Pourquoi les Ayatollahs ne peuvent pas renoncer à l’atome

Car c’est sur le nucléaire que Téhéran table pour assurer la victoire de l’Iran et frapper de terreur ses voisins sunnites, mais aussi pour exporter la révolution.

P8 JFR 370 (photo credit: Reuters)
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Ils sont nombreuxen Occident à se voiler la face et à croire contre toute évidence que lesAyatollahs accepteront en dernière analyse de changer de cap et de setransformer en adeptes de la démocratie et des droits de l’homme. C’estimpossible pour deux raisons majeures. La première est bien évidemment lefanatisme idéologique du régime chiite. La seconde, les sommes astronomiquesinvesties dans le programme nucléaire et le terrorisme mondial.

Le régime iranien repose sur la doctrine de l’ayatollah Khomeini, l’homme qui adéclenché la révolution islamique en Iran en 1979, en a jeté les bases et les aléguées à Khamenai son successeur.
Quels sont les deux points essentiels de cette doctrine ? Tout d’abord, c’estune autorité religieuse – velayat-e faqih – qui doit se trouver à la tête dupays ; ensuite la révolution islamique se doit d’être permanente. Ce sontaujourd’hui encore les piliers idéologiques sur lesquels repose le régime.
Le Guide suprême de l’autorité religieuse n’est pas nécessairement la plushaute personnalité religieuse du pays, mais il doit être un imam. Il estau-dessus du président et du parlement élus par le peuple. Il est assisté parle Conseil des Gardiens chargé d’assurer le respect scrupuleux de la Charia parla législation. La notion de révolution islamique permanente signifie nonseulement que l’Iran doit être à jamais dirigé par une autorité religieuse,mais encore que le modèle iranien d’islam chiite doit être « exporté », dans unpremier temps dans les pays du Moyen-Orient puis aux Etats-Unis, symbole de ladécadence de l’Occident et toujours qualifié de « Grand Satan ».
Paradoxalement le terme de révolution permanente est « emprunté » à Trotski :il estimait qu’il ne suffirait pas de faire de la Russie un pays communiste, ilfallait exporter cette idéologie dans le monde entier ; autrement, pensait-il,si la Russie devenait seule communiste, elle ne pourrait tenir face à un mondehostile et le régime finirait par s’écrouler.
Khomeini était arrivé à la même conclusion pour la révolution islamique chiitequ’il mettait en place dans un monde arabe majoritairement sunnite. C’est pourquoi,dès 1982, il s’est employé à la création du Hezbollah, fer de lance de sonimplantation dans la région et menace sur la frontière nord d’Israël.
Le plus grand programme nucléaire au monde

Le peuple qui avait renversé le Chahattendait des nouveaux dirigeants des mesures concrètes sur le plan économiqueet social. Il n’en fut rien. Les Ayatollahs mirent sur pied une première miliceparamilitaire : les Gardiens de la Révolution, fanatiquement dévoués au Guidesuprême et chargés d’imposer la révolution islamique par la force. Les Gardiensde la Révolution se virent octroyer carte blanche pour mettre la main sur delarges segments de l’économie et prendre le contrôle des services de sécuritéet des services secrets.

Pendant la longue guerre contre l’Irak, les Ayatollahs créèrent une secondeorganisation paramilitaire, les Basijis, qui comptent aujourd’hui un million demembres et jouent un rôle essentiel dans la survie du régime.
Cependant, c’est sur le nucléaire que Téhéran table pour assurer la victoire del’Iran et frapper de terreur ses voisins sunnites tels l’Arabie Saoudite et lespays du Golfe, mais aussi pour exporter la révolution.
Le programme nucléaire mis en route par le Chah avait été abandonné parKhomeini dans les premiers temps ; l’Occident avait en effet arrêté sacollaboration et Khomeini n’était pas sûr que son pays en avait besoin.L’utilisation par Saddam Hussein de l’arme chimique contre l’armée iranienne lefit changer d’avis. Les Ayatollahs décidèrent que la possession de l’arme nucléaireétait nécessaire pour protéger et développer leur révolution.
Le monde n’a appris qu’en 2002 l’existence du programme nucléaire iranien,commencé dans le plus grand secret et en violation des engagements pris parTéhéran, signataire du traité de non-prolifération. Des dissidents au régimeont révélé qu’à Natanz, on procédait à l’enrichissement de l’uranium, et qu’àArak, on produisait du plutonium. L’existence d’autres sites nucléaires a étéconnue par la suite, notamment celui de Parchin où des techniques de mise à feuseraient testées.
Le programme nucléaire de l’Iran est probablement le plus grand au monde. Ilfaut ajouter les missiles capables de porter des ogives nucléaires jusque dansles capitales européennes aujourd’hui et bientôt en Amérique.
Un coût monstrueux

Parallèlement, l’Iran renforçait ses liens avec la Syrie,passage obligé du financement et des armes vers le Hezbollah. Cetteorganisation joue désormais un rôle majeur dans la région et menace ouvertementIsraël. Téhéran assiste aussi le Hamas – sunnite – en lui faisant parvenirargent et armements, missiles compris.

Par ailleurs le terrorisme iranien ne connaît pas de frontières. Les attentatscontre la communauté juive d’Argentine en 1994 ont fait des centaines de mortset l’an dernier une tentative d’assassinat de l’ambassadeur saoudien auxEtats-Unis a été déjouée à temps.
Il faut bien voir que le coût combiné du programme nucléaire, des Gardiens dela Révolution, des Basijis, de l’assistance au Hezbollah et au Hamas et dufinancement de la terreur à travers le monde a atteint un niveau proprementmonstrueux : il est estimé par certains à des centaines de milliards de dollarsau cours des dernières décennies. Malgré les revenus considérables tirés dupétrole, il ne restait pas grand-chose pour le développement du pays.
Le régime des Ayatollahs est tout entier tourné vers la survie et ledéveloppement de la révolution islamique à travers le monde. Il est doncincapable d’abandonner son programme nucléaire devenu la pierre angulaire de sapolitique.
Sans la menace nucléaire le pays perdrait son influence à l’étranger. LesAyatollahs devraient alors expliquer au peuple le manque de développementéconomique et l’absence de droits de l’homme. Ils devraient surtout rendre descomptes sur le gaspillage effréné des ressources du pays. Ce serait lecommencement de la fin pour la révolution islamique.
Le Premier ministre israélien, qui connaît bien la réalité iranienne, a tentéd’en convaincre le président Obama et les Nations unies. Rouhani a beau tenirdes propos conciliants, il n’a aucunement l’intention de dévier de sonobjectif. Malheureusement l’Occident n’a pas envie de se lancer dans unenouvelle confrontation et veut croire aux propos « modérés » du nouveauprésident iranien.
C’est là-dessus que compte Téhéran, qui se moque de l’Occident depuis quinzeans tout en faisant semblant de négocier de bonne foi. Pour paraphraser lesparoles du prophète Jérémie, il n’y a pas plus aveugles que ceux qui ne veulentpas voir.

L’auteurest ancien ambassadeur d’Israël en Egypte et chercheur au JCPA.