Le véritable héritage

Qui était réellement Yitzhak Rabin ? Ni un pacifiste, ni un idéaliste, ni même l’artisan des accords d’Oslo. Depuis 20 ans, Israël refuse de tirer les leçons du passé et réécrit l’histoire

Accords d'Oslo en 1993 (photo credit: REUTERS)
Accords d'Oslo en 1993
(photo credit: REUTERS)
Ce n’est sans doute pas le fruit du hasard. Alors qu’Israël marquait cette semaine le 20e anniversaire de l’assassinat du Premier ministre Yitzhak Rabin, le chef de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas demandait à l’ONU d’instaurer « un régime spécial de protection internationale » pour les Palestiniens contre Israël. « Cela ne sert plus à rien de perdre du temps à négocier pour le seul plaisir de négocier. Ce qu’il faut, c’est mettre fin à l’occupation conformément au droit international », affirmait celui qui, depuis sept ans, refuse de s’asseoir à la table des pourparlers.
Pendant ce temps, comme chaque année, la gauche profitait de l’anniversaire de l’assassinat du Premier ministre pour accuser la droite d’être responsable du meurtre de Rabin, ainsi que de l’échec du processus de paix. Une double farce. Yigal Amir a tué Rabin, mais ce n’est pas lui qui a tué la paix. L’hypothèse selon laquelle – contrairement aux cinq hommes qui lui ont succédé au poste de Premier ministre – Rabin aurait abouti à un accord final avec Yasser Arafat s’il avait vécu jusqu’au terme de son mandat, est fausse. Elle fait fi de la nature du processus d’Oslo et occulte la position de Rabin lui-même par rapport à ces accords.
Le faux Oslo
Contrairement à ce que les architectes et partisans d’Oslo prétendent, ce processus ne pouvait en aucun cas aboutir à la paix entre Israël et les Palestiniens. Pour la bonne et simple raison que l’OLP n’a jamais voulu la paix. Juste après la conclusion des accords initiaux, en septembre 1993, Yasser Arafat s’est envolé de Washington pour l’Afrique du Sud. Là, il a déclaré sans ambages, à un public musulman, que le processus de paix était une supercherie. Et d’expliquer que les accords d’Oslo affaibliraient Israël tout en renforçant les Palestiniens, qui profiteraient alors de la situation pour atteindre leur objectif : détruire l’Etat juif par le djihad.
Après qu’Israël se soit lancé dans ce qui était considéré comme le processus de paix avec l’OLP, le ministère de l’Education a modifié ses programmes scolaires. Dès 1994, l’OLP était présentée aux écoliers israéliens comme une force modérée et un partenaire de paix. De l’autre côté, après la formation de l’Autorité palestinienne en 1994, les Palestiniens ont également modifié le contenu de leurs manuels : les Israéliens y sont présentés comme des sous-hommes et leur assassinat comme la mission morale la plus sacrée. Les attentats suicides de 2000-2005 sont le pur produit de cette propagande.
Oslo n’a pas échoué parce que Rabin a été tué. L’échec du processus, jusqu’à aujourd’hui, vient de ce qu’il est basé sur de fausses hypothèses concernant les Palestiniens et sur la nature du conflit qui les oppose à Israël. Oslo attribuait l’absence de paix à la non-existence d’un Etat palestinien, autrement dit : si Israël cédait suffisamment de territoires à l’OLP, il y aurait la paix. Mais comme l’expliquait en septembre 2000 au Haaretz Shlomo Ben-Ami, ministre des Affaires étrangères d’alors : « Les concessions d’Arafat vis-à-vis d’Israël [à Oslo] n’étaient que de pure forme. Moralement et intellectuellement, il n’a jamais reconnu le droit à l’existence d’Israël. Il n’a jamais accepté l’idée de deux Etats pour deux peuples. »
En d’autres termes, Oslo n’a jamais été un processus de paix, parce que les Palestiniens ne l’ont jamais considéré comme un moyen de construire leur propre état national, mais comme le moyen de détruire Israël. L’idée que le processus de paix est mort avec Rabin est absurde, parce que le processus de paix n’a jamais existé ailleurs que dans l’imagination de la gauche. Ce qui nous amène au deuxième volet de la farce. Celui qui dénature non seulement le processus d’Oslo, mais également la vie et l’héritage d’Yitzhak Rabin.
Le vrai Rabin
Yitzhak Rabin n’était ni un pacifiste, ni un idéaliste naïf, mais un faucon de la sécurité, qui a consacré sa vie à la défense d’Israël. Certes, il croyait que l’absence de paix avec les Palestiniens était la source du rejet de l’Etat hébreu par le monde arabe au sens large. Mais il estimait également qu’il y avait une limite à ce que Jérusalem pouvait offrir aux Palestiniens.
Rabin envisageait l’ébauche d’un accord plus ou moins selon les lignes définies par Yigal Allon, dans son plan de paix de 1967. L’étape finale du processus impliquait, selon lui, une autorité palestinienne autonome, plutôt qu’un Etat, qui régnerait sur près de la moitié de la Judée et de la Samarie et une grande partie de la bande de Gaza. Jérusalem, à son sens, demeurerait une et indivisible sous la seule souveraineté israélienne. Les communautés israéliennes de Judée, Samarie et Gaza resteraient en place. Israël maintiendrait son contrôle sur les zones non cédées aux Palestiniens, dont les frontières internationales avec l’Egypte et la Jordanie, ad vitam aeternam.
Yitzhak Rabin n’a pas été l’architecte des accords d’Oslo. Shimon Peres et ses associés ont négocié l’accord initial dans son dos. Rabin s’est senti obligé d’adopter le document après les faits, parce qu’il avait promis aux électeurs, pendant la campagne électorale de 1992, d’œuvrer pour la paix avec les Palestiniens. Et avec la multiplication des attaques terroristes dans les mois qui ont suivi la cérémonie de signature sur la pelouse de la Maison-Blanche, le Premier ministre commençait à envisager l’annulation du processus. A la veille de son assassinat, devant la montée du terrorisme palestinien, il projetait sérieusement d’abroger les accords dans leur totalité. Dans une interview donnée à l’occasion du 15e anniversaire de l’assassinat de son père, Dalia Rabin expliquait que celui-ci était sur le point de faire marche arrière. 
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