Better Place, la fin d’un rêve

La compagnie de voitures électriques dépose le bilan. Décryptage.

BETTER PLACE CEO Evan Thornley 370 (photo credit: Courtesy Better Place)
BETTER PLACE CEO Evan Thornley 370
(photo credit: Courtesy Better Place)
Dimanche 26 mai, Better Place déclare faillite. L’annonce a suscité denombreuses émotions, que l’on ne retrouve pas souvent face à un dépôt de bilan.Tous, usagers, managers, défenseurs de l’environnement, magnats du pétrole,amateurs de bolides et prêcheurs New Age, se sont dits attristés. La grandeidée de Shaï Agassi, le charismatique entrepreneur israélien, roi desclassements internationaux, pour révolutionner l’industrie de l’automobile aéchoué.
Mais ce n’est pas la perte de milliards de dollars investis, ni le sort des 1300 courageux pionniers qui restent avec un véhicule inutilisable sur les bras,qui fait couler les larmes. Le dépôt de bilan de Better Place signe la fin d’unrêve, la mort d’une vision et un coup dur à la « start-up nation ».
Que s’est-il donc passé ? Beaucoup évoquent la difficulté de transformer l’idéevisionnaire en entreprise florissante.
Better Place a sans conteste enrichi le savoir-faire existant pour remplacerles voitures à essence par des véhicules électriques. Par exemple, pour couvrirle coût élevé des batteries nécessaires, l’entreprise a imaginé de les louer aukilomètre aux usagers. Et pour répondre aux problèmes de longue distance, desstations pour recharger et remplacer les batteries ont été construites tout aulong du pays.
C’est la patience et l’attention aux détails qui semblent avoir manqué. Au lieude se focaliser sur le petit marché israélien – et de corriger erreurs etproblèmes techniques avant de s’agrandir – l’entreprise a immédiatement investiau Danemark, en Australie et aux Etats-Unis, dilapidant ses capitaux sansanticiper la difficulté de s’insérer sur le marché.
Better Place réalisera son erreur trop tardivement. « Nous avons dépensébeaucoup d’énergie pour promouvoir l’idée sur les marchés étrangers. C’est uneidée très sexy et nous nous sommes laissés emporter », regrette aujourd’hui uncadre supérieur.
Second échec : de tous les constructeurs automobiles, seul Renault a suivi.Résultat, très peu de modèles sont proposés à la clientèle et l’entreprisefrançaise, qui n’assume que peu de risques financiers dans l’affaire et n’estpas concurrencée, ne cherche pas à rendre ses batteries électriques moinschères.
Mais, au-delà de ses prix élevés, Better Place rencontre surtout desdifficultés à inspirer confiance. Le grand public ne se rue pas sur lesvéhicules, qu’il connaît mal, faute d’une campagne publicitaire suffisammentbelliqueuse. La sortie d’Agassi, lors d’un remaniement qui a lieu quelques moisseulement après la création, ne contribue pas à attirer les consommateurs. Etlorsque, le mois dernier, le président de Renault, Carlos Ghosn, affirme avecdésinvolture que l’avenir n’appartient pas aux voitures à batteriesinterchangeables, c’est le début de la fin de Better Place.
En réalité, tant que les géants chinois et indiens continueront de croître, lestransports à essence auront de beaux jours devant eux. Toujours plus de pollutionset de dictatures pétrolières ? Oui, mais pas seulement. Le pire échec de BetterPlace serait de donner la fausse impression aux jeunes générationsd’entrepreneurs que le jeu n’en vaut pas la chandelle et que la créativité nepaye pas.