Des djihadistes au profil classique

Ils sont connus des services de police, surveillés, traqués, et pourtant ils passent à l’acte…

Amedy Coulibaly devant le drapeau de Daesh (photo credit: screenshot)
Amedy Coulibaly devant le drapeau de Daesh
(photo credit: screenshot)
On estime à plusieurs milliers les candidats aux actions terroristes appartenant à des cellules dormantes. Que ce soient les frères Kouachi, les assassins de Charlie Hebdo, ou Amedy Coulibaly, le tueur de Montrouge qui a abattu 4 juifs lors de la prise d’otage de l’Hypercacher de Vincennes, leurs parcours présentent des constantes : une dérive sociale, la rencontre avec un mentor, la radicalisation en prison. Un autre point commun est leur habileté à faire croire en leur repentance et à convaincre « qu’ils se rangent » au plus fort de leur radicalisation. Enfin on ne peut que s’étonner de la facilité avec laquelle ils se retrouvent en liberté.
Les frères Kouachi appartenaient à la filière des Buttes-Chaumont en charge de recruter des candidats au djihad pour le compte d’al-Qaïda. Dans le 19e arrondissement de Paris, ce petit groupe de copains comptait une figure clé : Boubakeur El-Hakim. Lui est allé sur le terrain de guerre, en Irak, il y a même perdu son frère, Redouane, il est donc auréolé du prestige du vétéran. « C’est lui qui catalyse la volonté de l’engagement actif », explique Jean-Pierre Filiu, spécialiste de l’islam contemporain qui a étudié cette filière des Buttes-Chaumont. « En fait, il s’est passé quelque chose entre Boubakeur El-Hakim et les plus jeunes de la bande. Ils ont été fascinés par l’aspect militaire du personnage ».
Tel est pris qui croyait prendre
Or, Boubakeur El-Hakim est un personnage clé de Daech [l’organisation Etat islamique]. En Tunisie d’abord, il est directement responsable de la mort de ceux qu’on a appelés « les martyrs de la gauche tunisienne », Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, en 2013. Puis le mois dernier, le 17 décembre, dans une vidéo de Daech depuis la Syrie, Boubakeur a revendiqué l’assassinat des deux Tunisiens, et promis : « Je vais revenir avant les élections présidentielles pour vous tuer ».
C‘est en partance pour faire le djihad en Irak en 2005 que Chérif, le plus jeune des frères a été arrêté puis incarcéré. Filiu se souvient : « A l’époque, Chérif avait confié à son avocat que cette arrestation était une bonne chose. Selon toute vraisemblance, il avait peur d’aller là-bas ». C’est après son procès que, d’après lui, s’est fait le passage à Daech.
Un portrait de Chérif Kouachi a été réalisé dans le cadre de l’émission « Pièces à conviction ». On y voit son éducateur se féliciter que Chérif « a compris qu’il s’est fait rouler dans la farine par les islamistes ». La suite de l’histoire prouvera que c’est bien plutôt l’éducateur que Chérif Kouachi aura roulé dans la farine en lui faisant gober sa repentance. En effet, pour Filiu, il ne fait aucun doute que sa radicalisation était consommée.
Incarcéré à perpétuité, et… libéré
Amedy Coulibaly, le tueur de Montrouge qui a pris d’assaut le supermarché Hypercacher de Vincennes, était un ancien voyou condamné au total à plus de 18 ans de prison. Incarcéré plusieurs fois pour vol, trafic de drogue, il faisait partie en 2009, d’un programme de réinsertion à Grigny. Installateur en audiovisuel électronique en formation, embauché par Coca-Cola, il devait rencontrer Sarkozy et le Parisien libéré lui avait consacré un article. Coulibaly avait alors 24 ans et semblait se ranger. En réalité, converti en prison, il avait déjà basculé dans l’islam radical.
En juin 2010, il avait été arrêté par les services antiterroristes, soupçonné d’avoir participé au projet d’évasion de Smaïn Aït Ali Belkacem, l’un des principaux auteurs de la vague d’attentats de 1995 du métro et du RER parisien pour le compte du Groupe islamique armé (GIA, algérien). Condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, il était incarcéré à la centrale de Clairvaux. Pourtant, il était sorti de prison depuis 1 an.
Mentor et héros
Djamel Beghal, dit Abou Hamza, était le mentor des frères Kouachi et d’Amedy Coulibaly. Actuellement incarcéré à Rennes en cellule d’isolement, il aurait été le recruteur des frères Kouachi. Les terroristes s’étaient rencontrés en prison. Chérif Kouachi y était incarcéré pour avoir participé à la filière d’envoi de djihadistes en Irak, Beghal pour avoir fomenté un attentat contre l’ambassade des Etats-Unis en France et Amedy Coulibaly pour des faits de droit commun.
Beaucoup plus âgé, Djamel Beghal est très vite devenu leur gourou. Ses faits d’armes lui conféraient le statut de « héros ». Il a exercé sur les jeunes en voie de radicalisation religieuse une force d’attraction terrible. A leurs sorties de prison respectives, ils étaient restés en contact et avaient projeté l’évasion de Smaïn Aït Ali Belkacem, ancien du GIA, condamné en 2002 à perpétuité pour l’attentat à la station RER Musée d’Orsay en octobre 1995 à Paris. Amedy Coulibaly, adoubé par Djamel Beghal, était l’un des bras armés de la tentative d’évasion. Les trois hommes avaient été condamnés en 2010 pour cette affaire. Chérif Kouachi avait bénéficié d’un non-lieu. 
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