La Vie à toute vitesse

« Il est louable qu’une personne ayant un handicap ait été choisie pour représenter l’ensemble du pays »

Pascale Bercovitch (photo credit: FACEBOOK)
Pascale Bercovitch
(photo credit: FACEBOOK)

 Pascale Bercovitch voit la vie à travers des lunettes roses. Et on le ressent même à l’autre bout du fil. L’athlète paralympique de 46 ans avoue sa surprise d’avoir été choisie parmi les 14 femmes qui allumeront les torches lors de la cérémonie du jour de l’Indépendance, cette année. Il faut dire que les candidates étaient nombreuses pour remplir ce rôle, et elle se sentait un peu jeune pour recevoir cet honneur.

 Selon elle, si le jury l’a sélectionnée, c’est parce qu’elle symbolise une multitude de visages : elle est autant mère, qu’athlète, journaliste, épouse, cinéaste, écrivain et conférencière en développement personnel. « Et il est louable qu’une personne ayant un handicap ait été choisie pour représenter l’ensemble du pays », a-t-elle confié au Jerusalem Post.
 Bercovitch, qui a commencé à pratiquer la gymnastique à un âge précoce, a perdu l’usage de ses deux jambes après être tombée sous un train dans sa France natale, à l’âge de 17 ans. Mais à peine six mois après l’amputation de ses membres, son esprit combatif et sa passion pour Israël l’ont conduite à servir l’armée israélienne en chaise roulante, en tant que bénévole. « Depuis l’âge de 15 ans je suis tombée amoureuse de l’idée d’un très petit pays porteur d’une très grande vision. Un Etat qui essaye d’être plus intelligent, équitable, et vert que n’importe quel autre pays ».
 Elle se souvient de la première fois où elle a cherché l’Etat d’Israël sur une carte du monde, sans y parvenir, en raison de l’exiguïté de la nation ; elle a alors demandé à ses parents de le lui montrer et même avec leur aide, il aura fallu un certain temps. Elle évoque aussi la motivation qui est la sienne, nourrie par le sentiment de pouvoir contribuer à ce pays jeune et en constante évolution, chose qui ne serait jamais arrivée en France, qu’elle définit comme « vieille et étriquée ».

La « petite jeune » intègre l’armée

 En juillet 1985, Bercovitch fait ses valises et s’engage dans les rangs de Tsahal. Non hébraïsante et physiquement atteinte, elle débute dans les bureaux de l’armée, avant de devenir monitrice pour les groupes Sar-El de bénévolat depuis l’étranger, dont elle avait fait partie à l’adolescence. Elle se sent investie par ce rôle au sein de l’armée israélienne, après avoir été juste « une petite jeune » un an plus tôt. « C’était un sentiment satisfaisant pour moi d’être le lien entre l’armée et les groupes, et j’ai commencé à faire des discours aux soldats et aux nouveaux immigrants sur ma vie et ce que j’avais appris », explique-t-elle.

 Tsahal constituera une véritable source d’apprentissage pour la jeune femme. « J’ai beaucoup appris : l’hébreu, comment faire face à mon nouveau corps et à un fauteuil roulant, de quoi ce pays est fait, mais j’ai aussi appris à manger du houmous et à écouter de la musique orientale. C'est un endroit enrichissant, qui m’a donné un statut et une structure ».
 Bercovitch est la première personne à faire du bénévolat pour Tsahal dans un fauteuil roulant, dans des bureaux à l’époque inadaptés aux personnes à mobilité réduite : « Il y avait des tas d’escaliers et les bâtiments n’étaient pas accessibles. Mais on m’a aidée, on a installé des rampes partout, on a improvisé. Le scénario n’était pas idéal », dit-elle en riant de bon cœur, confiant que la situation était « cauchemardesque » et bien loin des conditions actuelles. Elle fait aujourd’hui partie de l’organisation à but non lucratif Access Israel qui est, selon elle, « en train de changer la face du pays » concernant l’accessibilité et la qualité de vie de la population handicapée.
 Bercovitch a continué à partager son expérience et faire des discours dans le monde de la haute technologie, des entreprises et des institutions. Son rêve est aujourd’hui de créer une école pour adolescents et adultes, dans le but de leur enseigner à mieux vivre au jour le jour et à rendre harmonieux le lien entre corps et esprit.

Sports extrêmes en fauteuil roulant

 C’est au cours de son service dans Tsahal que Pascale découvre sa passion pour la natation, et devient la protégée de l’entraîneuse Margalit Zonenfeld, qui l’accompagnera tout au long de sa carrière dans le sport nautique, et la poussera à intégrer l’équipe nationale. Grâce à la natation, Bercovitch « revient à elle-même » après le traumatisme de l’accident qui a changé sa vie. « J’avais l’impression que je n’étais plus handicapée, quand vous êtes dans l’eau, il n’y a pas de différence ». La natation la réconcilie avec le sport, mais son ambition ne s’arrête pas là. Elle s’attaquera par la suite à l’aviron, l’escalade, l’alpinisme, le surf et la danse en fauteuil roulant.

 Son amour pour les sports extrêmes va la conduire à connaître une autre sorte de passion: celle qu’elle voue à son mari Oz Skop, qu’elle rencontre en escaladant. Skop est l’entraîneur de l’équipe nationale d’escalade, et lorsque Berkovitch décide de réaliser son rêve et de s’adonner à cette discipline, elle est naturellement dirigée vers lui pour des conseils. Elle est désormais le numéro 4 mondial en paralpinisme, mais s’efforce encore et toujours d’améliorer son classement.
 C’est à l’âge de 40 ans que Bercovitch entame sa carrière olympique en aviron. « On m’a dit que j’étais folle, qu’on ne commençait pas à 40 ans, mais j’ai prouvé que quand on veut vraiment quelque chose, rien ne peut nous arrêter, même si je l’ai fait par amour et non pour prouver quoi que ce soit. J’aime les défis et faire de nouvelles choses. Cela fait partie de mon âme », explique l’athlète. Elle ajoutera plus tard le cyclisme handisport (cyclisme à main) à la liste de ses challenges, remportant la cinquième place aux Jeux de Londres en 2012, et espère participer aux prochains Jeux de Rio en 2016.
 Selon Bercovitch, chaque individu a une force profonde, mais tout le monde ne le sait pas ; et sans vérifier où se situent ses propres limites, personne ne peut connaitre ses véritables capacités. Elle admet avec humour que les résultats ne sont pas toujours au rendez-vous, se moquant de ses talents culinaires. Mais dans son inventaire, Bercovitch affirme sans hésiter que ses deux filles Eden et Mika sont ses plus grandes réalisations, les décrivant comme ses deux médailles d’or. « Je leur explique que l’argent et les diplômes n’ont pas vraiment d’importance, que c’est ce qui est dans leur cœur qui compte, et qu’elles doivent prendre leur propre chemin, sans s’inquiéter pour l’avenir ».
 Alors que Pascale s’apprête à allumer une torche le jour de Yom Haatsmaout, elle partage des mots de sagesse qui pourraient nous éclairer tous. « Nous avons tous de mauvaises périodes, et il y a des surprises dans la vie qui ne sont pas toujours agréables, mais il y a aussi beaucoup de tipot shel mazal (brins de chance) autour de nous en permanence. La plupart du temps, nous ne les voyons pas parce que nous sommes trop occupés ou pensons négativement », explique-t-elle en forme de leitmotiv, avant d’ajouter : « ma fille aînée dit que je vois tout en rose, et mon sponsor m’a offert des lunettes de soleil roses, alors maintenant c’est vraiment le cas ».