarations de Richard au Caire, Fabius publiait une première réaction officielle, affirmant : « S’il appartient au président du groupe Orange de définir la stratégie commerciale de son entreprise, la France est fermement opposée au boycott d’Israël ». Et le communiqué de rappeler la position de la France et de l’Union européenne sur la politique de construction dans les implantations, qui est « une position constante et connue de tous ». Le ministère de Fabius a ainsi pris son temps avant de répondre. Jeudi 4, tout au long de la journée, les diplomates français étaient en contact avec les leaders d’Orange d’un côté, et l’ambassade d’Israël à Paris de l’autre. La réponse, finalement publiée vendredi, était concise, mais claire : la France rejette bel et bien la campagne de boycott. Le ministère français des Affaires étrangères a saisi l’ampleur des réactions israéliennes suite aux commentaires de Richard, et a répondu de façon ferme.
Car l’affaire Orange est tombée au pire moment possible en ce qui concerne Fabius. Le chef de la diplomatie française est attendu en Israël pour une visite en Judée-Samarie le 21 ou 22 juin. Il sera porteur d’un seul message : celui de la proposition française pour une résolution de l’ONU qui définit un cadre de 18 mois aux négociations israélo-palestiniennes.
Jusqu’ici, Paris a principalement discuté de cette initiative avec la Ligue arabe et Washington. Les Français sont censés présenter leur projet au Conseil de sécurité des Nations unies juste après le 30 juin – date butoir des négociations avec l’Iran – d’où l’urgence d’en débattre officiellement avec Jérusalem.
De toute évidence, l’incident Orange n’était pas la chose la plus constructive qui soit pour préparer une visite diplomatique aussi délicate. Le ministère espère que son ferme rejet du concept de boycott, combiné avec les récentes déclarations de Richard, saura calmer l’atmosphère actuelle.
Agiter une menace de boycott sous les yeux des Israéliens pourrait servir d’avertissement au gouvernement Netanyahou, mais même Paris estime que cet appel du pied, à cet instant précis, n’était ni diplomatique, ni productif.
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