L'horreur se répète

Un mois après les attentats de Paris, Copenhague est le théâtre du même scénario. Est d’abord visée la liberté d’expression, puis ce sont les juifs

Un policier danois devant la synagogue de Copenhague dimanche 15 février (photo credit: REUTERS)
Un policier danois devant la synagogue de Copenhague dimanche 15 février
(photo credit: REUTERS)
Ils voulaient fêter la bat-mitsva de leur fille dans la grande synagogue Kristalgade de Copenhague. Il y avait à peu près 80 invités. Comme c’est désormais la règle en Europe, il devait y avoir des gardes armés à l’entrée du lieu de culte, mais cela n’a pas suffi. Samedi 14 février au soir, un terroriste s’est dirigé vers l’entrée du bâtiment et a tiré sur Dan Uzan, 37 ans, membre de la communauté juive, qui assurait la sécurité de l’événement familial. Le meurtrier a également blessé deux policiers. « Je préfère ne pas penser à ce qui se serait passé si le meurtrier était parvenu à entrer dans la synagogue », a déclaré le responsable de la communauté juive de Copenhague Dan Rosenberg. Quelques heures plus tard, le suspect, de confession musulmane, était tué par la police danoise.
Pour les autorités, il s’agit du même homme qui avait tiré une salve de balles sur le café Krudttonden plus tôt, dans la journée de samedi, tuant Finn Nogaard. Le réalisateur assistait à un événement en présence de Lars Vilks, caricaturiste suédois, et de l’ambassadeur français au Danemark, François Zimeray. De façon ironique ou symbolique, l’assassin a interrompu un débat sur la liberté d’expression. Au moment où il a ouvert le feu, les personnes présentes se demandaient si les artistes doivent « oser » dessiner des caricatures jugées blasphématoires, en référence à l’attaque meurtrière contre Charlie Hebdo à Paris en janvier. L’événement était lourdement sécurisé, parce que de nos jours, impossible de participer à un débat sur la liberté d’expression si des hommes armés n’assurent pas votre protection. Mais là encore, la présence des policiers n’a pas suffi. Trois d’entre eux ont été blessés et le suspect a réussi à s’enfuir, poursuivant sa croisade meurtrière et attaquant la synagogue quelques heures plus tard.
Après les attaques, c’est le rituel des déclarations frileuses. La Première ministre danoise Helle Thorning-Schmidt a qualifié les attentats de « terroristes », avant de poursuivre : « En tant que nation, nous venons de vivre des heures que nous ne pourrons jamais oublier… Nous ne connaissons pas les motifs des responsables de ces actes… Nous ne sommes pas en guerre contre l’islam, ni contre l’Orient. Ce n’est pas une bataille entre musulmans et non-musulmans. »
C’est devenu la norme en Europe
Le Congrès juif mondial estime qu’il ne reste que 6 400 juifs au Danemark. Beaucoup ont quitté le pays au cours de la dernière décennie, à cause de la montée de l’antisémitisme. Environ 40 incidents antisémites sont annuellement reportés. Le Danemark, qui a été l’un des premiers pays scandinaves à autoriser l’immigration des juifs au XVIIe siècle, est aujourd’hui devenu un lieu où ils ne se sentent plus en sécurité. Il est dans le top 4 des pays de l’Union européenne en termes de djihadistes qui ont rejoint les combats en Syrie. En juillet dernier, le cheikh Abou Bilal Ismail, un imam danois, appelait à l’extermination des juifs. « Il est nécessaire de détruire les juifs sionistes, de les compter et de les tuer jusqu’au dernier. N’épargnez aucun d’entre eux. Faites les souffrir atrocement. »
Les attaques de Paris et de Copenhague ne sont pas des événements isolés. Ils font partie d’un plan dans lequel les islamistes tuent des juifs, dans le cadre de la guerre qu’ils ont déclarée à l’humanité. Au cours des attentats de Bombay qui ont tué 164 personnes en 2008, les meurtriers entraînés au Pakistan avaient attaqué 12 cibles. L’une d’entre elles était un centre communautaire juif. Dans une ville comptant 11 millions de personnes, où la communauté juive ne dépasse certainement pas le millier, les islamistes ont choisi une cible juive.
Mohamed Merah, l’assassin de Toulouse, a d’abord dirigé son arme sur trois militaires français, avant de massacrer des enfants juifs dans l’école d’Otzar Hatorah. C’est devenu la norme en Europe. Ils s’attaquent d’abord à un symbole européen, occidental, que ce soit un soldat ou un représentant de la liberté d’expression, avant de s’en prendre aux juifs. Et puis c’est le tour des médias et des hommes politiques qui refusent de voir la nature et les motifs des crimes.
« De l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace »
Aujourd’hui encore, on annonce une protection renforcée de la sécurité dans les lieux juifs en Europe. Et des événements sont annulés. Un match de football auquel devait participer une équipe juive de Stockholm n’aura pas lieu « pour raisons de sécurité ». Il est triste d’en arriver au point où les juifs ont besoin de protection.
Puis les discours se succèdent et se ressemblent. Le 13 janvier, le Premier ministre français Manuel Valls prononçait un plaidoyer puissant, constatant la « renaissance » de l’antisémitisme et demandant combien de temps, la République pourra-t-elle supporter des appels de « mort aux juifs » dans ses rues. « Comment pouvons-nous accepter qu’un citoyen tunisien, que son père a envoyé en France pour qu’il y soit en sécurité, soit tué alors qu’il allait acheter son pain de shabbat ? », s’est interrogé le chef du gouvernement français. Excellente question. Manuel Valls a courageusement remarqué que la montée de la haine dans les rues de France est liée au fait que dans de nombreuses banlieues, habitées par des immigrés et par leurs descendants, l’antisémitisme est un état de fait. « Comment pouvons-nous accepter que dans certaines institutions, collèges et lycées, on ne peut enseigner ce qu’a été la Shoah ? », s’est-il indigné.
Si nous ne voulons pas que ce qui se passe aujourd’hui en Europe ne devienne la nouvelle norme, si nous ne voulons pas basculer dans ce nouvel âge sombre, nous devons nous préparer à un changement majeur dans notre façon de réagir.
« De l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace », telle était la devise du révolutionnaire Georges Danton en 1792. Aujourd’hui, les gouvernements européens doivent avoir l’audace de nommer les meurtriers par leur nom. Nous devons avoir l’audace de ne pas céder à la peur. Une croisade est aujourd’hui menée en Europe, et elle ne sera pas stoppée par des discours consensuels. L’Europe a besoin d’un plan d’urgence pour stopper ce fléau, ou nous risquons de voir encore beaucoup de Paris et de Copenhague.
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