Rejeter le racisme

Alors que les actes racistes se multiplient dans le pays, la Torah nous rappelle que tous les hommes sont égaux et dignes de considération aux yeux de Dieu

Immigrant africain dans une manifestation contre la politique israélienne de détention à Holot dans le Sud du Néguev (photo credit: AMIR COHEN - REUTERS)
Immigrant africain dans une manifestation contre la politique israélienne de détention à Holot dans le Sud du Néguev
(photo credit: AMIR COHEN - REUTERS)
Le judaïsme est-il raciste ? Enseigne-t-il que les non-juifs sont inférieurs aux juifs et encourage-t-il la discrimination ? La réponse à ces questions est un « non » sans équivoque. Et ceci bien que nous trouvions des « rabbins » et, avec eux, des fidèles pour affirmer que la défense du judaïsme implique un certain dédain envers les non-juifs, arabes particulièrement. Ainsi certains d’entre nous se retrouvent à regarder les non-juifs de haut et à les déconsidérer, exactement comme le font nos ennemis envers nous depuis des siècles.
On a ainsi vu récemment un certain groupe, qui prétend lutter contre l’assimilation, brûler une école dans laquelle juifs et arabes étudient ensemble. Sans compter les agressions envers de jeunes Arabes et même des Druzes arabophones qui se sont multipliées ces dernières semaines. Et enfin le phénomène du « prix à payer » : de jeunes vandales défigurent des bâtiments à l’aide d’inscriptions telles que « Mort aux Arabes », incendient des mosquées, détruisent des véhicules et j’en passe… Tout cela au nom du judaïsme.
Tous créés à l’image de Dieu
Pourtant, un regard même superficiel sur nos textes traditionnels montre clairement que le judaïsme s’oppose à de tels actes et à de telles convictions. La Torah enseigne que chaque être humain a été créé à l’image de Dieu ; par conséquent, chaque vie humaine est absolument sacrée (Genèse I, 27 et IX, 6). Des hommes qui, comme on le sait, descendent tous du même couple, Adam et Eve. Selon les Sages de la Michna, l’intention du Créateur était que nul ne puisse dire : « Mon père est plus important que le tien (Traité Sanhedrine 37a).
Ceci dit, une question se pose. Cette égalité de fait entre les hommes est-elle compatible avec la notion de « Peuple élu » ? Avec le fait que le Créateur ait désigné Israël comme son peuple adoré, comme une « nation de prêtres », et comme le « fils aîné de Dieu » ? Malheureusement cette ambiguïté entraîne beaucoup de juifs à se croire supérieurs aux non-juifs, ce qui est faux ; son statut de « Peuple élu » donne à Israël certains privilèges, mais aussi beaucoup de responsabilités, et ne lui confère en aucun cas une supériorité raciale. Le prophète Amos s’est montré catégorique sur ce point : « N’êtes-vous pas pour moi comme les fils de l’Ethiopie, ô enfants d’Israël ? dit le Seigneur. N’ai-je pas fait émigrer Israël du pays d’Egypte comme les Philistins de Cafter et les Araméens de Kir ? » (Amos IX, 7).
L’élection d’Israël ne vient en rien contredire la notion d’égalité entre les êtres humains: ce fait est consigné dans un enseignement de Rabbi Akiva, traité Avot 3,18.
Le Sage évoque tout d’abord le grand amour que Dieu nourrit pour l’humanité : « Combien est aimé l’homme créé à Son image ». Rabbi Akiva parle ensuite de l’amour de Dieu envers Israël : « Aimé est Israël », ils sont appelés « Enfants de Dieu », comme il est écrit « Vous êtes les enfants de l’Eternel votre Dieu » (Deutéronome XIV, 1).
Ainsi les deux assertions sont vraies : tous les hommes sont aimés de Dieu, tandis qu’Israël est aimé par Dieu comme Son enfant. Il n’y a pas de conflit entre les deux réalités. Ce n’est pas un hasard si la plupart des non-juifs sont décrits positivement dans la Bible, comme des êtres éminemment moraux et craignant Dieu. Ce message d’égalité est d’ailleurs omniprésent dans le livre de Jonas : ainsi c’est le roi de Ninive, un païen, qui décrète un jeûne et appelle le peuple à abandonner les voies du Mal (III, 8). Les marins qui n’étaient pas hébreux se montrent extrêmement préoccupés par le fait de ne pas blesser Jonas et sont désignés comme « craignant Dieu » (I, 16) – terme employé également pour désigner les sages-femmes qui ont sauvé les enfants hébreux (Exode I, 21). Job et Ruth, tous deux non-juifs, ont été loués eux aussi pour leur droiture.
Un respect particulier pour l’étranger
La Torah elle-même ordonne au peuple juif de traiter l’étranger de la meilleure façon : « Vous n’oppresserez pas l’Etranger car vous avez été étrangers sur la terre d’Egypte » (Exode XXII, 20). Ceci est répété encore plus explicitement au chapitre suivant : « Tu n’oppresseras pas l’étranger, car tu sais ce que c’est d’être étranger comme tu as été étranger en terre d’Egypte » (Exode XXIII, 9). Dans les deux cas, le bon traitement dû à l’étranger se justifie par le fait que les juifs ont eux-mêmes été étrangers en Egypte : ayant nous-mêmes expérimenté la souffrance de l’étranger, nous avons l’obligation de ne pas infliger un tel traitement aux autres.
Le livre du Lévitique dans lequel il nous est demandé d’aimer notre prochain va même plus loin en incluant l’étranger dans cette catégorie – celui qui est « l’autre ». « L’étranger qui réside avec toi sur ta terre, tu ne le molesteras pas. Cet étranger tu le considéreras comme un habitant à part entière ; tu devras l’aimer comme toi-même car tu as été étranger en Egypte. Je suis l’Eternel ton Dieu » (Lévitique XIX, 33).
Le Deutéronome aborde lui aussi ce thème et requiert pour l’étranger la même protection juridique afin de veiller au respect de ses droits : « … afin de décider de façon équitable entre n’importe quel homme et l’israélite ou l’étranger » (I, 16). « Car l’Eternel ton Dieu… protège particulièrement l’orphelin et la veuve et tient l’étranger en estime, lui donnant de la nourriture et des vêtements. De même, tu devras toi aussi faire preuve de considération envers l’étranger, car tu as été étranger en terre d’Egypte. » (X, 17-19). Ici, l’étranger est inclus parmi les bénéficiaires de la protection divine à cause de sa vulnérabilité, mais il représente également un cas particulier : pour preuve, la raison mentionnée explicitement qui justifie la déférence à son égard – notre propre expérience en tant qu’étrangers en Egypte.
Tout cela doit résonner en nous encore plus, à une époque où nous vivons sur notre terre. Quelle est notre attitude face à l’étranger qui réside parmi nous ? Le traitons-nous de façon appropriée ou le négligeons-nous, voire pire ? Les appels à la haine et à la violence doivent être catégoriquement rejetés car ils sont absolument contraires au judaïsme. Au lieu de cela, nous devrions faire nôtre ce très bel enseignement du midrash : « J’appelle le ciel et la terre comme témoins : l’Esprit sain réside en chacun selon ses actes, juifs et non-juifs, hommes et femmes, servant ou servante » (Seder Eliyahou Raba 9).
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