Pascale Bercovitch : une volonté à toute épreuve

« Cela pourrait être ma plus belle expérience. » L’athlète paralympique israélienne entend bien rentrer avec une médaille

Pascale Bercovitch à Londres en 2012 (photo credit: ODED LAVI)
Pascale Bercovitch à Londres en 2012
(photo credit: ODED LAVI)
Pascale Bercovitch n’est pas du genre à se décourager. Son aventure olympique a commencé en 2008 : à l’âge de 40 ans, elle participait pour la première fois aux Jeux paralympiques de Pékin. Quatre ans plus tard, elle retentait sa chance à Londres. Aujourd’hui, elle relève une fois de plus le défi, sur un troisième continent. A 48 ans, Pascale Bercovitch est la première athlète paralympique à avoir concouru au plus haut niveau dans trois sports différents : l’aviron, le handbike et le kayak. Malgré son handicap.
Maudit vendredi 13
A l’époque, Pascale vivait encore en France. Par une froide matinée d’hiver, un vendredi 13 se souvient-elle, la jeune lycéenne de 17 ans court après le train sur le quai de la gare. Elle ne veut pas être en retard à son contrôle de physique. Elle glisse et se retrouve sous le wagon qui prend de la vitesse.
« Je ne voulais surtout pas mourir », se souvient-elle. « J’ai tout fait pour rester réveillée et vivante. C’était une vraie bataille. » En attendant les secours, la jeune fille se répète : « Allez, encore une seconde, encore une minute ! Encore une seconde, encore une minute… » « En fait, depuis toujours j’essaye de conquérir le temps. » Pour tenir bon, Pascale pense à ses rêves. Se marier, avoir des enfants, mais avant cela, monter en Israël et s’engager dans Tsahal. « C’était mon plus grand projet », raconte-t-elle. « Israël était très important pour moi. » A l’époque, elle n’a jamais fait l’expérience d’un quelconque antisémitisme, en dehors de quelques moqueries occasionnelles sur son patronyme, qui ne sonne pas très français. Toutefois, Pascale ressent très fort son identité juive, qui la pousse à faire son aliya.
L’ambulance arrive enfin. A cause du mauvais temps, les routes sont fermées et on ne peut la conduire tout de suite à l’hôpital. L’attente durera huit heures. « Le temps est toujours injuste », dit-elle. Pascale sera finalement amputée de ses deux jambes, mais le handicap ne l’empêchera pas de s’enrôler dans Tsahal et de servir deux ans en tant que bénévole au sein de l’unité Sar’el. Sa mission : aider les volontaires et prononcer des discours de motivation. « J’avais le sentiment que, si je pouvais faire partie de l’armée, tout était possible. »
Aujourd’hui encore, elle voue une reconnaissance sans borne à son supérieur, le général Aharon Davidi, qui lui a permis de devenir la première bénévole à accomplir le service militaire en fauteuil roulant, et l’a aidée à prendre confiance en elle pour inspirer d’autres personnes. « Il m’a placée sur l’estrade sans me demander mon avis », raconte Pascale. Pas coiffée, sans maquillage et avec un hébreu très approximatif, elle se retrouve sous le feu des projecteurs devant 1 200 personnes. Assise dans son fauteuil, cherchant ses mots, elle parle alors près d’une heure et reçoit une standing ovation. « Ils se sont tous levés et ils ont applaudi pendant plusieurs minutes ! »
Au terme de son service militaire, le général Davidi encourage Pascale à s’inscrire à l’université et à faire du sport. Elle commence la natation et devient membre de l’équipe nationale avec l’intention de participer aux Jeux paralympiques. Mais l’entraînement réclame beaucoup de temps et il ne lui en reste pas assez pour gagner sa vie. Pascale devient alors journaliste et renonce à son rêve olympique.
Sportive tout terrain
« Si quand j’avais 20 ans, vous m’aviez dit que je participerais aux Jeux olympiques à 40 ans, je vous aurais conseillé d’aller vous faire hospitaliser en psychiatrie », plaisante Pascale Bercovitch. « Mais la vie est comme ça : complètement folle ! Les choses arrivent sans qu’on s’y attende… »
En 2008, une chance de participer à l’épreuve d’aviron aux paralympiques de Pékin avec l’équipe nationale israélienne s’offre à elle. Hélas, ils terminent derniers avec une seule médaille de bronze et ne se qualifient pas pour 2012. En 2010, la sportive décide de se lancer dans le handbike, avec le projet de participer aux Jeux de 2012. C’est par hasard qu’elle rencontre son futur entraîneur, Mark Or, dans un magasin de cycles. Cet immigrant d’Afrique du Sud est très impressionné par la volonté qu’elle manifeste. Le fait d’avoir l’un comme l’autre grandi à l’étranger les rapproche. C’est la première fois que Mark Or travaille avec un athlète amputé. Bien comprendre quelles sont exactement les capacités physiques de Pascale lui prend du temps. Par exemple, si le centre de gravité du corps humain se situe sous le nombril, chez elle, il est à hauteur de la poitrine. Ainsi les exercices de gymnastique ne se réalisent-ils pas de la même façon. Pour certains mouvements, Pascale doit être attachée pour ne pas tomber. Mais ces difficultés lui confèrent un avantage : elles la contraignent à contrôler son corps. Et font d’elle un meilleur athlète. A 44 ans, Pascale Bercovitch concourt donc pour la deuxième fois sur la plus grande scène internationale, sans toutefois rencontrer le succès espéré, puisqu’Israël termine au dernier rang en handbike.
Elle change à nouveau de discipline en perspective des paralympiques de 2016, et se met au kayak, un sport similaire à l’aviron, mais dans lequel on utilise une seule rame au lieu de deux. Pour financer son entraînement, l’athlète trouve un sponsor : une start-up de Tel-Aviv, le Matomy Media Group. Avec son slogan « Nous jouons pour gagner ! », son président fondateur Ofer Druker considère que l’histoire de Pascale Bercovitch illustre bien la philosophie de son entreprise. « Chaque matin, à peine a-t-elle ouvert les yeux, que cette femme doit commencer à se battre pour faire ce qu’elle a décidé de faire. C’est le message que nous voulons lancer à notre public, à nos employés, à la jeune génération : nous voulons leur dire qu’il y a des gens qui, quand ils se réveillent le matin, doivent aussitôt se mettre à se battre et que, chaque jour, ils gagnent ! »
Avoir un sponsor est d’un grand secours, et compense l’insuffisance des fonds versés par l’Etat et le Comité olympique aux sportifs handicapés. Pascale n’est pas un cas unique dans la communauté des paralympiques, indique son entraîneur : en Israël, la plupart des athlètes ne reçoivent pas les revenus dont ils auraient besoin. Et c’est là l’une des choses qui impressionnent le plus Mark Or : cette capacité qu’a Pascale Bercovitch de trouver le juste équilibre entre son entraînement, sa vie professionnelle et sa famille, composée d’un mari et de deux enfants. « La plupart des autres athlètes se focalisent sur leur sport. Elle, elle arrive à faire les trois, et à la perfection ! »
A Rio, Pascale Bercovitch devra affronter des concurrents bien plus jeunes qu’elle, mais son expérience et les progrès qu’elle a accomplis sur le plan physique constitueront un atout de taille. Surtout, ce qu’elle préfère lorsqu’elle participe aux jeux, c’est ce qui se passe en dehors de la piste ou du bassin : les rencontres avec les autres concurrents.
Au-delà de ses chances de victoire, l’athlète garde le regard tourné vers l’avenir et le prochain défi. Elle trouve que le temps qui passe n’est pas juste, mais qu’il continue à lui offrir de belles opportunités. « Tout est possible, ne vous inquiétez pas ! », assure-t-elle. « Si vous ne pouvez pas faire telle ou telle chose quand vous avez 20 ans, vous y parviendrez quand vous en aurez 40, c’est tout… » 
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