« Le Lab », véritable laboratoire du cinéma de demain

le « Lab » s’est tenu durant le trentième Festival du Film de Jérusalem. Un rendez-vous entre jeunes cinéastes et producteurs en quête de talents.

P20 JFR 370 (photo credit: DR)
P20 JFR 370
(photo credit: DR)

En marge de ce trentième Festival du Film International deJérusalem s’est tenue une journée d’atelier un peu particulière. Le « Lab »,dont c’est la deuxième édition, est une initiative de la célèbre école SamSpiegel Film and Television School de Jérusalem. Une journée dédiée à de jeunesréalisateurs du monde entier et aussi aux cinéastes israéliens, venus présenterlà leur prochain projet. Chacun dispose de trois quarts d’heure environ pourdonner envie aux producteurs et distributeurs qui ont fait le déplacement des’impliquer dans leur premier film et de participer à son financement.
Un « workshop » (atelier) où s’expose la genèse des futurs films qui serontpeut-être demain à leur tour en compétition dans les plus grands festivals dumonde. Bandes annonces soignées, présentation du projet par de jeunes auteurstrès impliqués, souvent à fleur de peau. Il faut dire que venir exposer unepartie de soi-même est un exercice d’équilibriste, entre commerce et création.
Pour le panel israélien, la plupart des films en cours de gestation sont desoeuvres qui se perçoivent comme intimistes, parfois même autobiographiques.Family de Veronica Kedar (chronique mélancolique de la vie d’une teen-agerisraélienne), Nowhere Man de Benjamen Freidenberg (portrait d’une solitude àtravers la dérive d’un guide touristique qui vit à Jérusalem), il s’agit bienlà d’un cinéma du coeur et du vague à l’âme. En dehors de çà, on est frappéd’emblée par l’efficacité et la beauté des images montées qui ne sont encoreque le prélude et un avant-goût du film à naître. De futurs films d’auteurs,sans nul doute, qui ne veulent négliger ni l’esthétisme, toujours très soigné,ni le contenu du film.
C’est peut-être ce qui a attiré une délégation française (l’ambassade de Frances’est associée à l’initiative) venue là pour repérer des projets à soutenir.L’occasion de s’entretenir sur le cinéma israélien, reconnu pour êtreaujourd’hui parmi les plus prolifiques et les plus en vue de la créationmondiale.
Ainsi, les productrices françaises Carole Scotta et Caroline Banjo de lasociété Haut et Court, qui a produit Entre les murs récemment palmé à Cannes,ont fait le déplacement.
Entretien.
Vous êtes venues en Israël chercher des talents ? 
Carole Scotta : Oui. On participesouvent à des « marchés du film ». Ce sont des lieux où il est intéressant derepérer des oeuvres assez tôt. C’est finalement un grand service rendu auxproducteurs et distributeurs, surtout dans des conditions idéales comme ici.C’est un vrai luxe en fait : ce sont des projets qui sont déjà développés et enphase de financement.

Chaque festival a aujourd’hui son « workshop ». On n’était jamais venues àJérusalem, alors que l’on a déjà distribué quelques films israéliens, on s’estdit que c’était une bonne occasion. Il se trouve qu’on est aussi en train decoproduire le prochain film de Nadav Lapid et qu’on était il y a quelques joursà Tel-Aviv, c’était donc un bon timing… 
Avec qui aimeriez-vous collaborerdans le cinéma israélien ?
Il y a Nadav (réalisateur notamment de Hashoter,autour d’une unité antiterroriste et d’un groupe de militants révolutionnaires)qui nous a beaucoup impressionnées. On a vraiment fait en sorte d’être lescoproductrices françaises de son prochain film, et puis il y a aussi JosephCedar (meilleur film à l’Ophir du cinéma pour Footnote en 2011) qu’on aimebeaucoup.
Si vous dénichez ici un talent, êtes-vous prêtes à le produire ? 
Oui, aprèson verra quel est le stade d’avancement du projet. On est là pour ça. On peut vouloir coproduire, comme on peut aussi s’intéresserau film en tant que distributeurs. On fait de la télé également. Et dans cebouillonnement créatif en Israël, il y a des passerelles entre le cinéma et latélévision tout le temps. Il y a aussi une école de scénaristes très au point,avec des histoires et des concepts forts.
En dépit de la réalité extrêmement brûlante et âpre qui l’entoure et l’affectedirectement, Israël est capable de se projeter dans l’avenir via la fiction,des histoires, des récits forts qui sont une autre manière de penser l’avenir.C’est une très grande qualité de ce pays.
Faire un film, c’est proposer une vision. Montrer Israël, choisir de produiretel ou tel film, n’y a-t-il pas là une forme de responsabilité ? 
Caroline Banjo: Pour nous, c’est le talent qui prime, audelà du fait qu’il soit israélien…Tous les réalisateurs parlent d’un endroit. Ce qui est intéressant, c’est quandce n’est pas frontal, comme par exemple dans le film de Nadav Lapid que nouscoproduisons The Kindergarten Teacher. Cela pourrait se passer n’importe où,parce que la force du propos est universelle. En fin de compte, quelque chosenous permettra de comprendre que Nadav est en train de parler de son pays, maisde manière totalement indirecte. Ce n’est donc pas un cinéma militant qui nousintéresse, mais comment l’art, en tant que tel, milite de façon intrinsèquepour des idées, des formes de représentation.
Parler de la petite histoire, avec, en filigrane, la grande histoire… 
Oui.Par ailleurs, il y a quelque chose d’important : la politique d’un pays ne doitpas retomber sur la population de ce pays. On peut critiquer Israël et pasforcément les Israéliens si eux-mêmes sont dans une certaine forme desouffrance… Et c’est finalement ce qui nous intéresse aussi, voir comment laplupart des artistes en Israël ont un rapport très fort à ce qui se passe, etun rapport critique, comme on peut l’avoir en France, ou dans d’autres pays oùles situations politiques ne sont pas forcément idylliques. C’est la force d’unedémocratie, particulièrement dans son cinéma.
Qu’est ce qui facilite les coproductions entre Israël et la France selon vous?
C. S. : Il y en a énormément aujourd’hui, il y en a même trop ! Et ils nesont pas nombreux à s’intéresser aux productions étrangères. Un film ne peutpas de toute façon se produire à 100 % en Israël, les producteurs locauxcherchent des fonds et il n’y a pas énormément de pays intéressés :l’Allemagne, la France, peut-être un peu la Belgique. Tous les films israéliensse font avec des partenaires étrangers pendant qu’en France, beaucoup deréalisateurs veulent venir tourner ici en Israël.
Un vrai embouteillage ! u Qu’est-ce qui attire le public français dans lecinéma israélien ? Des thèmes universels ? C. B : Comme toutes lescinématographies, c’est la capacité à raconter une histoire, à exprimer unpoint de vue fort, transcender le local via l’universel. Le public veut qu’onlui raconte ce qu’il n’a pas l’habitude d’entendre. Ce n’est pas propre aucinéma israélien, c’est propre à toutes les grandes cinématographies. Ladéfinition de l’universel, c’est « le local sans les murs ». Je vouslaisse méditer sur cette phrase ! (rires)