Rock à Bakou

Les artistes du groupe Izabo ont-ils perdu leur intégrité musicale en acceptant de représenter Israël au concours de l’Eurovision ?

baku eurovision (photo credit: © Daniel Chichick)
baku eurovision
(photo credit: © Daniel Chichick)
Peu importe qui a finalement choisi ceux quireprésentent Israël, le public ou le jury.Qu’il s’agisse de la pop de Sarit Hadad ou Shiri Maimon, respectivement en 2002et 2005, du spectacle grandiose de Teapacks Drop the bomb en 2007, de l’hymneThere must be another way d’Ahinoam Nini et Miri Awad en 2009. Voire même duretour de Dana International et son kitsch Ding Dong l’an dernier.Nos choix artistiques ont laissé de marbre les juges de l’Eurovision cesdernières années.Pour la compétition 2012, le comité israélien chargé de choisir notrereprésentant semble avoir décidé de suivre les conseils de Monty Python etd’opter pour quelque chose de complètement différent. C’est du moins ce que RanShem-Tov, fondateur et chanteur du vétéran et excentrique groupe de rockalternatif Izabo, a pensé, quand un membre l’a contacté pour solliciter unechanson à examiner. “J’étais un peu surpris qu’ils viennent vers nous”,confiait Shem-Tov le mois dernier. “Mais j’étais aussi très heureux qu’ilsestiment qu’un groupe comme Izabo puisse composer une chanson quireprésenterait Israël dans le monde !” Il existe peu de groupes comme Izabo.Formé il y a vingt ans par le guitariste et chanteur Shem- Tov, Shiri Hadar(clavier et chant), Jonathan Levy (basse) et Nir Mantzour (batterie), le groupes’est consacré à ses propres sonorités, mêlant arabe, tambour et discopsychédélique.L’association des guitares, basses, clavier et des voix anglaises de Shem Tovet Hadar, qui parcourent les registres musicaux, a séduit tout autour del’Europe. A force de tournées régulières, Izabo s’est fait une place et a sortideux albums, en 2003 et 2008, bien accueillis par la critique.Vendre son âme au Dieu du marketing ? Si la nouveauté pop criarde quicaractérise l’Eurovision semble loin de l’éthique indépendante adoptée parIzabo, la chanson de Shem Tov soumise aux juges israéliens s’est hissée sur lascène de l’Eurovision. Time chanté en anglais et hébreu, sur fond de danse,basse profonde, clavier et choeur vibrant, a convaincu tout en restantcomplètement fidèle à “l’esprit Izabo”.“Les couplets ont été prélevés de la démo d’une ancienne chanson, écrite il y atrois ans”, explique Shem-Tov qui a produit des disques pour Yehoudit Ravitz,Harel Skaat et Dikla. “Quand ils m’ont invité à soumettre une chanson, j’airetravaillé les paroles et écrit un nouveau refrain en hébreu. Je l’aienregistré assez rapidement, en jouant tous les instruments moi-même. J’étaisplutôt sceptique quant au concept de l’Eurovision. Mais ensuite j’ai pensé : cen’est pas l’enfer, il ne peut rien se passer de terrible. Au pire, nous auronsune autre chanson pour Izabo. “ Finalement, le comité israélien, composé deYaakov Naveh, Yitzhak Sonnenschein, Rina Hachmon à la tête de la Division desprogrammes de la Première chaîne, de Tal Argaman, producteur des émissions deDivertissement et Culture, et des musiciens Nimrod Lev, Mira Awad, GuiladSeguev et Roni Yedidia, ont choisi Time pour représenter Israël, le 22 maiprochain à Bakou (Azerbaïdjan) où se déroulera le concours de l’Eurovision.La décision a surpris l’artiste. “Au premier abord j’étais vraiment confus.Pourquoi vouloir un groupe de rock dans la compétition ? Mais j’ai ensuiteréalisé que nous ne sommes pas seulement un groupe de rock alternatif : noussommes disco, funk, et le plus souvent notre musique est très joyeuse, et j’aicompris le sens de ce choix. “ Shem-Tov a rapidement convoqué le groupe pourréenregistrer Time comme il se doit, et tourner le clip officiel de la chanson.Le titre a été lancé début mars. Sur le clip : les musiciens ont intégrél’esprit Eurovision avec des accessoires de cirque et des costumes colorés. Unexploit pour un groupe qui porte habituellement jeans et T-shirt. “C’est uneproblématique délicate. Nous savons que nous devons avoir l’air glam pour l’Eurovision, mais nousdevons également rester naturels et authentiques”, a commenté Shem-Tov.“Cela m’a coûté d’enfiler un costume ! Je n’en avais jamais porté. Je pensetoujours à la façon que nous avons d’envisager notre représentation. Cela va prendre un certain temps à tout démêler. Nous devons être fidèles à nous-mêmes et trouver le juste équilibre. C’estnotre défi.”Avec un nouvel album en cours, produit avec un label 100 % britannique et sonhomologue israélien Anova, qui sortira une semaine après l’Eurovision et serasuivi d’une grande tournée en Israël et en dehors, Izabo ne risque pas des’ennuyer.Un spectaculaire changement de rythme après deux années de relative inactivité.Le groupe s’attend cependant à subir le sort des derniers représentantsisraéliens. Mais il se peut toutefois que la chanson batte les dizaines demorceaux concurrents. “Je ne pense pas au sujet. Mais s’il nous arrive ne serait-ce qu’un petit pourcentage de ce qui est arrivéà Abba (que la victoire en 1974 a catapulté sur le devant de la scèneinternationale), alors je serai très heureux”, reconnaît l’artiste.Est-ce qu’Izabo rejoindra les rangs de Dana International (Diva, 1998), IzharCohen et Alphabeta (A Ba Ni Bi, 1978) et Milk and Honey (Hallelouya, 1979) enapportant une nouvelle victoire à domicile? Seul le “Time” nous le dira...