Sakhnin-le Louvre, même combat!

Ouverture de la seconde Biennale méditerranéenne d’art contemporain de Sakhnin.

P9 JFR 370 (photo credit: DR)
P9 JFR 370
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Alors que les caméras du monde entier se sont tournéesrécemment vers le Festival de Cannes, portons nos regards plus près de nouspour découvrir une initiative culturelle particulièrement stimulante. En effet,c’est à Sakhnin que se déroule la seconde Biennale méditerranéenne d’artcontemporain. Une initiative de Belu Simon-Fainaru et d’Avital Bar-Shay quin’en sont pas à leur coup d’essai en termes de surprise. Il y a deux ans, ilsnous invitaient déjà à découvrir l’art contemporain dans les containers du portde Haïfa. Aujourd’hui, c’est dans la ville arabe de Sakhnin, dans des lieuxinattendus, que s’exposent des artistes internationaux réputés.
Qui pourrait croire qu’une boucherie arabe exposerait une oeuvre de l’artisteisraélien Moshé Gershuni ? Qui s’attendrait à découvrir le travail descélébrités telles que l’américain Bruce Neuman, le français Daniel Buren ou lecollectif germano-russe AES+F à Sakhnin, dans une ville moins connue pour sesinitiatives culturelles que pour son club de football ? Où, si ce n’est danscette Biennale, pourrait-on voir réunis des artistes afghans, tadjiks, turcs,iraniens et israéliens ? 
Une invitation à la redécouverte de lieux connus 
Letalent des organisateurs et de leurs soutiens se niche à la fois dans leuraudace et leur ténacité. Cette audace qui mise sur la surprise qui interpelleplutôt que sur celle qui choque ; sur la ténacité qui permet de faire grandirplutôt que celle qui fige les situations. Grâce à eux, c’est un coup deprojecteur salutaire qui est donné sur « une périphérie de la périphérie », surune ville qui prend des risques, fait bouger les lignes, met de la couleur dansle quotidien de ses habitants. Nous avons sous les yeux – mais encore faut-ilvouloir s’y attarder – une formidable illustration de ce que l’art peutproduire comme discours et changements politiques ou sociétaux. En effet,chacun pourra percevoir dans les rues de Sakhnin, dans les boutiques, maisonsou lieux de cultes qui exposent de l’art, que c’est une nouvelle approche dudialogue qui s’écrit entre Juifs et Arabes, entre l’Orient et l’Occident. «Re-Orientation », le titre bien « à propos » de cette Biennale, est uneinvitation à la redécouverte de lieux connus. A l’heure de la globalisation, lasurprise est au coin de la rue. Il suffirait presque de changer d’horizon, deregarder vers ce si proche Orient plutôt que vers le lointain Occident. Commedisaient les jeunes révolutionnaires français de Mai 68, « Sous les pavés, laplage ».
Aujourd’hui, à Sakhnin, nous pouvons dire « Dans la boucherie, de l’art ».
Le Louvre, Sakhnin : un même combat au service de l’art et du dialogue
Cecin’est pas sans rappeler, chauvinisme oblige, certaines initiatives françaisesde décentralisation culturelle. Ainsi, récemment, le Centre Georges Pompidou aexpérimenté une itinérance de certaines oeuvres dans un musée mobile,parcourant la France. Le musée du Louvre vient d’inaugurer son antenne à Lens,ville minière qui a souffert de toutes les plaies : deux guerres mondiales puisla crise économique qui a mis à plat cette industrie. Aujourd’hui, ce sont plusde 500 000 visiteurs qui ont arpenté ce musée depuis son inauguration parFrançois Hollande le 4 décembre dernier. Sous un autre jour, ils sont partis àla découverte d’un nouveau bassin minier français : les majestueux terrilslensois, vestiges miniers d’un autre temps et La Liberté guidant le peuple deDelacroix, pièce maîtresse du musée du Louvre, sortie de son écrin pour seconfronter à d’autres publics et d’autres horizons. Le Louvre, le CentreGeorges Pompidou, Sakhnin sont liés par un même combat au service de l’art, dudialogue avec les publics et d’une quête de l’étonnement. Mettre de l’art et dela poésie dans un monde qui en manque cruellement, changer de perspective pourredécouvrir son quotidien, tel est l’enchantement auquel nous sommes invités àSakhnin. Telle est la leçon à retenir, chacun dans nos univers. Y compris pourl’ambassadeur que je suis.
Biennale méditerranéenne d’art contemporain de Sakhnin Du 13 mai au 13 juillet2013 a lieu la seconde Biennale méditerranéenne d’art contemporain de Sakhnin,réédition de la première Biennale méditerranéenne qui s’était tenue à Haïfa en2010. Cet événement, organisé avec le concours de l’Institut français etinauguré le 18 mai en présence de l’ambassadeur de France en Israël, ChristopheBigot, réunit des artistes de tous pays, de l’Afghanistan au Maroc en passantpar la France, sans oublier les artistes israéliens, quelle que soit leurorigine. Le thème de cette année : la « Réorientation », qui rapproche lanotion géographique d’« orient » de termes synonymes de changements comme «redirection » et « changement social ». Le but : promouvoir la coopération, lacompréhension mutuelle et le dialogue interculturel.
L’auteur est l’actuel ambassadeur de France en Israël.