Plages : attention, pollution

Malgré les quelques progrès réalisés ces dernières années pour endiguer les différents problèmes qui menacent le littoral israélien, les moyens financiers et humains manquent toujours

Une vue aérienne du bord de mer israélien (photo credit: GPO)
Une vue aérienne du bord de mer israélien
(photo credit: GPO)

Comme chaque été en Israël, le soleil est au beau fixe et la plupart des vacanciers n’aspirent qu’à une chose : aller à la plage pour se détendre sur le sable chaud, et prendre des bains de mer rafraîchissants. Mais alors que le pays investit largement pour promouvoir la protection de la peau contre les agressions solaires, ses campagnes négligent les risques sanitaires liés à la pollution de l’eau. La construction le long des côtes représente un autre problème de taille, non seulement pour l’environnement, mais aussi pour les amoureux de la nature. Ainsi, sur les 196 kilomètres de littoral israélien, 50 sont fermés au public pour cause de travaux. « De nombreux projets immobiliers ont été approuvés, comme à la plage du Carmel pour quatre complexes résidentiels supplémentaires. Dans le meilleur des cas, on construira plusieurs hôtels, et au pire des cas, un immense complexe touristique. D’autres chantiers immobiliers doivent également voir le jour sur les côtes de Bat Yam, Ashdod, Ashkelon, Haïfa, Hadera et Achziv », explique Yael Dori, directrice de l’aménagement du territoire au sein de l’organisme Adam, Teva, V’Din.

Lois non appliquées
Afin de préserver les plages, la loi littoral, votée en 2004, définit à quelle distance du bord de mer et quel type de structure les promoteurs sont autorisés à construire. Ainsi, sur les 100 premiers mètres du rivage, seules les installations relatives à la baignade ou au sport ainsi que les restaurants ont droit de cité ; jusqu’à 300 mètres du rivage, d’autres types d’installations sont autorisées excepté des résidences. Malheureusement, certains entrepreneurs se sont arrangés pour contourner la loi en utilisant des plans antérieurs à cette loi. L’un de ces projets, qui prévoit la construction de 350 logements de vacances, menace la plage Betzet à Rosh Hanikra.
Concernant le problème des accès payants à la mer, on a observé des progrès certains depuis un an, grâce à la décision du ministre de l’Intérieur Arye Deri de faire cesser ces pratiques dans les plages publiques. Une récente étude menée par une ONG dédiée à la protection de l’environnement, a démontré que de nombreuses plages respectent désormais cette recommandation, bien que certaines profitent des zones de parking adjacentes pour obtenir des compensations en exigeant des tarifs de stationnement excessifs. Toutefois, si le ministre venait à quitter son poste avant que cette recommandation ne devienne une loi, elle pourrait être annulée.
Bien que l’on observe, depuis quelques années, une prise de conscience des dangers liés au déversement des eaux usées et au traitement de l’eau donnant lieu à des mesures plus strictes de la part des ministères de l’Environnement et de la Santé, les problèmes demeurent. Les experts constatent un important manque de contrôle concernant la mise en vigueur de la réglementation, et un certain laxisme de la part des autorités locales, qui ne déploient pas les moyens financiers et humains nécessaires à son application. Ainsi, selon le rapport 2016-2017 de l’association Zalul – qui œuvre en faveur de la qualité de l’environnement –, un certain nombre de plages ont été fermées au public pendant 310 jours en raison d’alertes à la pollution. D’autres sont restées ouvertes au public malgré ces pics. « Les surfeurs qui profitent des vagues hivernales ne sont pas conscients de mettre leur santé en danger », avertit le Dr Youval Arbel, coordinateur pour la plage et la mer à Zalul. « En cette saison, le littoral de Tel-Aviv, Bat Yam et Haïfa reçoit le trop-plein d’eau de pluie qui s’écoule par les systèmes de drainage municipaux, pour se déverser ensuite dans la mer. Non seulement personne ne mesure les niveaux de pollution dans ces eaux, mais les panneaux d’avertissement exigés par le ministère de la Santé ne sont pas mis en place. »
Eaux polluées
En février dernier par exemple, Zalul a détecté une concentration de bactéries fécales bien au-delà de la concentration autorisée sur la plage Gordon de Tel-Aviv. « Le jour où cet échantillon a été prélevé, la plage était ouverte au public, et les gens étaient en train de nager et de surfer. Les analyses ont détecté la présence de 69 000 bactéries coliformes dans 100 ml d’eau de mer, alors que le niveau normal se situe entre 100 et 400. Au-dessus de 400, les autorités doivent impérativement fermer la plage pour empêcher le public de se baigner », relate le Dr Arbel. Dans la plupart des cas, le ministère de la Santé fait effectivement fermer les sites contaminés, mais il est arrivé à plusieurs reprises que des plages restent ouvertes. Dans d’autres cas, c’est le fait de ne pas avoir transmis aux autorités les résultats des tests suffisamment tôt, qui a exposé les baigneurs à de sérieux risques sanitaires ; comme lorsque des polluants ont été déversés dans la mer à Palmahim le 9 décembre 2016, et que cela n’a été rendu public que le 18 décembre ; ou quand les autorités ont mis trois jours pour informer que du pétrole s’était déversé à Kiryat Haïm.
Youval Arbel recommande également à la population d’être prudente concernant ce qu’elle mange. Certains poissons pêchés sur les côtes d’Acco contenaient notamment de fortes concentrations en mercure, bien au-delà du seuil toléré.
« Ceci est le résultat des activités polluantes menées par Electrochemical depuis l’année 2000 : le mercure recouvre les fonds marins, imprègne la nappe phréatique et pollue toute la baie d’Acco. Le ministère de la Santé a émis une directive pour clôturer le périmètre concerné, et interdire la baignade, mais ces mesures sont restées sans suite. La pollution par le pétrole brut représente une autre menace pour Israël. Chaque jour, des pétroliers accostent dans les ports du pays, avec, pour conséquence, des risques de fuites, qui constituent à la fois un énorme danger pour l’environnement et la santé, mais qui sont également susceptibles de paralyser les installations de dessalement proches. Une fuite dans un oléoduc à Ashdod a conduit à la fermeture des plages pendant dix jours, tandis que des traces de pétrole ont été retrouvées jusqu’à Herzliya. Les dommages causés sur la faune marine et sur le littoral ont été considérables.
Rien n’est gagné
Depuis cet incident, le ministère de l’Environnement s’attelle à mettre en place un programme destiné à faire face à ce genre de catastrophe. « Un grand nombre de forages en mer sont en cours, et chaque conduit représente une fuite potentielle. Nous devons absolument faire passer une loi à ce sujet le plus rapidement possible. Parallèlement à cette menace, les eaux usées continuent à s’écouler librement dans la Méditerranée, avec leur lot de polluants, de bactéries fécales, ainsi qu’une forte concentration en phosphore et en azote, qui dérègle le système écologique. « Nous n’avons pas assez de réservoirs pour collecter l’eau de pluie, et notre système d’égout n’est pas à même de supporter cette énorme quantité d’eau. La conséquence est un débordement dans les rivières qui se déverse ensuite dans la mer. L’usine de traitement des eaux usées de la région du Dan, la plus grande de la zone de Tel-Aviv, canalise 15 millions de mètres cubes d’eaux usées dans la rivière Sorek, qui atteignent finalement la mer. Il est impératif que le ministère de l’Environnement fasse cesser cela. Les sociétés de traitement des eaux usées doivent moderniser leurs équipements pour éviter à tout prix de contaminer le littoral », ajoute Arbel. Pour compléter ce sombre tableau, une étude menée en 2015 par l’université de Haïfa a démontré que les détritus en plastique jetés par les utilisateurs des plages constituent 92 % des déchets retrouvés dans la mer en Israël, alors que la moyenne mondiale se situe à 75 %.
Il existe tout de même quelques raisons d’espérer. Ces dernières années, on assiste à une forte prise de conscience publique de la nécessité de faire appliquer la législation. Des manifestations ont par exemple été organisées contre des projets immobiliers en bord de mer, qui ont finalement abouti à leur annulation. L’exemple de succès populaire le plus connu concerne le projet d’hôtel sur la plage de Palmahim, pour lequel même le Premier ministre est intervenu, et qui a fini par être abandonné. Un amendement avait également été soumis à la Knesset par le gouvernement précédent, stipulant que les permis de construire sur la zone côtière ne seraient plus délivrés sur présentation de plans anciens ou renouvelés. Cet amendement qui avait reçu 70 signatures, n’a toutefois pas été voté en raison des congés d’été du parlement. Les écologistes espèrent bien remettre ce débat sur la table très prochainement.
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