Arafat : théorie du complot ?

L’Autorité palestinienne accepte d’exhumer le corps de l’ancien dirigeant “pour faire toute la lumière sur les causes de son décès”.

arafat (photo credit: Mohammed Salem)
arafat
(photo credit: Mohammed Salem)

Nouveaux doutes autour de la mort de Yasser Arafat. Le dirigeant del’Autorité palestinienne, mort en 2004 à l’âge de 75 ans, aurait été empoisonnéau polonium-210. C’est du moins ce qu’indiquent de récentes analyses,rapportées par la chaîne qatarie Al-Jazeera, mardi 3 juillet. Seule possibilitédans ce cas de figure : que le poison ait été intégré à la nourriture dudirigeant.

Des échantillons biologiques prélevés dans les effets personnels du leaderpalestinien, et fournis au laboratoire par sa veuve, Souha, ont été examinéspar un laboratoire suisse. Les vêtements lui avaient été remis par l’hôpitalmilitaire de Percy, au sud de Paris, où Arafat est mort, précise FrançoisBochud, directeur de l’Institute for Radiation Physics de Lausanne. “Nous avonstrouvé un niveau significatif de polonium dans les échantillons”, ajoute-t-ildans le documentaire, réalisé après plusieurs mois d’enquête, selon Al-Jazeera.

Parmi les échantillons : cheveux, brosses à dents, et une tache de sang sur unbonnet médical. “Nous y avons détecté une concentration de polonium plus élevéeque prévu”, commente Bochud. La substance radioactive n’est accessible, selonlui, qu’à “des gens qui s’intéressent aux armes nucléaires ou en construisent”.Le polonium était déjà à l’origine de la mort de l’ex-espion russe AlexandreLivtenko, empoisonné en 2006 à Londres.
L’état de santé de Yasser Arafat s’était brusquement dégradé dans son quartiergénéral de Ramallah. Il avait alors été transféré d’urgence dans un hôpitalmilitaire français, via un hélicoptère. Sur place, il a sombré dans un profondcoma et est décédé le 11 novembre 2004. Sa mort comporte son lot de mystères ;et la cinquantaine de médecins français qui se sont relayés à son chevet n’ontpas permis de préciser les causes exactes du décès.
Exhumer le corps : preuves sous-jacentes ?

Pour éclaircir les doutes, il faut exhumer le corps, indiquent les experts.Souha Arafat, la veuve de l’ancien leader palestinien, demande dès lors unexamen attentif de la dépouille de son mari, actuellement dans un mausolée deRamallah. Et mercredi 4 juillet, l’Autorité palestinienne (AP) donne son feuvert à la procédure. L’AP annonce qu’elle va répondre par la positive à lademande. “L’Autorité palestinienne, comme toujours, est prête à coopérer pleinement et à ouvrir une enquête sur les véritables causes de lamort de l’ancien président”, a déclaré Nabil Abou Rudeineh, porteparole del’actuel leader de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas. Aucune date précisen’a cependant été annoncée.

“Je veux que le monde sache la vérité sur l’assassinat de Yasser Arafat”,affirme de son côté Souha Arafat. Et de souligner qu’Israël et les Etats-Unisvoyaient à l’époque en son mari “un obstacle à la paix dans la région”.

Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères Yigal Palmor s’est quant àlui moqué du documentaire d’Al-Jazeera. “Si le ridicule tuait, alors cereportage serait le premier coupable”, a ironisé le diplomate. Toute implicationd’Israël dans la mort d’Arafat a été largement démentie. “Le corps est entreleurs mains. Il est à Ramallah et, vraiment, toutes les clés sont entre leursmains”, a déclaré l’ancien responsable du Shin Bet (service de renseignementsintérieurs israéliens), Avi Dichter. Interrogé quant à l’éventuelleresponsabilité de l’Agence dans la mort du dirigeant, ce dernier s’insurge :“Vous m’interrogez à propos de sa nourriture ? Nous étions concentrés sur desproblèmes plus sérieux. Les repas d’Arafat ne nous intéressaient pas vraiment!”   


Les Palestiniens mitigés

Le documentaire diffusé par Al-Jazeera plonge les Palestiniens dans laperplexité

Par Mohamad Torokman

En majorité, les Palestiniens interrogés pointent Israël du doigt. Uneenquête menée dans les rues de Ramallah s’efforce de déterminer les positionsde la population depuis l’annonce du possible empoisonnement de leur anciendirigeant, Yasser Arafat.

Nombre d’entre eux sont persuadés que le Premier ministre Ariel Sharon avaitdonné l’ordre de tuer leur leader après l’effondrement des négociations de CampDavid en 2000. “Nous avons accepté l’exhumation du corps d’Arafatpolitiquement, religieusement et socialement.

C’est notre droit de savoir ce qui a causé sa mort”, commente Samia Theeb, 35ans, fonctionnaire de l’AP. “Je suis sûre que c’est Israël qui l’a tué”, ajoute-t-elle.

Pour Um Tha’er Ramadan, 38 ans, “il est temps que la vérité soit révélée. Ils’est sacrifié en notre nom à nous, et nous ne devrions pas l’abandonnermaintenant.”

Depuis la diffusion du reportage sur la découverte de polonium dans le sang deYasser Arafat, Al-Jazeera est devenue une source de discorde parmi lesPalestiniens.

Beaucoup se méfient des intentions réelles de la chaîne. D’après Hadeel, ilest trop tard pour exhumer la dépouille d’Arafat. “Il pourrait être décomposé. Pourquoi avons-nous besoin de remuer tout cela maintenant ? Nous devons nousconcentrer sur l’occupation et les salaires.” D’après elle, une telle enquêteaurait dû être ouverte lors de la mort du dirigeant en 2004. “Nospréoccupations quotidiennes sont plus importantes.”