Monopoly grandeur nature

Dans l’immobilier, le plus dur, c’est la première acquisition. L’achat d’un second bien pourrait se révéler un jeu d’enfant

Une vue générale de Tel-Aviv et de Jaffa (photo credit: MARC ISRAEL SELLEM/THE JERUSALEM POST)
Une vue générale de Tel-Aviv et de Jaffa
(photo credit: MARC ISRAEL SELLEM/THE JERUSALEM POST)
Cela fait une dizaine d’années que Grégory Weitz et Olivier Amsellem, francophones d’origine, ont monté leur cabinet d’avocats à Tel-Aviv. Les deux hommes se sont rencontrés à Bar-Ilan. Leur spécialité : le droit immobilier. Leurs clients : des étrangers, en grande majorité Français, Belges, Italiens, Suisses ou Américains.
Ces derniers temps, on a pu constater un certain ralentissement dans les investissements d’origine étrangère, note Weitz. Il invoque plusieurs raisons à cela, en premier lieu, les limitations bancaires qui compliquent désormais le transfert d’argent vers Israël. « Il faut subir des enquêtes dignes du KGB ou de la CIA », déplore l’avocat.
Ce durcissement est récent. Jusqu’à il y a cinq ans, environ, tout le monde pouvait transférer de l’argent de partout, poursuit-il. Puis sur fond de crise, les Américains ont commencé à exiger des explications sur la provenance des fonds. Un système de vérification qui sera également adopté par l’Union européenne et les pays de l’OCDE, dont Israël, pour éviter le blanchiment d’argent, ou le financement du terrorisme, par exemple. « Sur le principe, c’est très bien », explique Grégory Weitz, « mais en Israël, en l’absence de régulations nationales, chaque banque faisait ce qu’elle voulait et changeait ses règles matin, midi et soir. Pour transférer des fonds de son pays d’origine, chaque client étranger devait faire face à des requêtes complètement folles. Ce qui rendait les démarches difficiles, et finalement, les investisseurs ont préféré placer leur argent ailleurs. »
Puis, récemment, Israël a voulu mettre un peu d’ordre en limitant les financements accordés aux investisseurs étrangers. Pour l’acquisition d’un bien, un étranger ne peut désormais bénéficier que d’un crédit limité à 50 % de la valeur du bien. Un Israélien, lui, peut obtenir un financement bancaire de 70 % pour l’acquisition d’un premier bien – pour un second, son crédit sera également plafonné à 50 % de la valeur d’achat.
Un appartement pour rien ?
Mais si elle a uniformisé la politique des banques, la mesure a également contribué à limiter les transactions. Pour essayer de redynamiser l’investissement étranger, les associés du cabinet Amsellem & Weitz ont trouvé une solution : le quasi-autofinancement de l’achat d’un second bien, valable pour les acheteurs potentiels, étrangers ou israéliens. « Nous n’avons rien inventé », insiste Grégory Weitz, « il s’agit d’un montage financier. Nous connaissons les rouages et avons les contacts, mais n’importe qui peut le réaliser ».
La pratique est simple : elle repose sur la possibilité d’hypothéquer un premier bien, jusqu’à hauteur de 50 % de sa valeur. Puis de solliciter un crédit bancaire pour les 50 % restants. Prenons un exemple. M. Cohen est propriétaire d’un appartement de deux millions de shekels à Tel-Aviv.
Il souhaite acquérir un second bien estimé à un million de shekels à Beersheva. Conformément à la loi, et bien sûr, s’il répond aux critères d’obtention d’un crédit, la banque lui prêtera 50 % de la valeur du bien à acquérir, soit 500 000 shekels. Puis il pourra contracter une hypothèque sur son premier bien, jusqu’à 50 % de sa valeur, soit un maximum d’un million de shekels.
Dans la mesure où il s’agit d’un investissement, ce second appartement sera proposé à la location et son revenu locatif permettra de couvrir le remboursement du crédit obtenu. Seuls resteront les frais annexes à assumer par l’acheteur (honoraires d’avocat, frais bancaires, expertise du bien, etc.) et la somme nécessaire pour bloquer le bien lors de la promesse de vente, estimés à environ 10 % du montant de la transaction.
En clair, avec ce montage financier, seuls 10 % d’apport en fonds propres sont nécessaires pour acquérir un second bien. Ou parfois moins, pour un bien neuf. « Nous avons passé des accords avec des constructeurs qui acceptent un dépôt de 25 000 shekels pour bloquer une vente, le temps ensuite de valider le montage financier, ce qui peut prendre entre 30 et 60 jours », ajoute Grégory Weitz.
L’immobilier, un investissement solide
Mais alors, pourquoi cette pratique n’est-elle pas plus répandue ? « Parce que les gens n’y pensent pas », précise Weitz. « Beaucoup d’investisseurs mettent leur argent en banque, mais cette option permet de gagner davantage, sans prendre trop de risque, car l’immobilier reste un investissement solide ».
Les risques sont minimes, affirme-t-il. Dans le pire des cas, si l’acheteur ne parvient pas à louer et donc à rembourser son second bien, il le revend, et rembourse l’hypothèque contractée sur le premier appartement. Le scénario catastrophe serait de voir le marché immobilier s’effondrer. Mais cela, l’avocat spécialisé n’y croit pas. « Il pourra peut-être perdre 1 à 2 %, mais 20 %, non, autrement, c’est le pays en entier qui tombe ».
Selon Weitz, l’hypothèque – qui n’est pas toujours prisée par les acheteurs français – ne doit pas faire peur. « Il faut voir cela dans un esprit d’investissement, c’est du business. Il faut comparer ce que pourrait rapporter l’argent en banque, par rapport à un investissement immobilier. En Israël, les rendements locatifs ne sont pas très élevés, de l’ordre de 2,5 à 3,5 %. Mais ce qui est intéressant, c’est la plus-value, car les biens prennent de la valeur plus qu’ailleurs. C’est peut-être de la spéculation, mais depuis plus de dix ans, c’est la réalité dans laquelle nous vivons ».
La responsabilité de l’Etat
Si cette option peut s’avérer gagnante pour ceux qui sont déjà propriétaires, elle ne change rien pour les Israéliens moyens qui ne disposent pas des ressources nécessaires pour accéder à la propriété. Sur ce point, Grégory Weitz dénonce la responsabilité du gouvernement. « L’Etat est le principal propriétaire foncier en Israël, il détient 93 % des terres. S’il le voulait vraiment, il pourrait décider de faire en sorte que tous les terrains soient gratuits pour permettre aux promoteurs de fixer des prix en fonction de la seule construction. Mais il perçoit tellement de taxes, en impôts fonciers et locatifs qu’il ne fait rien pour modifier le système. Dire qu’il cherche à faire baisser les prix de l’immobilier relève de l’hypocrisie. S’il le voulait vraiment, il en serait capable. »
Certes, depuis la prise de fonction de Moshé Kahlon à la tête des Finances, l’avocat a noté une légère stagnation du marché à Tel-Aviv, mais ailleurs, les prix continuent de monter. « Israël bénéficie d’une immigration économiquement positive. C’est aussi un des pays qui compte parmi les taux de divorce et de natalité les plus élevés, les gens ont donc besoin de se loger. »
Quant à la nouvelle législation qui encadre les devoirs du propriétaire au regard de son locataire, Grégory Weitz l’accueille favorablement, mais la qualifie de « vide ». Il revient sur le projet de loi initial, à l’origine de la législation, quand Yaïr Lapid était ministre des Finances : « Le but était de contrôler les prix des loyers, ce qui aurait pu stabiliser le marché locatif. La nouvelle loi ne parle pas des montants, mais des obligations du propriétaire, de ce qui est apte ou pas à être loué. C’est bien, mais ce n’est pas suffisant. »
En tout cas, selon lui, cette nouvelle législation ne représente en rien un obstacle à l’investissement.
Ce qui pourrait constituer un frein, en revanche, serait la loi Kahlon sur la hausse d’imposition à partir d’un troisième bien immobilier. Loi actuellement gelée pour avoir été votée à trois heures du matin, sans réel débat parlementaire. Une demande d’annulation a été déposée auprès de la Cour suprême, qui doit rendre sa décision.
Quoi qu’il en soit, pour Grégory Weitz, une chose est sûre : il vaut mieux faire travailler son argent que de le laisser en banque. Et il est catégorique : l’investissement immobilier reste une des meilleures options.

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