La Torah : un code de la route pour la vie

« L’Eternel dit à Moshé : Parle ainsi aux enfants d’Israël : Vous avez vu vous-mêmes que du haut des cieux Je vous ai parlé » (Exode XX, 19)

P23 JFR 370 (photo credit: DR)
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La semaine dernière avec la parasha Beshalah, nous avons lu dans la Torah le cantique relatif au passage de la mer Rouge. Depuis les dix plaies infligées aux Egyptiens, depuis l’Exode, les enfants d’Israël continueront dans le désert à percevoir quotidiennement et concrètement la présence divine. La manne tombe du ciel, l’eau jaillit du rocher, une colonne de nuée les dirige le jour et une colonne de feu la nuit. Cette succession ininterrompue de miracles accompagne jusqu’au pied du mont Sinaï ce peuple meurtri par plus de deux siècles d’esclavage. Après la liberté physique, Israël aura droit à sa libération morale et spirituelle.

La Torah : libération spirituelle du peuple hébreu

Dieu estime que le moment est venu de donner à son peuple une Torah, une Loi, une sorte de code de la route pour la vie. Notre parasha, Yitro, relate comment Dieu va se révéler au peuple qu’il s’est choisi et qu’il qualifie de « royaume de prêtres et de nation sainte » (Exode XIX, 6). La révélation va s’effectuer non pas par l’intermédiaire d’un homme seul, dans une vision nébuleuse ou dans un rêve aux contours incertains. Dieu va apparaître non pas à un petit groupe d’individus, subitement frappés par la grâce. Dieu décide de se manifester à tout un peuple, 600 000 hommes entre 20 et 60 ans, sans compter femmes, enfants et vieillards. Des centaines de milliers de témoins, donc, « Am Keshe Oref », un peuple à la nuque raide qui, nous l’avons vu dans les lectures précédentes, n’en finissait pas de contester et de mettre en doute les diverses interventions du Tout-Puissant en sa faveur. Dieu s’est adressé à une nation qui n’hésitait pas, y compris devant le danger, à nier Son action, jusqu’à vouloir retourner en terre d’esclavage lorsque les armées du pharaon le poursuivirent. S’élevant violemment contre Moshé, ils s’écrièrent : « Est-ce faute d’avoir trouvé des tombes en Egypte que tu nous as conduits dans le désert pour y mourir ? Il eut mieux valu pour nous de rester esclaves là-bas, plutôt que de périr ici » (XIV, 11). Et Moshé de rétorquer : « Les Egyptiens que vous voyez aujourd’hui, vous ne les reverrez plus jamais » (XIV, 13). Les Hébreux, à travers cette attitude, affichaient clairement leur refus de voir se réaliser le plan divin établi lors de l’épisode du buisson-ardent, où Dieu dit à Moshé (Exode III, 12) : « Quand tu auras fait sortir le peuple de l’Egypte, vous servirez l’Eternel sur cette montagne même (qui n’est autre que le mont Sinaï) ».

Force nous est de constater par conséquent que la Torah ne leur a pas été imposée par Dieu.

Les enfants d’Israël avaient tout loisir de la refuser, tout ou partie. Moshé, valeureux intermédiaire entre Dieu et les Hommes, expose le problème, propose le marché, demande au peuple de choisir librement. Tout à fait librement, sans l’ombre d’une contrainte. « Si vous écoutez ma voix ». Si. C’est à vous qu’il appartient de décider. Et voilà que contre toute attente, dans un élan unique, dans un mouvement extraordinaire qui marquera toute l’histoire du peuple juif, avec conscience et non avec passion, avec enthousiasme et non avec délire, avec réflexion et non avec docilité, la nation d’Israël tout entière, au niveau collectif comme au niveau individuel, va s’engager et engager les générations futures en proclamant, Keïsh Ehad Belev Ehad. Comme un seul homme, d’une seule voix venant du cœur, le célèbre « Naassei Venishma », tout ce qu’a ordonné l’Eternel sera appliqué et suivi.

La peur de l’Eternel

On raconte dans le Talmud qu’au moment de la Révélation, au milieu du tonnerre et des éclairs accompagnés de la sonnerie du Shofar qui allait en s’amplifiant, du sein de la montagne en feu et de l’épais brouillard à partir desquels Dieu se manifesta, les Hébreux qui se tenaient à distance, tout tremblants, ne purent appréhender que les deux premiers commandements prononcés par Dieu. Leur niveau spirituel limité comparé à celui de Moshé, ne pouvait leur permettre d’entendre les Dix commandements dans leur totalité. « Que ce soit toi qui nous parles », déclarèrent-ils à Moshé, « aussi, nous pourrons entendre. Que Dieu ne parle point, de peur que nous mourions » (XX, 15).

Les seuls commandements que le peuple put intégrer furent les deux premiers : « Je suis l’Eternel ton Dieu qui t’ai fait sortir d’Egypte » et « Tu n’auras point d’autres dieux que Moi ». Les huit commandements suivants, ainsi que toutes les autres lois édictées dans la Torah, lui furent transmis par Moshé. Il est intéressant au passage, de remarquer que le mot « Torah » qui signifie littéralement « enseignement » a pour valeur numérique 611. Sachant que la Torah contient 613 commandements, nous en déduisons que deux commandements ont été reçus de Dieu directement, sans passer par Moshé. D’où l’expression communément utilisée « Torat Moshé », selon le verset du Deutéronome III, 4, « Torah Tsiva Lanou Moshé Kehilat Yaacov » : Moshé nous a transmis la Torah qui est et restera l’héritage de l’assemblée de Yaacov.

En tout état de cause, les deux premiers commandements du Décalogue ne peuvent être qualifiés d’enseignement car il est impossible d’enseigner une croyance. On croit ou on ne croit pas. Il faut ajouter que seuls ces deux commandements nécessitent, pour être observés, un acte de foi plein et entier. Les huit autres n’impliquent pas obligatoirement la croyance en Dieu.

On peut en effet s’abstenir de tuer, de voler, de convoiter ou bien prendre sur soi de respecter ses parents, ou de se reposer un jour par semaine, sans pour cela croire en Dieu. En revanche, que nous dit le premier commandement : « Je suis l’Eternel ton Dieu qui t’ai fait sortir du pays d’Egypte, de la maison des esclaves ». Ce commandement, qui est plutôt une injonction, apparaît comme une prise de position de Dieu face à l’attitude parfois négative de Son peuple. Toi, semble-t-Il lui dire, toi qui jusqu’au dernier instant a douté de Mon pouvoir, toi qui n’a eu de cesse de remettre en question Mes capacités, sache que c’est Moi qui t’ai fait sortir d’Egypte, sache que c’est Moi qui ai fait de toi un peuple libre, et à présent que tu as obtenu la liberté, tu es libéré des chaînes de l’esclavage, libre à toi d’accéder à la liberté morale que t’offre Ma Torah, qui t’aidera à te défaire des chaînes de tes mauvais instincts et de ton penchant à te diriger vers le mal.

Le second commandement : Tu n’auras pas d’autres dieux, non seulement ces idoles de bois ou de pierre, mais celles que tu aurais tendance à adorer, ces veaux d’or ou d’argent ou bien encore ces vices dont tu as toutes les peines du monde à te détacher.

Ces deux premiers commandements ne sont-ils pas résumés à travers la profession de foi quotidienne de tout Juif avec le Shema qu’il prononce depuis sa tendre enfance jusqu’à la dernière minute de sa vie. « Ecoute Israël, l’Eternel est notre Dieu », qui correspond à « Je suis l’Eternel ton Dieu » ; et « L’Eternel est Un » correspondant à « Tu n’auras pas d’autres dieux ».
Le judaïsme ne se contente pas de dire qu’il y a un seul Dieu, mais que ce Dieu est réellement notre Dieu, qu’Il nous a non seulement créés, mais aussi accompagnés tout au long de notre histoire, qu’Il est à la fois le Dieu transcendant, l’Etre suprême mais aussi le Dieu immanent, proche de nous, qu’Il est à la fois notre Roi, Malkenou, pour nous juger et, s’il le faut, nous châtier, de même qu’il est Avinou, notre Père, pour nous sauver et nous aimer. 

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