La modernité du judaisme

Ce que nous enseigne le judaisme depuis des millénaires s'inscrit de façon surprenante dans les temps modernes que nous vivons

P25 JFR 150 (photo credit: Wikimedia Commons)
P25 JFR 150
(photo credit: Wikimedia Commons)

L’un des thèmes qui revient le plus dans les médias est celui de « crise ». Malgré tout ce qui est entrepris dans les domaines sociaux, économiques et politiques, les résultats ne sont pas suffisants. On constate malheureusement un accroissement des disparités entre les individus. Une autre source de déception vient du fait que les nouvelles technologies avec lesquelles on pourrait sortir le monde de la pauvreté et de l’angoisse ne sont pas toujours utilisées dans le sens souhaité.
On connaît la boutade : « On a marché sur la Lune, mais comment vit-on sur la Terre… ». C’est parce que nous avons la conviction que la Torah est d’une brûlante actualité que nous tenterons d’esquisser quelques-unes des valeurs juives. Cependant, nous sommes conscients que, pour apprécier pleinement le judaïsme, il faut pénétrer dans ses textes et son vécu.
C’est un extraordinaire patrimoine constitué de milliers de pages de la Bible, du Talmud, de la Kabala et du Hassidisme.
Première remarque : notre vie est un ensemble de relations par rapport à autrui. Et cet autrui est double : c’est l’Autre par excellence – Dieu. C’est également notre prochain. Voilà donc pourquoi on trouve deux types de commandements : vis-à-vis de Dieu et vis-à-vis des Hommes.
Deuxième remarque : la grande originalité du judaïsme réside dans sa conception optimiste de la vie. C’est la seule religion qui a autant privilégié l’existence terrestre. N’est-ce pas Daniel Rops, pourtant connu pour son antijudaïsme, qui reconnaissait que « la première législation sociale de toute l’Histoire de l’Humanité se trouve dans la Bible » ?
Il faudra attendre vingt siècles après le Talmud pour trouver un code du Travail soucieux de protéger les ouvriers. Toutes brimades à leur égard sont strictement interdites. Leurs salaires doivent être payés à temps en fin de journée. Le droit de grève est reconnu. Le Shabbat est un jour de repos obligatoire. La place nous manque pour citer tous les détails de cette législation. Comme le dit le Talmud, « celui qui acquiert un serviteur, acquiert en vérité un maître ».
Tout ceci semble évident aujourd’hui, mais c’est au Sinaï, il y a 3 000 ans, que toutes ces lois et bien d’autres encore furent promulguées.
Dans la recherche des sources, on peut faire une comparaison entre la Déclaration des droits de l’Homme qui date de 1948, et les Dix Commandements.
Ce qui caractérise le judaïsme n’est pas seulement la formulation de cette doctrine d’une si haute élévation morale, sociale et philosophique, mais c’est surtout l’opiniâtreté avec laquelle le peuple juif s’est efforcé de la mettre en pratique.
Respect de la vie humaine et justice
Le respect absolu de la vie humaine est une des facettes les plus importantes de la Torah. Chaque individu est comparé à tout un univers. « Ton sang n’est pas plus rouge que celui de ton prochain, et ce quelle que soit la couleur de sa peau » lit-on dans le Talmud.
Lorsque se présente une situation où l’enjeu est la vie ou la mort, l’observance de toutes les lois est abolie.
Alors que dans l’antique code d’Hammourabi, celui qui vient en aide à un fugitif est condamné à mort, le Deutéronome (XXIII, 16) au contraire nous enjoint fermement de le protéger et nous interdit « de livrer un esclave à son maître ».
« Tsedek, tsedek tirdof – la Justice, la Justice tu rechercheras… », lisons-nous dans le Deutéromone (XVI, 20). Et ceci se traduit par des traités entiers du Talmud et la méticuleuse organisation du système judiciaire. Les juges, dont l’intégrité doit être irréprochable, ne sont pas élus par le pouvoir, mais par la communauté. Ils doivent avoir les qualités suivantes : « La crainte de Dieu, la sagesse, l’humilité, le dédain de l’argent, l’amour de la vérité et du prochain ». Ils ne doivent faire preuve ni de sévérité excessive, ni d’une pitié inconsidérée. Enfin, ils doivent surtout faire preuve d’une totale impartialité.
Il va de soi que les faits incriminés doivent être établis avec une minutieuse précision. Et le fameux principe du droit romain « Testis unus, testis nullus » se trouve déjà dans le Deutéronome (XIX, 15) : « Un témoignage isolé ne sera pas valable contre une personne. C’est par la déposition de deux ou trois témoins qu’un fait sera établi ».
Malheureusement, la place nous manque pour montrer de façon exhaustive combien le système judiciaire préconisé est d’une grande équité. Contentons-nous de conclure en citant la mise en garde du livre de l’Exode (XXIII, 2) : « Ne suis point la multitude pour mal faire. N’opine point sur un litige dans le sens de la majorité pour faire fléchir le droit ». Ainsi donc, la mission du peuple d’Israël est d’enseigner au monde une doctrine basée sur la Justice et la Charité afin d’arriver au Tikoun HaOlam, une Humanité dans laquelle on puisse pleinement vivre.
Isaïe (XLII, 7) l’a annoncé : « Voici mon serviteur Israël… sur lui j’ai répandu mon Esprit pour qu’il révèle aux nations ce qui est juste… Il ne se lassera pas qu’il ait établi la Justice sur la Terre… Moi l’Eternel, je l’ai appelé pour la Justice et je le prends par la main. Je le protège et je l’établis pour fédérer les peuples et être la lumière des nations ; pour dessiller les yeux frappés de cécité ; pour tirer le captif de prison et du cachot ceux qui vivaient dans les ténèbres. »
Alors s’accomplira une autre prophétie d’Isaïe (XI, 9) : « Plus de méfaits, plus de violences car la Terre sera pleine de la connaissance de Dieu ». Cette confiance en l’Homme, cette doctrine de Justice est considérée par certains comme n’étant qu’une utopie. Mais pour ceux qui étudient la Torah et pratiquent les mitsvot, il s’agit d’une réalité quotidienne.  u
L’auteur dirige le centre Shorashim pour les étudiants de l’Université hébraïque de Jérusalem
Tél. : 054 239 97 91
Chaque mois, vous trouverez dans cette rubrique les réponses aux questions que vous souhaitez poser : french@jpost.com