Une belle image

Dans les coulisses de la diplomatie, les poignées de mains se transforment souvent en coups de coudes. Qui était invité à la grande marche et qui ne l’était pas ?

Les leaders du monde défilent à Paris (photo credit: EREZ LICHTFELD)
Les leaders du monde défilent à Paris
(photo credit: EREZ LICHTFELD)
Une cinquantaine de leaders du monde entier, européens, africains, asiatiques, ont défilé dimanche, main dans la main, contre le terrorisme islamique. L’image est forte. Benjamin Netanyahou et Mahmoud Abbas sont presque côte à côte. Une allégorie. Mais derrière ces clichés d’union, tout n’est pas si rose.
Car selon les révélations de la seconde chaîne de télévision israélienne, Netanyahou n’aurait pas été invité à l’événement. Haaretz a publié les détails de l’incident embarrassant qui s’est déroulé dans les coulisses de la grande marche. Selon un membre du bureau du Premier ministre, qui s’est exprimé sous couvert d’anonymat, Jacques Audibert, conseiller diplomatique de François Hollande, aurait dit en personne à son homonyme israélien Yossi Cohen que le Président français préférait que Netanyahou ne soit pas présent. Paris expliquant que la présence du Premier ministre risquait d’orienter le débat sur le conflit israélo-palestinien et représentait un élément de « division ».
Netanyahou avait dans un premier temps accepté de se plier aux exigences de l’Elysée, son bureau publiant un communiqué expliquant qu’il ne se rendrait pas à Paris pour des raisons de sécurité évidentes. Une requête similaire aurait été envoyée au chef de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, qui a lui aussi poliment décliné l’invitation.
Mais samedi soir, coup de théâtre. Apprenant que le ministre des Affaires étrangères Avigdor Liberman et le ministre de l’Economie Naftali Bennett – respectivement chefs de file d’Israël Beiteinou et de HaBayit HaYehoudi – avaient, eux, décidé de voyager, Netanyahou change d’avis, provoquant la colère d’Audibert, qui va même jusqu’à menacer d’un refroidissement des relations entre les deux administrations. Selon Haaretz, une des craintes de Paris était justement que Netanyahou ne se serve du rassemblement comme d’un argument de campagne. Mais Bibi ne cède pas. Face à son entêtement, l’Elysée se voit dans l’obligation d’envoyer une invitation à Mahmoud Abbas, qui prend lui aussi finalement l’avion.
La version officielle maintient que seules des préoccupations sécuritaires empêchaient la venue de Netanyahou. Une fois ces détails réglés, affirme-t-on, le président Hollande aurait personnellement téléphoné au Premier ministre samedi soir pour l’inviter. Pourtant, la tension semblait palpable entre les deux leaders dimanche. BFM TV a repassé en boucle les images d’un Netanyahou visiblement agacé de ne pas être monté dans le premier bus vers le rassemblement. Puis on a vu le chef du gouvernement israélien se faufiler au premier rang du cortège, avant d’apercevoir la très brève accolade que lui a accordée François Hollande.
Ces invités qui font grincer des dents
Il faut dire que l’appel de Netanyahou à l’aliya des juifs de France, au lendemain de l’attentat contre Hypercacher, n’a pas plu à l’Elysée. Le Premier ministre Manuel Valls avait répondu du tac au tac, rétorquant que « la France sans les juifs ne serait plus la France ». Conscient de s’être emporté, le chef du gouvernement israélien a d’ailleurs adouci ses propos lors de son discours à la synagogue de la Victoire – auquel n’a pas assisté François Hollande –, estimant que les juifs ont « le droit de vivre en sécurité et en paix dans chaque endroit où [ils choisiront] de vivre, en particulier en France ».
Si la présence de Netanyahou n’était pas souhaitée, celle du chef de l’Autorité palestinienne interroge également, lui qui il n’y a pas si longtemps a formé un gouvernement d’union avec le Hamas, une organisation terroriste sur la liste noire de l’Union européenne.
La venue des dirigeants turc, égyptien, saoudien et russe a également soulevé la polémique, au sein de l’opinion française cette fois, ces pays n’étant pas les meilleurs élèves en matière de liberté de la presse. Reporters sans frontières a rappelé que l’Egypte, la Russie, la Turquie, l’Algérie et les Emirats arabes unis sont respectivement 159e, 148e, 154e, 121e et 118e sur 180 du classement mondial de la liberté de la presse. De nombreux journalistes y sont emprisonnés et les opposants dans le meilleur des cas muselés.
Et puis surtout, l’invitation lancée au chef de la diplomatie turque, Ahmet Davutoglu, a laissé de nombreux spectateurs perplexes. Depuis le début de la rébellion en Syrie, la Turquie est en effet accusée de passivité face aux groupes djihadistes qui transitent par son territoire. Voire même de soutien aux combattants extrémistes. La Turquie est, entre autres, un des principaux acheteurs du pétrole vendu par l’EI.
La présence de ces dirigeants aurait certainement inspiré des dessins corrosifs aux dessinateurs de Charlie Hebdo…
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